La grande « sécession culturelle » américaine.
Le Figaro - Adrien Jaulmes – 30 jul 2022
Les États-Unis à l’heure de la grande fracture : port d’armes, wokisme, avortement, genre, racisme, environnement, covid, … le divorce entre républicains et démocrates est patent et coupe le pays en deux.
. Une fracture politique profonde se creuse aux États-Unis. Sur l’avortement, les armes à feu, les nouvelles théories du genre, de la sexualité ou de la race, l’immigration, le port du masque ou l’écologie, conservateurs et progressistes ont pratiquement cessé de débattre. Chaque question n’est qu’un sujet supplémentaire de discorde entre deux Amérique qui s’éloignent de plus en plus l’une de l’autre.
L’une est formée par les États gouvernés par les républicains, concentrés dans le Sud, le Midwest et les Rocheuses. L’autre par ceux dirigés par les démocrates, qui forment deux blocs, sur la côte Pacifique et dans le Nord-Est, sur l’Atlantique. À cette division s’ajoute, à l’intérieur de presque chaque État, celle qui sépare les grandes métropoles des campagnes et petites villes.
Ces deux blocs observent des lois de plus en plus différentes, ou refusent d’appliquer celles de l’État fédéral qui ne leur conviennent pas. Leurs trajectoires divergentes dessinent la carte de deux pays de plus en plus en plus distincts, qui s’opposent dans ce qui ressemble à un grand mouvement de sécession culturelle.
La plus ancienne démocratie contemporaine a déjà traversé des crises profondes. Les tensions entre le pouvoir fédéral et les États ont nourri l’histoire américaine. Le nom même des États-Unis et la devise nationale choisie lors de l’indépendance - « E pluribus unum », (un à partir de plusieurs) - ont été parfois mis en péril, allant même au XIXe siècle jusqu’à la guerre civile. Mais ces troubles semblaient avoir été dépassés. Depuis les années 1960, les différences politiques étaient allées en diminuant. Les couleurs associées aux deux principaux partis, le rouge pour les républicains et le bleu pour les démocrates, attribuées par la télévision à l’inverse de l’usage en vigueur dans le reste du monde, évoquaient plus deux équipes rivales que des adversaires implacables.
Deux tribus hostiles
. Chaque camp se caractérisait surtout par ses habitudes un peu folkloriques. D’un côté l’Amérique rouge, plutôt rurale, qui roule en pick-up, boit de la bière, mange de la viande rouge, suit les courses automobiles du Nascar et regarde Fox News. De l’autre, l’Amérique bleue, plutôt urbaine, qui roule en Volvo ou en Tesla, boit du vin blanc, regarde les matchs de la National Basketball Association et lit le New York Times ou écoute la radio publique NPR. Mais les deux pays se rejoignaient sur l’essentiel. Pendant la fête nationale, le 4 Juillet, devant la finale du Superbowl et autour de la dinde de Thanksgiving, les différends étaient oubliés. Républicains et démocrates partageaient des valeurs extrêmement proches. Un attachement commun à l’économie de marché, une foi solide dans les États-Unis et un culte quasi religieux voué à leur Constitution. Chaque élection était âprement disputée, mais plutôt comme un match où le vaincu faisait bonne figure jusqu’à sa revanche.
Les deux partis ressemblent aujourd’hui à deux tribus hostiles. Depuis quelques années, la polarisation du débat politique a atteint un niveau qui rappelle par certains aspects le climat des années 1850, quand la question de l’esclavage avait menacé l’union du pays. Plus que des désaccords sur des politiques, l’Amérique se divise à présent sur des questions d’ordres éthique, culturel, philosophique. Les deux camps ne se comprennent plus, ne se parlent presque plus, et ne partagent plus grand-chose, y compris les faits.
Si ses racines sont plus profondes, cette division a été amplifiée et accélérée récemment par trois phénomènes presque simultanés. L’élection de Donald Trump, en 2016, a poussé à son paroxysme l’esprit partisan et scindé la société américaine. Adulé par les uns, suscitant la révulsion chez les autres, l’intéressé reconnaît lui-même qu’il a le don de « faire surgir la rage ». Cet effet a culminé au cours des derniers mois de son mandat, quand son refus d’accepter les règles du jeu démocratique et de concéder sa défaite ont entamé la crédibilité du système électoral, frisant le coup d’État.
Les réseaux sociaux, qui ont depuis longtemps réalisé que leurs profits augmentaient avec la discorde, ont contribué par leurs algorithmes à chauffer à blanc l’opinion sur tous les sujets possibles. Mais les chaînes d’information continue, Fox pour les conservateurs, CNN pour les progressistes, les avaient précédés. Ces télévisions d’opinion sans nuances alimentent quotidiennement le rejet sans concession de l’adversaire dans des polémiques sans fin.
