Las Vegas, la Sin City !

D’après : Ca m’intéresse - Marion Guyonvarch – 13 avr 2022 

En 1855, c'était encore un désert inhabité. Un siècle plus tard, c'est la mecque des excès, du glamour et du jeu.

Las Vegas a surgi du néant

.            Au cœur du désert de Mohave, dans ce qui allait devenir le Nevada, il n’y eut pendant des millénaires qu’une simple oasis, où venaient s’abreuver les indiens Paiütes qui vivaient dans la région. Baptisée « Las Vegas » (les prairies fertiles, en espagnol) par Antonio Armijo, un éclaireur mexicain qui conduit une expédition pour ouvrir une route commerciale entre Los Angeles et le Nouveau-Mexique en 1829, la région reste longtemps peu peuplée.

Les mormons cherchent alors à établir des points d’étape pour ravitailler leurs convois entre l’Utah, berceau de la communauté mormone, et la Californie. En 1855, William Bringhurst (1818-1883) à la tête d’un groupe de 29 missionnaires installe sa colonie de Mormons dans ce territoire, devenu américain en 1848. Ils y bâtissent un fort en rondins, veulent se lancer dans l’exploitation minière et l’agriculture. Ils ont aussi pour mission de convertir les indiens Paiutes à leur foi. Mais les tensions au sein de la communauté, les récoltes insuffisantes et les révoltes des Amérindiens mènent au renvoi de Bringhurst et à la fin du camp de Vegas qu’ils abandonnent en 1857.

Repris par l’armée en 1864 et rebaptisé fort Baker, le fortin s’impose comme une étape incontournable sur la route de la Californie. Grâce aux systèmes de canalisation mis en place, qui permettent d’irriguer ces terres arides, Las Vegas devient attractive. Mais c’est la construction d’une première gare, en 1905, qui marque l’essor de la ville et acte d’ailleurs sa naissance administrative le 15 mai 1905.

La Mafia prend la main

.            Bingo ! En 1931, le Nevada devient le seul Etat américain à légaliser le jeu. The Northern Club, premier casino d’une longue liste, ouvre ses portes sur le Strip, qui va devenir l’avenue emblématique de Vegas. La même année, le divorce est aussi autorisé. Vegas fait sa mue et devient Sin City, la ville du péché.

Ça tombe bien, la construction du barrage Hoover, de 1931 à 1936, attire une foule d’ouvriers qui dépensent leur paie dans le jeu ou la prostitution. Idem pour les militaires de la base aérienne Nellis Air Force, ouverte en 1941.

Beau et charismatique, Benjamin Siegelbaum Siegel (1906-1947), dit Bugsy – le dingue — Siegel, un surnom qu’il valait mieux ne pas prononcer devant lui, est le gangster qui a contribué à faire de Vegas la capitale mondiale des casinos. En 1945, ce membre de la Yiddish Connection, qui dirige la Murder Inc., flairant la bonne affaire pour blanchir son argent, décide de miser sur Vegas. Arrivé en Californie neuf ans plus tôt, ce proche de Meyer Lansky, un mafieux américain associé de la famille Luciano, est convaincu que cette ville perdue au milieu du désert peut devenir La Mecque du jeu. Il construit le Flamingo, un hôtel casino destiné à attirer une large clientèle de touristes, qui ouvre le 26 décembre 1946. L’hôtel n’est qu’à moitié terminé et enregistre des premiers résultats catastrophiques. Il ferme pour mieux rouvrir ses portes le 1er mars 1947. Malgré un bon deuxième démarrage, les chefs mafieux ont perdu patience. Bugsy est éliminé le 20 juin 1947. Mais son intuition ne l’avait pas trompée : Las Vegas s’impose très vite comme le temple du jeu aux Etats-Unis et dans le monde.

Malgré une enquête fédérale diligentée en 1950, malgré la surveillance intense du FBI, la pègre, grâce à des prêts de banquiers mormons et du syndicat des routiers, construit de nombreux hôtels casinos grandioses, comme le Sands ou le Desert Inn, et étend son emprise sur la ville. Ce règne va durer jusqu’aux années 1970 et voit la ville se développer, passant de 5.000 habitants en 1930 à 125.000 en 1970.

