Nous étions une quarantaine (dont 7 du jumelage Winchester et une douzaine d’amis allemands qui nous ont rejoints sur place) ces 25/26 mai pour la visite du Saillant de Saint-Mihiel (sud de la Meuse), organisée par le jumelage d’Aschaffenburg.
Le premier de ces haut-lieux de la Grande Guerre, a été le Fort de Troyon, l’un des 166 forts de liaison, situés en moyenne à 6 km les uns des autres, soit à une distance inférieure aux 9 km de portée des canons de l’époque. Avec 43 autres ouvrages secondaires et 250 batteries, ces forts constituaient le rideau défensif, entre Toul et Verdun, conçu par le Général Séré de Rivières. Construit en 20 mois (1878/1879), d’une surface de 5 ha, sur un terrain de 23 ha., il est fait de voutes maçonnées recouvertes de 5 à 6 m de terre et comporte 18 plateformes d’artillerie lourde à ciel ouvert et des logements et locaux casematés.
Au-delà de l’émotion et de « l’émerveillement » ressentis pendant la visite, la surprise a été grande de découvrir que ce fort (comme les autres), est tombé peu à peu dans l’oubli et laissé à l’abandon recouvert de friches, sauf pendant la 2ème guerre où il a été utilisé par les américains comme base logistique. En 1993, un particulier l’a acheté, puis autorisé une association de quelques bénévoles, n’ayant d’autre ressource que la vente des rares billets d’entrée –aucune subvention publique locale, régionale ou nationale n’ayant été obtenue- à le restaurer.
Nous avons ensuite visité quelques plateformes du Saillant de Saint-Mihiel. Les Allemands cherchant à prendre la place forte de Verdun en tenaille opérèrent en septembre 1914 une avancée de 20 km dans le dispositif français, qui se « limitera » à cette poche, sans pouvoir aller plus loin et donc encercler Verdun. Ce n’est qu’en septembre 1918, après 4 années de combats d’une intensité dramatique, que 9 divisions américaines et 4 françaises et leurs 250 000 hommes commandés par le Général Pershing, réduiront, en 30 heures, le saillant sur un front de 64 km.
Là aussi, même surprise en apprenant que ces sites sont restaurés et entretenus bénévolement (avec seulement quelques subventions durement acquises), depuis 20 ans par notre guide Norbert KUGEL, qui les a ouverts au public par des sentiers balisés. Ces immenses réseaux de tranchées, impressionnants par leur conception (bétonnés côté allemand !), leur densité et la proximité des fronts (parfois distants de moins de 20 m) sont très émouvants.
Et l’émotion a été à son comble en arrivant au Bois-Brûlé, lorsque nous nous sommes recueillis devant la plaque commémorative de l’Adjudant Jacques Péricard, là où a résonné le 8 avril 1915 son « Debout les morts ! » qui a motivé ses troupes d’éclopés pour reconquérir une tranchée. Le lecteur imaginera l’ambiance, lorsqu’il apprendra que celui-ci était le père de Thérèse Grand-Chavin, l’organisatrice de ce voyage.
Le programme nous a aussi conduits aux tranchées des Bavarois, de Roffignac et de la Croix des Redoutes, à Marbotte avec son musée, créé et entretenu par des bénévoles également, et son église transformée pendant la guerre en hôpital qui a vu tant de mourants que ses dalles en étaient rougies par le sang, au monument américain de Montsec, majestueux sur sa butte et entretenu … à l’américaine. Une passionnante conférence sur l’Europe, à la maison de Robert Schuman, a suscité beaucoup de questions et commentaires, au point de n’avoir pas eu le temps de la visiter.
Didier Briffaud – 25 / 26 mai 2016