La pandémie de Covid-19 a aggravé cette polarisation, en la poussant parfois jusqu’à l’hystérie. Le débat scientifique a été vite remplacé par l’affrontement politique. Des mesures de santé publique, comme le port du masque ou la vaccination, sont devenues des sujets de dispute entre les républicains, qui dénoncent le recul des libertés et un totalitarisme sanitaire rampant, et les démocrates qui voient, dans leur refus un laxisme imprudent et une démagogie presque criminelle.
Deux visions opposées
. La polarisation est telle que ces deux tribus sont chacune persuadée de se défendre face à une menace existentielle. Les démocrates se sentent agressés par un parti républicain perçu comme un mouvement antidémocratique, cynique, autoritariste, représentant d’un monde en voie disparition: celui du suprématisme blanc, fondamentalement raciste, minoritaire et prêt à fausser le jeu électoral pour rester au pouvoir.
Les républicains ont la certitude de défendre la civilisation américaine face aux « élites côtières », des privilégiés irresponsables, méprisant les valeurs américaines et déterminés à imposer leurs folles idées sociétales, abolissant les différences sexuelles, pratiquant un racisme à rebours, flétrissant le drapeau, détruisant la famille, censurant leurs adversaires avec le soutien des grandes entreprises de la haute technologie, de la finance et des médias.
Entre ces deux visions opposées, le dialogue est devenu pratiquement impossible. La politique américaine s’est transformée en un jeu à somme nulle, où le seul objectif est de barrer la route à l’adversaire. Le Congrès est paralysé par un esprit partisan qui préfère, sauf cas exceptionnels, bloquer les lois plutôt que d’accepter le moindre compromis. Le président, contraint de gouverner par décrets aussitôt annulés par son successeur, est devenu largement impuissant. Le troisième pouvoir, celui de la Cour suprême, est devenu un acteur politique à part entière.
Dominée par les conservateurs depuis les trois nominations faites par Trump, la cour est largement sortie de son rôle traditionnel d’arbitre, prenant ces dernières semaines une série de décisions radicales. Mettant fin aux protections constitutionnelles de l’avortement, renforçant celles autorisant le port d’armes à feu, réduisant la capacité de l’administration fédérale à réglementer la pollution ou à imposer certaines mesures sur l’immigration, ces arrêts hautement politiques ont encore accru la cassure entre États bleus et États rouges.
Celui sur l’avortement a été le plus retentissant. En rendant aux États le droit de légiférer comme ils l’entendent sur cette pratique, la fin de l’arrêt « Roe vs Wade » a fait émerger presque immédiatement deux légalités distinctes. Seize États ont aussitôt voté ou remis en vigueur des lois restreignant parfois totalement l’accès à l’avortement. Une vingtaine d’autres ont annoncé qu’ils entendaient protéger ce droit, parfois sans limites. Les trois États de la côte Ouest - la Californie, l’Oregon et l’État de Washington - ont même créé un bloc territorial où cette pratique sera garantie. La cour a précisé qu’il était inconstitutionnel de poursuivre les personnes allant avorter dans un autre État. Ce qui n’a pas empêché certains États, comme celui du Texas, de voter des lois dans ce sens.
Sur la question sensible des armes à feu, la cour a pris une décision inverse, enlevant aux États le droit de restreindre le 2e amendement de la Constitution. Interprétée au sens large par la cour, comme donnant le droit à n’importe quel citoyen de porter une arme sur la voie publique, y compris des fusils semi-automatiques, cette décision a ulcéré les démocrates. De nombreux États bleus, où la détention d’armes à feu est soumise à des règles parfois draconiennes, se sont mis à étudier des moyens législatifs de maintenir ces limites en contournant l’arrêt de la Cour suprême.
La cour a aussi limité la capacité de l’administration à réglementer les industries polluantes, et celle des États à restreindre les pratiques religieuses dans les écoles.
Campagnes de censure
. Chaque question de société devient aussitôt le champ de bataille d’une guerre culturelle permanente. L’idéologie woke (signifiant à l’origine « être attentif au racisme »), cultivée dans les universités américaines et qui se répand, depuis, dans le reste de la société, a ouvert des nouveaux fronts dans l’éducation, les médias et les entreprises. Les États bleus imposent en son nom de nouvelles théories destinées à lutter contre le racisme ou l’homophobie. La théorie critique de la race, qui décrit le projet national américain et son système politique comme fondamentalement et irrémédiablement racistes, est intégrée au cursus des écoles publiques. Les théories du genre, visant à lutter contre l’homophobie en rejetant la norme du couple hétérosexuel comme base de la cellule familiale, sont enseignées dans les classes, parfois de primaire.