Vegas, le temple de la démesure

.           A Las Vegas, une seule règle prévaut : en faire toujours plus. Depuis 1932, date à laquelle le Boulder Club a commandé à l’entreprise Yesco son nom en lettres lumineuses, les néons sont devenus la marque de fabrique de la ville, qui scintille jour et nuit. A partir des années 1950, les hôtels casinos qui sortent de terre sont sans cesse plus grandioses et plus luxueux. Au Sahara, ouvert en 1952, les tours grimpent toujours plus vers le ciel : 14 étages en 1960, 24 trois ans plus tard. Avec 1.065 chambres, le Stardust devient le plus grand hôtel du monde à son ouverture en 1958. Las Vegas est aussi la ville où l’on peut tout oser, des soirées de débauche aux mariages sur un coup de tête. La loi du Nevada permet depuis 1943 d'obtenir une licence de mariage en quelques minutes, ce qui a boosté le tourisme marital. Une pluie de stars, de Paul Newman en 1958 à Elvis Presley en 1967, y convolent, tout comme les anonymes. La Little White Wedding chapell, fondée en 1951, a ainsi marié 800.000 couples (depuis quand ?), dont beaucoup dans leurs voitures !

Howard Hughes

.            1966, Howard Hughes (1905-1976), l’excentrique homme d’affaires qui a l’habitude de fréquenter la ville depuis les années 1940, débarque à Las Vegas sur un brancard pour ne pas se faire repérer, et prend ses quartiers au Desert Inn. Sa peur panique des microbes l’empêche de sortir. Lorsque la direction lui demande de quitter les lieux pour accueillir d’autres clients, il rachète l’hôtel pour 13 millions de dollars. En quelques années, le richissime aviateur met la main sur la ville, achète 5 hôtels, 7 casinos, des milliers d’hectares de terrain, un aéroport, une chaîne de télévision … Au total, il investit 300 millions de dollars dans la région. Vivant reclus dans sa suite, surveillé par des infirmiers mormons, il gère toutes ses affaires par téléphone. Il va changer l’image de Las Vegas, en œuvrant pour attirer une clientèle plus familiale et en remplaçant progressivement la Mafia à la tête des principaux établissements. Il part de Las Vegas le jour de Thanksgiving 1970, par une porte dérobée, sans avoir jamais quitté le Desert Inn.

Le royaume des stars et du divertissement

.            « Viva Las Vegas turnin' day into nighttime » (Viva Las Vegas, la ville qui transforme le jour en nuit), chantait Elvis en 1964. Sous les néons, le divertissement bat son plein 24 heures sur 24. Un concept né en 1941 dans l’hôtel El Rancho, le premier à proposer aux touristes des distractions permanentes : un casino, une piscine, des chambres bon marché et surtout des concerts donnés par de grandes stars de l’époque, comme Sophie Tucker et Dean Martin. Après-guerre, le concept fait école et les vedettes prennent Vegas d’assaut, devenant indissociables de l’image de la ville. D’Elvis à Paul Anka, de Judy Garland à Diana Ross, les stars de la chanson remplissent depuis les années 1950 les salles de spectacles qu’on trouve dans chaque hôtel. Pour décrocher la meilleure tête d’affiche, les établissements n’hésitent pas à leur signer des contrats d’exclusivité. En 1974, bien avant Britney Spears ou Céline Dion, le pianiste Liberace reçoit 2,5 millions de dollars pour 25 semaines de résidence au Hilton. Outre les concerts, les shows de magie, de cirque, de strip-tease ou encore les matchs de boxe assurent le spectacle 365 jours sur 365. En 1985, Las Vegas dépasse les 15 millions de visiteurs par an.

Wayne Newton

.            Le 17 janvier 1996, Wayne Newton a enfilé son costume et est monté sur scène pour son 25.000e concert à Vegas, à l’hôtel Sheraton. Un record absolu pour le chanteur, qui a bien mérité son surnom de M. Las Vegas. C’est en 1959, à 17 ans, qu’il a donné son premier show dans la ville du péché. Venu pour un contrat de deux semaines au Frémont Hotel, il y reste finalement six ans, jouant 6 shows par soir, 6 soirs par semaine. En 1967, il signe un contrat de 12 ans avec Howard Hughes et joue alternativement au Desert Inn, Sands et Frontier Hotel, enchaînant plusieurs concerts dans la même soirée et interprétant ses tubes, Danke Schoen et Daddy, Don’t You Walk So Fast. Les cheveux aussi noirs qu’à ses débuts, il signe en 1999 un contrat de « tête d’affiche en résidence », le premier du genre, pour chanter pendant 10 ans au Stardust. L’hôtel sera détruit en 2006, mais Newton continue sa folle histoire avec Vegas. En janvier 2022, il a entamé une nouvelle série de shows au Flamingo.