Ces Français à qui l’on doit l’Indépendance de l’Amérique

Contrepoints - Bill Bonner – 09 jul 2017

Lorsque nous étions en France l’été dernier, une amie – Laurence Chatel de Brancion – nous a offert un exemplaire de son livre, La Fayette : Rêver la gloire. Laurence est historienne. Elle a étudié la vie et l’époque de Gilbert de Lafayette, à qui elle a consacré ce livre co-écrit avec Patrick Villiers.

Tous les écoliers Américains connaissent les bases de l’histoire de la révolte des États-Unis contre la Grande-Bretagne. La Boston Tea Party… Paul Revere et les Minutemen… la Déclaration d’Indépendance… Valley Forge…

Quant à la façon dont la guerre s’est terminée, en ce qui nous concerne, nous savons qu’elle a réellement pris fin avec la Bataille de Yorktown (Virginie), en 1781. Et nous remercions les Français, que Ben Franklin avait courtisés pendant des années à Paris, « d’être venus nous aider ».

La flotte française, sous le commandement de La Fayette, arriva à l’embouchure de Chesapeake Bay, bloqua le ravitaillement des Britanniques et les força à se rendre. D’où la fameuse phrase « Lafayette, nous voilà ! », prononcée par les soldats Américains lorsqu’ils débarquèrent au Havre, en France, en 1917.

C’est la version abrégée. Mais l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Et elle est toujours criblée de mensonges. Cela crée un mythe… et offre aux gens le récit qui les aide à ressentir qu’ils ont quelque chose en commun, une raison de rendre hommage aux héros du passé, et d’écouter les débats présidentiels.

Lorsque la guerre contre l’Irak a été lancée par George W. Bush, les Français ont refusé d’y participer. Les Américains ont traité les Français de « lâches ». Une plaisanterie circulait, selon laquelle l’armée française ne connaissait que deux mots : se rendre et collaborer. « Combien de Français sont-ils morts, pendant la Première Guerre mondiale ? » demandaient les patriotes Américains. « Pas assez », était la réponse.

Le rôle des Français dans l’indépendance américaine

Cependant, le livre de Laurence nous rappelle que sans les Français, nous ne serions pas les États-Unis d’Amérique. Nous y découvrons ce qui suit :

  • Les colons ne pouvaient pas gagner la guerre contre la Grande-Bretagne.
  • Le combat s’est déroulé principalement entre Français et Britanniques. Les Français ont gagné.
  • Les Américains eux-mêmes étaient divisés. Certains étaient en faveur de la Révolution, d’autres non.

Le livre contient des détails révélateurs, notamment les suivants :

L’armée « rebelle », « insurgée », ou « terroriste », constituée de colons, recevait trop peu de soutien des Américains eux-mêmes. Les hommes du général Washington étaient affamés et à moitié nus à Valley Forge.

Les historiens estiment qu’un homme blanc sur cinq, dans l’Amérique coloniale, était opposé à l’indépendance. Le récit de Laurence concernant la Bataille de Yorktown nous indique que l’on comptait jusqu’à 9 000 « loyalistes » côté britannique. Nous n’avons pas trouvé d’éléments à l’appui de ce chiffre ailleurs. Mais si c’est vrai, alors il y avait à Yorktown plus d’Américains s’opposant à la Révolution qu’en sa faveur.

« Remarquez-vous quelque chose d’étrange, à propos de ce tableau ? », a demandé le guide, lorsque nous avons visité le Capitole de l’État de Virginie, à Richmond, récemment. Il était face à un très grand tableau reproduisant la Bataille de Yorktown. « Vous voyez les troupes britanniques. Et vous voyez les troupes allemandes. Et les troupes françaises. Mais il n’y a pratiquement pas de troupes américaines. Car il n’y avait pas beaucoup d’Américains, là. »

Nous ne pouvons pas jurer de la justesse des guides touristiques du Capitole de l’État de Virginie. Mais la plupart des historiens conviennent qu’il y avait plus d’étrangers que d’Américains lors de cette bataille.