Les livres qui ne répondent pas à leurs nouveaux critères sont condamnés sans appel. Les enseignants et les personnalités qui enfreignent le dogme sont l’objet de campagnes de censure sans merci. En réaction, les États rouges ont adopté des lois pour interdire ou limiter ces thématiques dans les établissements scolaires, et retirer à leur tour des bibliothèques les ouvrages qui les diffusent.
La question des transgenres, dont le nombre a doublé depuis 2017, selon un rapport récent, atteignant jusqu’à 1,4 % des jeunes gens de 13 à 24 ans, est aussi devenue un sujet politique. Une vingtaine d’États interdisent leur participation aux compétitions sportives, ou les traitements médicaux destinés au changement de sexe.
De réactions en surenchères, deux systèmes légaux alternatifs se développent ainsi rapidement aux États-Unis, remettant en cause l’unité législative du pays. Chaque Américain vit selon des règles de plus en plus différentes selon l’État dans lequel il habite. « Les années 2020 pourraient voir une érosion dramatique des droits nationaux communs et un fossé grandissant entre les libertés des Américains dans les États bleus et ceux dans les États rouges », a mis récemment en garde l’essayiste Ronald Brownstein dans le magazine The Atlantic.
Le débat sur les « droits des États » au sein de l’Union remonte à la fondation du pays. Il a ressurgi avec la question de l’esclavage au XIXe siècle, puis de la ségrégation au XXe siècle. Il est de nouveau ouvert.
Dans cette course à la désunion nationale, les républicains ont l’avantage. Même s’ils sont légèrement minoritaires en termes de population, le système fédéral joue en leur faveur, en accordant plus de représentation aux États ruraux. Les républicains ont aussi investi au cours des dernières décennies les élections locales, pendant que les démocrates se focalisaient sur le pouvoir fédéral. Ils contrôlent ainsi 30 législatures contre 17 pour les démocrates. Ils occupent les postes de gouverneur dans 23 États dont ils détiennent la majorité parlementaire, et dans 5 États aux législatures démocrates.
Les bastions républicains comprennent les anciens États confédérés du Sud, auxquels s’ajoutent de nombreux Etats du Midwest et des Rocheuses. Méfiants vis-à-vis du pouvoir fédéral, particulièrement quand il est aux mains des démocrates, ils rejettent ou contournent les lois qui ne leur conviennent pas. La Floride et le Texas servent d’exemple à cette Amérique rouge.
La Floride, qui a été longtemps un État pivot disputé entre les deux partis, penche désormais pour le conservatisme. Son gouverneur, Ron DeSantis, l’a surnommé l’État libre de Floride. Il s’enorgueillit d’avoir résisté aux mesures de confinement préconisées au niveau fédéral au début de la pandémie de Covid-19.
Le Texas et son gouverneur Greg Abbott sont l’autre modèle. L’un des États les plus vastes, les plus riches et les plus peuplés des États-Unis, fier de son identité et de sa brève indépendance avant de rejoindre l’Union, le Texas a été le premier à remettre en cause l’avortement, en adoptant en 2021 une loi spécialement rédigée pour contourner les arrêts fédéraux. Il a aussi adopté une autre législation « sanctuarisant » le 2e amendement, interdisant à toute agence ou représentant de l’État d’appliquer des lois fédérales sur le contrôle des armes à feu. Cette législation a été imitée depuis par le Missouri et l’Arizona.
Des citadelles assiégées
. Au total, 19 États ont pris des dispositions pour vider de sa substance la nouvelle loi votée en juin dernier par le Congrès, imposant de vérifier les antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs d’armes. La réciprocité des États, qui reconnaissent ou non les permis de port d’armes accordés par d’autres, crée aussi un patchwork complexe, chacun décidant de ses propres mesures.
Le Texas est toujours en pointe. Le mois dernier, le parti républicain du Texas a adopté un programme qui ressemble à une quasi-déclaration d’autonomie. Il appelle, entre autres, à « l’interdiction des confinements », à mettre en valeur « la prière, la Bible, et les Dix Commandements dans les écoles et les édifices gouvernementaux ». Il rejette aussi « les résultats de l’élection présidentielle de 2020 », déclarant que « le président par intérim, Joe Biden, n’a pas été légitimement élu par le peuple des États-Unis ». Selon un nouveau sondage publié par Yahoo! News-YouGov, 35 % des électeurs républicains estiment que leur État se porterait mieux s’il quittait les États-Unis.
Face à ces défis, les bastions démocrates, rassemblés sur la côte Pacifique autour de la Californie et sur la côte Est autour de celui de New York, ont l’avantage de leur importante population, et de leur richesse, souvent supérieure aux États ruraux du Sud et du Midwest. Ils réagissent comme des citadelles assiégées, décidés à se défendre.
