Aux Etats-Unis, la gauche radicale s’arme aussi

EuroNews- Thomas Seymat avec AFP & AP – 31 aoû 2020 

Des manifestants armés à Oklahoma City, Oklahoma, le 20 juin 2020 protestent contre les meurtres d'hommes noirs par la police. Tous droits réservés AFP/Seth Herald

.            La récente fusillade à Kenosha, dans le Wisconsin, où deux personnes sont mortes, est un nouvel exemple de la présence aux Etats-Unis de milices et d'individus armés lors de rassemblements ou contre-manifestations liés au confinement ou au mouvement Black Lives Matter. Selon des médias locaux, l'adolescent de 17 ans, soupçonné d'être l'auteur des tirs mortels, a été vu en présence d'hommes armés dont la présence a été confirmée par les forces de l'ordre. "C'est une milice", a déclaré le shérif du comté de Kenosha, "ils sont comme un groupe d'autodéfense."

Ces milices, politiquement alignées très à droite et dont les rassemblements sont souvent parsemés de slogans et d'images racistes et de drapeaux confédérés, font du port d'armes en public, lorsqu'il est légal dans l'Etat, une pierre angulaire de leurs actions. Face à ces groupes, aux violences policières et à l'incertitude de 2020, les positions de la gauche américaine, traditionnellement en faveur d'un contrôle stricte des armes à feu, évoluent, par la force des choses.

"J'ai observé que le débat sur les armes à feu dans ce pays, en particulier à gauche, a énormément évolué au cours des trois ou quatre derniers mois" raconte le journaliste Robert Evans. Reporter spécialiste des conflits, passé par l'Irak et l'Ukraine, M. Evans couvre actuellement les manifestations anti-violences policières quotidiennes à Portland, Oregon, où il habite. Il y a quelques jours, alors qu'il était en reportage, un contre-manifestant d'extrême droite l'a attaqué et lui a cassé un doigt à coups de matraque.

Le journaliste, qui ne cache pas ses sympathies libertaires, est aussi un fin connaisseur des armes à feu. Il en possède plusieurs et sort régulièrement armé de chez lui, y compris en reportage, après avoir reçu des menaces de mort. Au cours des podcasts qu'il anime, lorsque le sujet est mentionné, il encourage les gens de gauche à s'armer eux aussi.

Pragmatique, il explique : "Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour la démocratie de vivre dans un pays avec 400 millions d'armes à feu civiles, dont la quasi-totalité est entre les mains d'un seul bord de l'échiquier politique. Les conditions sont réunies pour un désastre." Derrière cette réflexion, la crainte de M. Evans est que les Etats-Unis soient proches d'une nouvelle guerre civile, un thème qu'il a développé dans son podcast 'It Could Happen Here' en 2019.

Un groupe armé d'extrême-droite lors d'une manifestation en Géorgie, le 15 août 2020.Mike Stewart/AP

Des clivages partisans profonds

.            A son niveau, il voit un changement d'attitude s'opérer. Depuis le début de 2020 et de la pandémie, il affirme qu'un grand nombre de personnes, "notamment de gauche", l'ont "contacté pour [lui] demander des conseils sur les armes à acheter, sur la façon de s'entraîner," etc.

Les clivages partisans au sujet des armes à feu aux Etats-Unis étaient, jusqu'à présent, profonds. Une étude de 2017 publiée par le Pew Research Center montre que les républicains et les indépendants à tendance républicaine sont deux fois plus nombreux que les démocrates et les indépendants à tendance démocrate à déclarer posséder au moins une arme à feu (44% contre 20%). Autre étude, même tendance : selon l'institut Brookings, un groupe de réflexion basé à Washington D.C., 39% des habitants possèdent des armes à feu dans les Etats qui ont voté républicain à l'élection présidentielle de 2016 contre 25% dans les États qui ont voté démocrate.

Ces centaines de millions d'armes à feu en circulation dans le pays sont concentrées dans les mains d'une minorité d'Américains. Un sondage, réalisé en 2015 par Harvard et Northeastern University, estime que 50% de ces armes appartient à seulement 3% des adultes américains – un groupe de super-propriétaires qui ont accumulé 17 armes chacun en moyenne.

