L'histoire de l’emblématique Mont Rushmore
https://generationvoyage.fr - Kevin Ebelle - 27 mars 2017_ https://blackhillsvisitor.com _ Wikipedia
Le Mont Rushmore, un symbole patriotique contesté
. Le Mont Rushmore, « le sanctuaire de la démocratie américaine », est une sculpture taillée dans le granit des Black Hills, une chaîne de montagnes située dans le Dakota du Sud sur le territoire de la ville de Keystone, près de Rapid City, dans l'État du Dakota du Sud. Ce mémorial national américain couvre dans son ensemble une surface de 5,17 km2 et se situe, pour sa partie la plus haute, à une altitude de 1.745 mètres.
. Nommée Six grands-pères par les Amérindiens Lakotas (Sioux), la montagne fut rebaptisée d'après Charles E. Rushmore, un avocat de New York qui la remarqua durant une expédition en 1857.
. Les sculptures hautes de 18 mètres, représentent quatre des présidents les plus marquants de l'histoire américaine, des années 1770 au début du XX° siècle, les 150 premières années de l’histoire des Etats-Unis.
Il s'agit de gauche à droite de George Washington (1732-1799 / P 1789-1797), Thomas Jefferson (1743-1826 / P 1801-1809), Theodore Roosevelt (1858-1919 / P 1901-1909) et Abraham Lincoln (1809-1865 / P 1861-1865). George Washington représente la naissance de la nation en tant que premier président ; Thomas Jefferson symbolise l'expansion de la nation à la suite de l'achat de la Louisiane à la France en 1803 ; Abraham Lincoln incarne la préservation de la nation pour son rôle dans la Guerre de Sécession ; et Theodore Roosevelt représente l’unification et le développement de la nation.
Genèse et réalisation.
. En 1924, l'historien Doane Robinson, qui évoqua pour la première fois l'idée du mont Rushmore en 1923 pour favoriser le tourisme local, persuada le sculpteur d’origine américaine Gutzon Borglum de visiter la montagne pour s'assurer de la faisabilité de la réalisation. Borglum avait alors déjà réalisé un énorme bas-relief pour un mémorial célébrant les leaders des États confédérés sur la montagne Stone Mountain en Géorgie.
. Après de longues négociations avec le président américain Calvin Coolidge et une délégation du Congrès, le projet reçut l'approbation de ce dernier qui autorisa le lancement d’une commission nationale du mémorial du Mont Rushmore le 3 mars 1925. Calvin Coolidge insista pour que deux républicains et un démocrate soient sculptés auprès du président Washington.
. Entre le 4 octobre 1927 et le 31 octobre 1941, le sculpteur Borglum et 400 ouvriers sculptèrent les quatre visages hauts de 18 mètres. Alors qu’il entamait la construction de l’œuvre de sa vie, le sculpteur se fixa pour objectif de créer un monument des plus imposants, regroupant quelques-uns des moments phares de l’histoire américaine.
. Le 4 juillet 1934, Independence Day, le visage de Washington fut achevé. Il aura fallu deux essais à Borglum pour réussir le visage de Thomas Jefferson. Sa première tentative, à droite de George Washington, a été réduite à néant par un défaut du granit. Le visage a dû être effacé de la montagne en 1934 à coups d'explosifs. Le deuxième portrait de Jefferson, cette fois-ci à la gauche de Washington a été inauguré en 1936, celui d'Abraham Lincoln le 17 septembre 1937 et celui de Theodore Roosevelt en 1939.
Le Mont Rushmore a donc nécessité 14 ans de travaux. Malgré les conditions de travail dangereuses, aucun des travailleurs n'est mort lors de la réalisation de l’œuvre, ce qui est remarquable pour l’époque. Le 6 mars 1941, Gutzon Borglum décède d’une embolie avant d'avoir pu terminer le Mont Rushmore. Son fils, Lincoln, poursuit le projet jusqu’à l’abandon des travaux le 31 octobre 1941 (le projet initial prévoyait de réaliser également le buste des quatre présidents).
Controverses
Des terres qui appartenaient aux Sioux lakota.
. Les Black Hills, nommées Paha Sapa par les Lakotas, sont une chaîne de montagnes du Dakota du Sud, s'étendant jusqu'au Wyoming. Détenues par les Lakotas depuis le 18e siècle, les Black Hills, depuis le Traité de Fort Laramie de 1868, faisaient partie, pour une durée indéfinie, du territoire reconnu comme la Grande réserve des Sioux. Elle comprenait, depuis la rive est du fleuve Missouri, pratiquement toute la moitié ouest du Dakota du Sud, et était « mise à part pour l'usage et l'occupation absolus et non perturbés des Indiens nommés ici ».