La Californie représente à elle seule la cinquième économie du monde. Gouvernée par une super-majorité démocrate, elle adopte depuis longtemps ses propres lois environnementales. Elle a pris vigoureusement la défense des lois sociétales les plus progressistes. Son gouverneur, le démocrate Gavin Newsom, a appelé les Américains à « venir en Californie, où l’on croit encore à la liberté : la liberté d’expression, la liberté de choisir, la liberté de ne pas haïr et la liberté d’aimer », dans un récent message télévisé où il attaque la Floride de DeSantis. « Les dirigeants républicains interdisent les livres, rendent le vote plus difficile, restreignent le discours dans les salles de classe et criminalisent même les femmes et les médecins ! Rejoignez la lutte. Ne les laissez pas prendre votre liberté. » Gavin Newsom a aussi nargué le gouverneur du Texas dans une campagne publicitaire : « Si le Texas peut interdire l’avortement et mettre des vies en danger, la Californie peut interdire les armes de guerre mortelles et sauver des vies. Si le gouverneur Abbott veut vraiment protéger le droit à la vie, nous l’exhortons à suivre l’exemple de la Californie. »
Les derniers mois ont vu s’agrandir les fissures entre ces blocs, comme des plaques tectoniques qui se séparent. « Il est temps pour les Américains de se réveiller à une réalité fondamentale : l’unité continue des États-Unis d’Amérique ne peut être garantie, a mis en garde l’essayiste David French, dans son ouvrage Divisés nous chutons: la menace de sécession de l’Amérique. En ce moment de l’histoire, il n’y a pas une seule force culturelle, religieuse, politique ou sociale importante qui rapproche les Américains plus qu’elle ne les éloigne. Nous ne pouvons pas supposer qu’une démocratie de la taille d’un continent, multiethnique et multiconfessionnelle, puisse rester unie pour toujours, et elle ne le restera pas si notre classe politique ne peut et ne veut pas s’adapter à un public américain de plus en plus diversifié et divisé. »
Le manque d’homogénéité au sein des deux blocs complique au lieu de l’atténuer cette sécession culturelle et législative. Dans les États rouges, les grandes agglomérations, souvent majoritairement démocrates, se rebellent contre les mesures adoptées par leurs législateurs. Ces dernières semaines, des dizaines de procureurs de grandes villes ont déjà annoncé que leur police et leur justice n’engageraient pas de poursuites contre les médecins pratiquant l’avortement ou leurs patientes. Et leur poids est immense : plus de 87 millions d’Américains vivent dans ces districts bleus des États rouges qui refusent qu’on leur impose des lois allant à l’encontre de leurs convictions ou de leurs modes de vie.
Des mouvements opposés sont apparus dans les comtés ruraux d’États démocrates. Dans l’ouest du Maryland ou l’est de l’Oregon, ils réclament leur rattachement aux États républicains voisins, la Virginie-Occidentale ou l’Idaho, plus en phase avec leurs « valeurs ». Des mouvements de population ont commencé, démocrates et républicains quittant des États auxquels ils se sentent de plus en plus étrangers.
Cette tendance à la désunion est aggravée par la pratique du gerrymandering. Ce savant découpage électoral destiné à affaiblir l’adversaire pour renforcer son propre camp, pratiqué par les républicains comme les démocrates, contribue à rendre les circonscriptions de plus en plus homogènes. Dans ce système, le candidat investi par le parti dominant est quasiment assuré d’être élu. La véritable compétition a donc lieu durant les primaires et tend à favoriser les discours extrêmes dans les deux partis, en réduisant le débat entre eux.
« Nous vivons de plus en plus séparés les uns des autres, souligne David French. Le nombre d’Américains qui vivent dans des comtés où un candidat à la présidence gagne par au moins 20 points, n’a jamais été aussi élevé. La géographie… qu’elle soit rurale… suburbaine ou urbaine, est de plus en plus prédictive des habitudes de vote. »
Les profondes divergences politiques entre les États et l’érosion des règles communes ont déjà eu des effets déstabilisateurs sur le système politique tout entier. En 2016, les États démocrates ont vu la courte victoire de Donald Trump, minoritaire dans la population globale, mais bénéficiant du soutien des États ruraux moins peuplés, comme le signe d’un dysfonctionnement démocratique. En 2020, la contestation de sa défaite par Trump a eu pour conséquences de discréditer le système électoral auprès d’un grand nombre d’électeurs républicains. Et les tentatives de certains États, comme le Texas, pour contester les résultats d’autres États remportés par les démocrates, comme la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie et du Wisconsin, n’ont rien arrangé.
Cette désunion n’est pas la guerre, et les États-Unis ont fréquemment démontré leur capacité à rebondir, aidés par la résilience de leur système politique. Mais les effets combinés d’une triple crise - politique, économique et sociétale - font courir un risque réel dans un pays-continent. L’érosion du sens civique et la polarisation extrême des discours sont des signaux préoccupants. La fracture entre l’Amérique bleue et l’Amérique rouge annonce des années turbulentes.