La religion aux Etats-Unis
Le Figaro - Pierre Jova & Nicolas Certes / Slate - Claire Levenson / Télos - Gérard Grunberg / Esprit -Denis Lacorne / La Croix / Geolinks - Evelyne Porte & Fanny Pluet / The Conversation - Oihab Allal-Chérif & Blandine Chelini & Mark J. Rozell-Pont /Sciences Humaines - Livia Garrigue / Wikipedia
Société américaine et religion
. Terre d’immigration, les États-Unis sont devenus, au fil du temps, culturellement, ethniquement et donc religieusement très hétérogènes. L’exemple des « Pilgrims Fathers » et les motifs religieux, parmi d’autres, des toutes premières vagues d’immigration soutiennent l’influence de la religion dans la structure de la société américaine, établie sur une terre de refuge garantissant une liberté religieuse.
La laïcité des Etats-Unis est clairement énoncée dans le 1er amendement: « Le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit des citoyens de s’assembler pacifiquement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour qu’il mette fin aux abus. » A ce sujet, Jefferson évoque également un « mur » de séparation entre l’Etat et l’Eglise dans une de ses lettres de 1802.
Si, au cours des années 1740 à 1770, a eu lieu ce qu’on appelle le « Great Awakening », le grand réveil, c’est-à-dire un « regain de vie religieuse » qui donna naissance à une version plus moderne du protestantisme, religion aujourd’hui dominante au sein de la société américaine, les Etats-Unis jouissent aujourd’hui d’une grande variété confessionnelle et d’un dynamisme religieux étonnant. En dépit d’une soi-disant stricte séparation des Églises et de l’État, il est par exemple fréquent de trouver une Bible dans les chambres d’hôtel, ou d’entendre le président américain évoquer Dieu dans ses discours. De même, le célèbre « In God We Trust », devise nationale officielle des Etats-Unis, adoptée en 1956, figurant sur les billets et les pièces de monnaie américaine, montre l’omniprésence de la religion dans le quotidien du peuple américain.
. Les États-Unis sont souvent considérés comme un pays restant attaché à des valeurs puritaines, en particulier de par l'image qu’en ont donnée certaines productions culturelles, notamment des séries télévisées moralisatrices (La Petite Maison dans la prairie, Sept à la maison, etc.) ou des affaires comme le scandale du Nipplegate (sur le sein de Janet Jackson).
Jusqu'au milieu du XXe siècle, ces valeurs sont présentes dans une société qui se veut libérale, en réaction avec l'oppression britannique et la non-liberté d'exercice de la religion perçue comme étant un des traits de l'Europe. Les mœurs de la population américaine se sont dès lors à plusieurs reprises libéralisées avant celles d'autres pays occidentaux. Ainsi, le droit de vote des femmes dans l'état du Wyoming date du milieu du XIXe siècle. Dès les années 1960, le mouvement hippie a contesté les valeurs bourgeoises. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires des films pornographiques aux États-Unis est comparable à celui d’Hollywood. Le taux de divorce y est aussi l’un des plus élevés du monde …
. Cependant, depuis les années 1950, un certain regain des conceptions conservatrices et notamment fondamentalistes se repèrent dans les débats contemporains sur la prière à l'école, l'avortement, ou encore le combat scolaire qui vise à imposer le créationnisme (« Intelligent Design ») contre la conception darwiniste de la sélection naturelle, pour expliquer l'apparition de l'Homme sur Terre. D'une manière générale, les chrétiens conservateurs, représentés notamment au sein de la Christian Coalition of America, font un intense lobbying auprès des décideurs politiques. L'ex-président George W. Bush, méthodiste « born again » sans pour autant être membre d'une église évangélique, a été considéré comme le porte-parole de ces conceptions politico-religieuses.
. Depuis l'école jusqu’au serment du président sur la Bible, la religion s'immisce dans tous les aspects de la vie civile, et l’explosion de la visibilité permet aux sectes, même mineures, de s’épanouir. Le phénomène des « mega-churches » est un exemple probant de l'instrumentalisation de la religion au service des idéaux libéraux. Ces établissements conceptuels du « tout religieux » dépassent largement le cadre du simple lieu de culte. On y trouve des garderies, des bibliothèques, des salles de spectacle et des terrains de sport. Tout a été pensé pour le confort intellectuel du croyant, ce qui incite les familles à venir y passer leur temps libre.