Evans l'assure : "jamais de ma vie je n'ai vu le niveau d'acceptation de la possibilité d'utiliser une arme en cas de légitime défense aussi haut à gauche qu'aujourd'hui". Un changement historique, lié aux conditions exceptionnelles de 2020 : crises sanitaires et économiques, manifestations et répression policière, résurgence de l'extrême-droite militante et armée... "Ce n'est pas une bonne chose que tout le monde ait si peur, mais je pense qu'il y a eu un changement radical dans l'attitude de la gauche vis-à-vis de la possession d'armes à cause de cette peur que tout le monde ressent." Symbole de cette crainte, les achats de munitions ont fait un bond de près de 600% dans l'ensemble des États-Unis de février à avril.

Une tendance depuis 2016 et l'élection de Trump

.            Bien qu'accélérée par le tumulte de 2020, cette tendance pour la gauche de vouloir exercer son "droit au deuxième amendement", semble commencer dès le début du premier mandat de Donald Trump.

Séance d'entraînement pour le Trigger Warning Queer & Trans Gun Club dans l'État de New York, le 8 octobre 2017.Adrian Kraus/AP

Un reportage photo de l'agence AP, publié en octobre 2017 montre une séance d'entraînement pour le Trigger Warning Queer & Trans Gun Club à Victor, dans l'Etat de New York. Ce club de tir, selon le photographe Adrian Kraus, est composé d'homosexuels, de lesbiennes et de personnes trans : "tous inquiets de voir les extrémistes de droite s'enhardir et devenir de plus en plus dangereux, ils ont décidé de prendre les armes,"

Selon le reportage, le club se réunit une fois par mois pour tirer dans un champ du nord de l'État de New York. Sur la photo ci-dessus, Jake Allen, à gauche, regarde Lore McSpadden tirer sur une cible en argile qu'il a lâchée lors d'une séance d'entraînement du club. Lore McSpadden n'avait jamais touché une arme à feu avant la création du club de tir l'année précédente, en 2016.

Ce gun club n'est pas le seul à avoir vu le jour ces dernières années. "En général, depuis 2016, les groupes d'entraînement aux armes à feu de gauche comme le John Brown Gun Club, le Huey P. Newton Gun Club et la Socialist Rifle Association (SRA) sont plus visibles," rappelle M. Evans. Ces groupes d'extrême-gauche, armés et encourageant les gens à s'armer, continuent d'occuper le terrain en 2020, notamment après la mort de George Floyd le 25 mai 2020.

"Les actions de la police et de l'État, tant dans le moment présent qu'au cours de l'Histoire, contre la communauté noire fournissent une justification plus que suffisante pour que cette communauté prenne en main sa propre défense" assenait dans un communiqué le comité central de la Socialist Rifle Association suite à la mort de M. Floyd.

Des groupes d'extrême-gauche armés et encourageant les gens à s'armer

.            Parmi les tactiques employées par cette organisation d'inspiration marxiste :"des marches pacifiques, l'entraide et la possession d'armes à feu. Ces éléments, utilisés à bon escient, sont les outils de défense d'une communauté contre l'oppression".

Des membres du John Brown Gun Club et du groupe Redneck Revolt protestent devant le centre de convention de Phoenix, le mardi 22 août 2017, contre un rassemblement de Trump.AP Photo/Matt York

Mais, dixit la doxa de la SRA, "nous devons cependant veiller à faire la distinction entre l'utilisation des armes à feu pour la défense d'une communauté et l'utilisation indisciplinée ou réactionnaire des armes à feu pour d'autres raisons."

Lancée entre 2017 et 2018, la SRA compte selon son site "près de 6.000 membres et plus de 60 chapitres ratifiés" dans tous les Etats-Unis. Par ailleurs, si l'un de ses rôles est l'éducation aux armes à feu, en revanche elle "[interdit] les manifestations armées sous la bannière de la SRA, car ce n'est pas le but de la SRA."

D'autres groupuscules de la gauche radicale viennent, eux, armées dans les manifestations. Les anarchistes et antifascistes du John Brown Gun Club, nommé d'après un abolitionniste blanc aux méthodes violentes, présents notamment dans la région de Seattle, appellent de leurs vœux "une résistance active contre les effets sociaux corrosifs et destructeurs de la suprématie blanche, du sexisme, de l'intolérance et de l'exploitation économique."

En juillet 2019, Willem van Spronsen, un ex-membre de ce groupe a été tué par la police de la ville de Tacoma, dans l'Etat de Washington alors qu'il était en train de lancer des engins incendiaires sur des véhicules garés dans le parking d'un centre privé de rétention de migrants.