Les Lakotas considèrent ces collines comme sacrées même si les historiens pensent que les Lakotas avaient également conquis la région en 1776 par la force en chassant les tribus Cheyennes. Le mont Rushmore, dit-on, fait partie intégrante de la route que le chef amérindien lakota Black Elk emprunta lors d'un voyage spirituel qui le mena au sommet du pic qui porte son nom à proximité du mont.
Mais après la ruée vers l'or, moins d'une décennie plus tard, avec la défaite des Lakotas à l’issue de la guerre des Black Hills les opposant à l'État fédéral américain à partir de 1876, le gouvernement américain annexa les terres des Sioux en 1877 et poussa les Lakotas vers de plus petites réserves délimitées hors du territoire. On dit que la président Grant ordonna à l’armée de ne plus protéger les tribus locales, tandis que les chasseurs de prime se faisaient 250 $ pour chaque native américain mort !
Le mont Rushmore en 1905, avant la construction du mémorial.
. Le mont Rushmore (les Six Grandfathers pour les Lakotas) est dès lors un sujet de controverse parmi les Amérindiens. En 1980, la Cour Suprême, dans l'affaire United States vs. Sioux Nation of Indians, a statué que les Black Hills avaient été illégalement saisis, en violation du traité de Fort Laramie, sans juste compensation et confirma la décision du tribunal, attribuant une indemnisation de 106 millions de dollars aux Sioux. Mais le conseil tribal des Sioux refusa l'argent, préférant lancer des revendications juridiques pour la restitution des Black Hills.
« Les Lakota voient les visages des hommes qui ont menti, triché et assassiné des personnes innocentes dont le seul crime était de vivre sur la terre qu'ils voulaient voler », argumente Harold Frazier, président de la tribu des Sioux de Cheyenne River.
En réponse à ce monument, un autre mémorial (Crazy Horse Memorial) est actuellement en construction un peu plus loin dans les Black Hills. Il représente le célèbre chef amérindien Crazy Horse dans le but de montrer le caractère sacré de la région pour les Amérindiens. Le chef regarde en direction de l'Est par-dessus la crinière de son mustang vers la terre où ses guerriers sont morts. Cette sculpture, qui devrait dépasser en taille le Mont Rushmore, est financée par la Crazy Horse Memorial Foundation. Celle-ci a refusé toute aide financière du gouvernement fédéral américain.
Racisme ?
. Le monument a pour certains un caractère raciste car il pourrait être interprété comme une manifestation d’une supériorité des Blancs sur la nation amérindienne, par le fait que les quatre présidents étaient en fonction durant l’acquisition des terres ancestrales amérindiennes.
La glorification de deux présidents esclavagistes
. Pour de nombreux Américains, au-delà de la profanation d'une terre volée, le monument glorifie deux présidents esclavagistes.
La personnalité du sculpteur
. Gutzon Borglum lui-même est sujet à controverse car il fut un membre du Ku Klux Klan. Avant le mont Rushmore, Gutzon Borglum travaillait sur Stone Mountain dans l'État de Géorgie, un monument dédié aux dirigeants confédérés que le Ku Klux Klan a contribué à financer. Borglum s'investit alors naturellement dans la politique du KKK, mais il est finalement renvoyé du projet Stone Mountain. Par ailleurs, selon le livre de l'auteur John Taliaferro Great White Fathers, dans certaines de ses lettres, Gutzon Borglum exprimerait des points de vue suprémacistes blancs et antisémites.
La pièce discrète cachée derrière le visage d’Abraham Lincoln
. Comme indiqué par bon nombre de films, le Mont Rushmore renferme bel et bien une pièce secrète !
. Alors qu’il entamait la construction de l’œuvre de sa vie, le sculpteur Gutzon Borglum se fixa pour objectif de créer un monument beaucoup plus imposant, remémorant quelques-uns des moments importants de l’histoire américaine. Dès avant qu'il ne commence à travailler sur le monument, sa vision originale du mémorial comprenait une inscription géante, en lettres dorées hautes de 2,4 mètres, sculptées à côté des présidents et reprenant des faits historiques comme la Déclaration d’Indépendance, la Constitution américaine, l’achat de la Louisiane et sept autres acquisitions comme l’Alaska ou le Texas, événements importants de l'histoire des États-Unis survenus entre 1776 et 1906.