L’armée continentale de Washington a joué un rôle de soutien. C’étaient les Français – le Comte de Rochambeau et le Comte de Grasse – qui menaient la danse.

Et bien que la provenance de l’argent ayant permis d’acheter les navires, les armes, les munitions et la nourriture de l’armée continentale, ne soit pas claire, les fonds nécessaires aux moments critiques sont venus de la noblesse française et non des villageois et fermiers d’Amérique. La Fayette – l’un des hommes les plus fortunés de France — s’est présenté avec son propre argent pour aider les insurgés à Valley Forge. Et c’est François-Joseph Paul, Comte de Grasse – arrivé avec 29 navires de guerre et 300 000 pesos d’argent levés à La Havane – qui a permis la victoire finale.

La stratégie de la victoire pour l’indépendance

C’est également le Comte de Grasse, et non Washington, qui a élaboré la stratégie de la victoire pour l’indépendance. Charles Cornwallis, lieutenant-général britannique, s’était positionné sur une étroite péninsule en Virginie du Nord. Il pouvait facilement se défendre du côté des terres. Mais à l’arrière, il était exposé à la mer. Il pensait que cela ne posait pas de problème car la flotte britannique dominait la côte. Cependant, de Grasse, l’amiral français identifia une opportunité. Si ses navires parvenaient à prendre le contrôle de la Baie de Chesapeake, il pourrait couper le ravitaillement de la ville de Yorktown. Cornwallis serait bloqué par les forces américano-françaises du côté des terres et privé de ravitaillement, côté mer, par la flotte française.

Il soumit son plan à Washington, qui se montra sceptique. Alors De Grasse annonça simplement que c’était ce qu’il allait faire. Washington s’y plia.

Une fois que la stratégie fut établie, une force franco-américaine conjointe simula un mouvement contre New York puis s’esquiva et se dirigea discrètement au sud du Potomac. Certaines troupes descendirent le Chesapeake. D’autres marchèrent le long de la rive.

Les 3 et 4 septembre, les troupes américaines se mutinèrent, déclarant qu’elles ne quitteraient pas le Maryland tant qu’elles n’étaient pas payées. Là encore, les Français sauvèrent la situation. Le Comte de Rochambeau prêta de l’argent à Washington pour les payer.

Lorsque les troupes arrivèrent enfin à Yorktown fin septembre 1781, elles coupèrent la voie de repli de Cornwallis. Ce fut le véritable test. Mais ce ne fut pas un combat entre Américains et Anglais. Ce fut une bataille entre une bande hétéroclite composée de mercenaires, de miliciens et de soldats réguliers : les loyalistes américains soutenant les troupes britanniques et allemandes (hessiens) d’un côté… et les insurgés américains et les troupes françaises de l’autre.

La bataille du côté des terres n’était rien sans une victoire en mer, cependant. Si la flotte britannique avait pu briser les Français à Chesapeake, toute cette campagne aurait été vaine. La bataille navale décisive intervint le 5 septembre. 29 navires français combattirent 19 navires anglais. Les Anglais furent vaincus de façon décisive et contraints de se replier en Nouvelle-Angleterre pour réparer. Le blocus français tint bon.

Après quoi ce ne fut qu’une question de temps. Cornwallis commença à manquer de ravitaillement. Il ne pouvait s’échapper par les terres car la voie était bloquée par l’armée américano-française, dont l’essentiel était sous les ordres du marquis de La Fayette. Début octobre, Cornwallis fut attaqué par les terres et par la mer… l’artillerie pulvérisant ses défenses des deux côtés.

Le 19 octobre, les Britanniques agitèrent le drapeau blanc. Lorsque la bataille s’acheva, deux fois plus de Français que d’Américains avaient été tués. Et l’intervention française avait été si coûteuse qu’elle provoqua presque la ruine des Bourbons. À court d’argent, Louis XVI fut forcé de convoquer une « assemblée » des représentants du peuple pour approuver de nouvelles mesures fiscales. Bien entendu, cela dégénéra et provoqua la Révolution française. Louis y laissa sa tête.