Armé au moment de sa mort, il entendait, selon une lettre posthume, protester contre la politique d'arrestations et de déportation de l'agence gouvernementale Immigration Customs and Enforcement (ICE). Sa déclaration inclue les mots suivants : "J'encourage vivement les camarades et les nouveaux camarades à s'armer. Nous sommes maintenant responsables de la défense des personnes contre l'État prédateur."

Exercer ses droits contre le capitalisme et les discriminations

.            Ces groupes commencent à attirer l'attention de chercheurs. A propos du groupe Redneck Revolt, autre groupe de gauche radicale pro-armes, le Dr Teal Rothschild, sociologue à l'Université Roger Williams, écrit en 2019 : "L'idéologie de Redneck Revolt est simple : les blancs pauvres et les gens de couleur pauvres devraient se battre ensemble contre leur ennemi commun, les riches. Ils considèrent que leur travail consiste à attaquer la suprématie blanche qui, selon eux, est ancrée dans le capitalisme".

Le groupe, fondé en 2009 et remanié en 2016 en "une formation de défense de la communauté, antiraciste et antifasciste", met en avant l'origine prolétaire de ses membres et le droit de porter des armes, un droit "lié au devoir de renverser l'État, si nécessaire," explique la sociologue. Conséquence : dans les États où il est légal de posséder et de porter en public des armes à feu, les membres du Redneck Revolt organisent des actions durant lesquelles ils sont armés. Ils assurent aussi la sécurité de leurs propres manifestations.

Selon Teal Rothschild, les services que les membres de ces groupes fournissent vont de la formation aux armes à feu aux premiers secours en passant par la collecte de nourriture et de vêtements ou l'éducation sur la justice raciale et les questions de genre. "Ces efforts sont conçus pour mettre en contact des populations différentes avec de nouvelles pratiques."

Des membres du John Brown Gun Club et du groupe Redneck Revolt protestent devant le centre de convention de Phoenix, le mardi 22 août 2017, contre un rassemblement de Trump.AP Photo/Matt York

Ce travail sur la justice raciale et de genre "est particulièrement orienté vers les Blancs des zones rurales," note la sociologue, "tandis que les formations sur les armes à feu sont destinées aux personnes qui sont plus généralement exclues de cette culture : les femmes et les personnes de couleur".

Redneck Revolt parraine même des journées à des stands de tir pour les femmes et les personnes trans. Le Dr Rothschild précise également que, récemment, "de nombreuses sections locales ont participé aux manifestations de Black Lives Matter. Je pense que leur attention se porte sur la contestation de l'État à travers un racisme qu'ils considéreraient comme cautionné par cet État - et perpétré par la police."

Dans l'ombre des violences policières

.            Il n'y pas que la gauche radicale et des membres de la communauté LGBTQ qui s'intéressent de plus près aux armes depuis quelques années. Les Noirs américains aussi, et ce, bien que des clivages raciaux existent, toujours selon l'étude du Pew Research Center. Si, en 2017, environ la moitié des hommes blancs (48%) disent être armé, seul un quart des hommes non blancs possèdent une arme à feu, ainsi que 16% des femmes non blanches.

Aux Etats-Unis, l'histoire récente entre militants de la cause noire et armes à feu est tumultueuse et n'est pas exempte d'ironie. A partir de 1966, le Black Panther Party prend l'habitude de patrouiller armé dans les rues d'Oakland pour surveiller la police et prévenir des violences policières. Un an plus tard, le 2 mai 1967, des membres du BPP pénètrent armés dans le Capitole de Californie, à Sacramento, où siègent l'Assemblée, le Sénat et le gouverneur de Californie, pour protester contre un projet de loi visant à restreindre le port d'armes en public. Des marches du bâtiment, un porte-parole déclare : "Le temps est venu pour les Noirs de s'armer."

Des membres armés du Black Panther Party à Sacramento le 2 mai 1967.AP/2007 AP

Cette manifestation a tellement effrayé les hommes politiques, dont le gouverneur de Californie de l'époque, Ronald Reagan, qu'elle a contribué à l'adoption du Mulford Act, un projet de loi de l'État interdisant le port d'armes à feu chargées en public en Californie.

Et, contrairement à l'opposition farouche de la National Rifle Association (NRA) au contrôle des armes à feu dans l'Amérique d'aujourd'hui, l'organisation s'est battue à l'époque aux côtés du gouvernement pour le passage de cette loi, dans le cadre d'un effort pour garder les armes à feu hors de portée des Afro-Américains, alors que les tensions raciales grandissaient.