L'idée était bonne en théorie, mais sa concrétisation s'est avérée problématique. Pour commencer, le texte n’aurait pas pu être suffisamment grand pour être lu à distance, et il aurait occupé une trop grande partie de la montagne, en particulier, l’endroit destiné à la tête d’Abraham Lincoln.
. Mais après avoir réalisé les 4 visages des présidents, l’administration ne l’autorisa pas à poursuivre son projet gigantesque. Cependant, quelques années plus tard, il fut autorisé à entreprendre la construction de la pièce secrète baptisé « Hall of Records ».
Borglum a donc décidé de creuser une grotte dans la montagne pour abriter ces documents et artefacts importants qui ont joué un rôle dans l’histoire du pays. Il a imaginé une grande salle mesurant 80 pieds de haut (24,4 m) x 100 pieds de long (30,5 m), accessible par un escalier en granit de 800 pieds (245 m), qui recueillerait des bustes d'Américains célèbres, ainsi que des armoires en bronze et en verre contenant des documents historiques inestimables comme la Constitution américaine et la Déclaration d'indépendance. Un aigle en bronze massif avec une envergure de 38 pieds (11,5 m) serait installé au-dessus de l'entrée, surmontée de deux inscriptions : America’s Onward March (La marche en avant de l‘Amérique) et The Hall of Records. Il voulait trouver un moyen de préserver le monument pour que l'histoire qui a motivé la sculpture ne puisse jamais être oubliée.
Borglum s’imaginait que les générations futures pourraient voir le mont Rushmore aussi mystérieux que Stonehenge l'est pour l'homme d’aujourd’hui
. Dans le canyon, à proximité du monument, les travaux pour cet ambitieux projet ont commencé en juillet 1938, mais ont été interrompus un an plus tard lorsque le Congrès a déclaré que la construction devait avant tout se concentrer sur les présidents. Le début de la Seconde Guerre mondiale, le manque de financement et la mort de Borglum en 1941 ont mis fin à la réalisation de la caverne conçue par le sculpteur, bien qu’une excavation de 70 pieds (31 m) fut déjà réalisée. Sa construction ne reprit en fait jamais, et le projet est resté en l’état pendant des décennies, jusqu'en 1998, lorsque l’administration Bush (père) a relancé une version réduite de l'idée et décida de faire achever (par des artistes inconnus), les finitions de la grotte et son aménagement.
. Bien que le mont Rushmore soit un monument américain emblématique et l’attraction touristique la plus populaire du Dakota du Sud (3 millions de visiteurs par an), beaucoup de gens ne savent pas qu'il comporte cette pièce cachée. Destinée avant tout à servir de dépositaire de documents pour garantir que l’histoire du monument ne se perdra pas au long des futurs millénaires (!), son accès est en effet interdit au public, aussi bien international qu’américain, pour des raisons de sécurité.
Le contenu du Hall of Records.
. Par respect pour la volonté de Borglum, en 1998, fut installé un coffre en teck, recouvert de titane et enchâssé dans la roche à l'entrée de la grotte, Ce coffre contient 16 panneaux en porcelaine émaillée. Les panneaux accueillent des textes qui expliquent le choix du mont Rushmore pour accueillir les sculptures, qui montrent les phases de la construction du monument, qui les a réalisées, les raisons ayant conduit au choix des quatre présidents et les éléments marquants de l’histoire des États-Unis. Les textes du Bill of Rights, de la Constitution américaine et de la Déclaration d'indépendance ont également été déposés, ainsi que cinq biographies : les quatre présidents et … Borglum.
. Le tout est protégé par une dalle de granit de 1.200 livres (550 kg). Une pierre angulaire porte la gravure d'une citation de Borglum: « [...] permettez-nous de placer ici, gravé en grand, aussi près que possible du ciel, les mots de nos dirigeants, leurs visages, pour montrer à la postérité quelle sorte d'hommes ils étaient. Priez ensuite pour que ces archives résistent jusqu'à ce que seuls le vent et la pluie les emportent par usure ». (Le granit dans lequel ils sont taillés ne s’érode que d’un peu plus de 2 cm tous les 10 000 ans, ce qui devrait les rendre encore discernables dans 7 millions d’années, sauf catastrophe !)