Aujourd'hui, le Huey P. Newton Gun Club est un groupe afro-américain pro-armes nommé d'après l'un des fondateurs du BPP, installé au Texas. Son fondateur, Yafeuh Balogun, explique qu'en 2020, "nous avons beaucoup grandi en tant qu'organisation", entre autre "parce que les pauvres en général ont le sentiment d'avoir besoin de protection." Selon le site du groupe, ils organisent des formations au tir et des conférences. D'autres groupes militants afro-américains, encore plus radicaux - tel le NFAC, un groupe nationaliste noir - ont eux manifesté, en force et en armes, dans le Kentucky en juillet 2020.

Des membres armés de NFAC, groupe séparatiste noir, défilent à Louisville le 25 juillet 2020. Ils demandent justice pour Breonna Taylor, tuée chez elle par des policiers.Timothy D. EasleyThe Associated Press.

Plus institutionnelle, la National African American Gun Association est "un réseau pour tous les propriétaires d'armes à feu afro-américains, leurs organisations, les clubs de tir et les amateurs de plein air". En juillet 2019, Philip Smith, le président et fondateur de ce groupe, a déclaré à la radio NPR que le nombre de membres avait augmenté après la prise de fonction du président Trump.

Selon M. Smith, une partie de cette hausse est due à un climat politique dans lequel les personnes ayant des opinions racistes se sentent encouragées à en parler et à agir en conséquence. Ce sentiment, le fondateur du NAAGA l'a aussi exprimé dans un communiqué après la mort de George Floyd : "Ahmaud [Arbery], Breonna [Taylor], et maintenant George [Floyd] ont été ajoutés à la liste apparemment interminable des personnes qui nous ont été enlevées prématurément par un système et des institutions racistes du complexe d'infériorité blanc qui exige notre sang et nos os pour satisfaire sa faim perpétuelle. Voici le pays dans lequel nous vivons."

"Si Joe Biden gagne, il est possible qu'à gauche, chacun revienne à sa position antérieure sur les armes et veuille les interdire ou autre", estime M. Evans. "A l'inverse, je pense que beaucoup de gens commencent à se dire 'oh la vache, si les choses tournent vraiment mal, je veux être capable de me défendre.' Je pense beaucoup de ceux qui ont acheté des armes vont s'exercer à les manier et y découvriront, qui sait, qu'ils aiment ça."

Qu’est-ce que la NFAC, cette «milice noire» paramilitaire ?

Le Figaro -  Morgane Rubetti – 07 sep 2020

.            Cagoulés et lourdement armés, les membres de cette milice séparatiste s'inspirant des « Black Panther » revendiquent le port d'arme pour les noirs au même titre que les suprémacistes blancs, qu'il leur plaît d'affronter.

Des membres de la FNAC à Louisville. Brandon Bell / AFP

.            Leur visage est souvent camouflé par un foulard remonté jusqu'au nez ou par une cagoule. Ils sont tous lourdement armés - les armes sont bien chargées - canon tourné vers le sol et balles rangées dans une ceinture à munitions portée en bandoulière. Ils avancent en formation militaire ou se positionnent de manière stratégique comme des soldats au front. La totalité des membres de cette milice autoproclamée sont noirs. Il s'agit des membres de la NFAC, «Not Fucking Around Coalition», appellation que l'on pourrait traduire par «La coalition qui ne plaisante pas».

.            Samedi 5 septembre 2020, environ 250 membres de cette «milice noire», comme ils ont l'habitude de se définir, ont participé à la manifestation anti-racisme de Louisville. Le rassemblement avait pour but de réclamer justice pour la mort de Breonna Taylor, abattue par des policiers dans son appartement le 13 mars 2020.

Les membres de la NFAC à Louisville. Brandon Bell / AFP

Durant l'événement, le leader de la NFAC, «Grandmaster Jay» (Grand maître Jay), a provoqué les officiers de police qui montaient la garde mais le groupe a ensuite battu en retraite sans incident.

Un membre de la NFAC en position à Louisville. Brandon Bell / AFP

Du mépris pour «Black Lives Matter»

.            Les adhérents de la NFAC se font de plus en plus connaître lors des manifestations anti-racisme. Leur but premier étant d'affronter les suprémacistes blancs également armés pour la plupart. À Stone Mountain (Géorgie), le 4 juillet 2020, journée de l'Indépendance, le leader du groupe a d’ailleurs déclaré dans son mégaphone : «Je ne vois pas de milice blanche, on est là. Vous êtes où ? On est chez vous !».

Les affiliés de la « Not fucking around coalition » refusent cependant « d'être associés aux militants de Black Lives Matter (BLM), car ils les méprisent, parce qu'ils réagissent avec émotion et font entrer des casseurs dans leur mouvement. À l’inverse, la NFAC se veut une organisation carrée et militaire qui n'accepte pas les débordements », précise Cécile Coquet-Mokoko, professeur d'histoire culturelle des États-Unis, études afro-américaines. À Louisville, la NFAC a d'ailleurs quitté les lieux lorsque les manifestants de BLM ont rejoint la mobilisation, ne souhaitant pas être pris pour responsables en cas de tensions.

Les adhérents de cette jeune milice qui s'est affichée pour la première fois en marge de la mobilisation en hommage à Ahmaud Arbery à Brunswick (Géorgie), en mai dernier, aiment s'ériger en justiciers. Le 4 juillet 2020, à Stone Moutain, «les habitants noirs ont réagi très favorablement en les voyant, estimant ainsi être protégés des groupes suprémacistes blancs, également armés».

Ce jour-là, ils ont défilé dans le parc national qui a servi à plusieurs reprises de lieu de rassemblement au Klu Klux Klan et où se trouvent les statues de Thomas Jackson, Robert Lee et Jefferson Davis, respectivement général, commandant et président des États confédérés pendant la guerre de Sécession. Des sculptures que la NFAC et les activistes du mouvement Black Lives Matter souhaitent voir disparaître.

Séparatistes

.            Leur leader, «Grandmaster Jay» (Grand maître Jay), de son véritable nom John Fitzgerald Johnson, est un ancien militaire, rappeur, producteur et DJ. Il s'est présenté de façon indépendante à l'élection présidentielle américaine de 2016 et a obtenu 47 votes.

Grandmaster Jay décrit la NFAC comme une organisation qui pourrait avoir pour slogan «oeil pour oeil, dent pour dent». À l'image du chef de file, les autres partisans, hommes et femmes, semblent majoritairement être des vétérans rompus au maniement des armes.

Séparatiste, « le groupuscule s'inspire des Black Panther de la fin des années 1960 », explique Cécile Coquet-Mokoko. Ils revendiquent ainsi le droit d'obtenir un territoire pour tous les descendants d'esclaves africains américains où seuls les personnes noires pourraient s'installer et où la ségrégation envers les blancs régnerait. En l’occurrence, la NFAC souhaite que le gouvernement américain leur délivre le Texas.

Cette milice a de nombreux points communs avec la National African American Gun Association (NAAGA), un lobby pro-arme similaire à la National Rifle Association (NRA) mais qui recrute parmi les Afro-Américains et qui encourage la population afro-américaine à acheter leurs armes chez les armuriers noirs. « La NFAC clame : 'nous aussi nous sommes des citoyens et nous avons donc le droit de protester dans les rues et de porter des armes. Ce n'est pas uniquement réservé aux blancs' ».

La NFAC à Louisville. JEFF DEAN / AFP

.            Ce type de milices de citoyens armés sont habituelles aux États-Unis. « Rien que dans l'État du Wisconsin, on les compte par centaines. », souligne Cécile Coquet-Mokoko. Cet engagement bénévole provient de la mauvaise interprétation du second amendement de la Constitution rédigé à la fin du XVIIIe siècle. « Le but de ce texte était de pouvoir organiser des milices de citoyens dans les États qui ne disposaient pas d'armée, afin que les habitants puissent tout de même se protéger et prendre les armes contre les Amérindiens par exemple. La population, majoritairement constituée de paysans, n'était pas habituée au maniement des mousquets et l'amendement permettait donc de contrôler les armes et leur propriétaire et de vérifier que chacun sache entretenir l'arme correctement. », raconte la professeur d'histoire.

Mais dans le « climat insurrectionnel » qui secoue aujourd'hui les États-Unis, les Afro-Américains membres de ces milices sont vus comme « des criminels noirs par les blancs » qui se mobilisent d'autant plus derrière leur idole, ce qui ne fait qu'alimenter et justifier le discours de Donald Trump. Surtout lorsque Grandmaster Jay a dit « burn everything down' (Brûlez tout) lors d'une apparition bien qu'il ait ensuite expliqué qu'il s'agissait d'une métaphore », estime la spécialiste des questions afro-américaines. En se désolidarisant des Black Lives Matter et en voulant à tout prix affronter les milices de suprémacistes blancs, la NFAC veut faire régner sa version de l'ordre.