La population étant en prise directe et permanente avec le contenu religieux, une grande majorité d'Américains est affiliée à une paroisse, et le choix de la résidence est souvent assujetti à l'emplacement d'un lieu de culte.
. La Bible, une référence ? Vus de France, les Américains paraissent souvent bien exotiques dans leur rapport à la religion, ainsi la Bible belt, cette vaste région du sud des États-Unis où l'évangélisme reste très fort. Par ailleurs, la religion habite le discours politique américain, qu'elle soit ou non adossée à des croyances fortes. La référence à la Bible est aussi un outil rhétorique, qui donne force et souffle au discours politique. Il n'est que de songer à Abraham Lincoln, probablement l'un des moins religieux des présidents américains (avec Thomas Jefferson), qui avait une connaissance profonde de l'Ancien Testament et émaillait ses discours de citations bibliques. Obama lui-même l'a dit : comment imaginer un discours de Lincoln ou de Martin Luther King (ou d'Obama…) sans images tirées de la Bible ? Si la religion colore le discours politique américain, c'est peut-être aussi pour ces raisons rhétoriques ; les métaphores tirées du Livre saint feraient plus d'effet que les chiffres et les rapports d'experts ...
Les États-Unis entre laïcité et puritanisme
. Dans la construction de l'identité américaine, deux récits fondateurs s'opposent, qui permettent de mieux comprendre la manière dont se noue, aux États-Unis, le rapport entre politique et religion. L'un, qui fait référence aux Pères fondateurs et à la guerre d'indépendance, exalte la république et la constitution, dans laquelle Dieu n'est jamais mentionné. L'autre, qui émerge au début du XIXe siècle, met en valeur les Puritains arrivés en Amérique au XVIIe siècle, qui y ont institué une « Nouvelle Jérusalem », modèle pour le monde démocratique et prospère.
Ces deux récits sont en particulier incarnés par les divers candidats à la présidence des États-Unis, qui doivent, à divers moments de leur carrière politique, se prononcer sur la question religieuse, passage obligé aux États-Unis pour les prétendants à la magistrature suprême.
La tradition républicaine
. Ce que John M. Murrin a appelé le « toit constitutionnel » de la nation américaine a été construit en peu de temps. Ce socle de textes fondateurs comprend la Déclaration d'indépendance de 1776, la Constitution fédérale de 1787, les Federalist Papers, et le Bill of Rights ratifié en 1791. Il repose sur un principe essentiel, celui de la souveraineté du peuple, non soumise à la sanction d'un souverain, qu'il soit terrestre ou céleste.
. En effet, si le « Dieu de nature » est mentionné dans la Déclaration d'indépendance, il n'en est rien dans la Constitution, qui est, pour reprendre l'expression d'Isaac Kramnick, une « constitution sans Dieu ».
. L'article VI de la Constitution des Etats-Unis dit précisément ceci: "aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude à quelque fonction ou charge publique dépendant des Etats-Unis que ce soit". Ainsi, avec la diversité exceptionnelle qui s'est observée lors des résultats des Midterms 2018, la cérémonie d'ouverture du 116e Congrès américain le 3 janvier 2019 a dû s'adapter. "Les temps ont changé au Capitole", avec la présence des différents livres canoniques prévus pour le serment des élus, y compris un Coran, un Sutra de la lumière dorée (bouddhiste) ou encore Le Veda (hindouisme).
. L'absence de référence à une quelconque divinité a suscité de nombreux débats au XVIIIe siècle ; ainsi, certains pasteurs firent remarquer aux Pères fondateurs que le pays pourrait très bien être dirigé par un mahométan, un athée ou un adorateur du dieu Baal. De fait, rien ne l'interdisait dans le texte constitutionnel. Mais celui-ci n'est pas antireligieux : on ne trouve pas, dans l'Amérique du XVIIIe siècle, d'anticléricalisme tel qu'il a pu exister pendant la Révolution française (sauf peut-être en Virginie, où l'Église anglicane fut désétablie) ; simplement, les Pères fondateurs, eux-mêmes déistes pour la plupart, et fortement influencés par les Lumières européennes, accordèrent peu de place à la religion dans le système politique américain, et imaginèrent une séparation stricte de l'Église et de l'État. L'expression n'apparaît pas en tant que telle dans les textes fondateurs, mais un certain nombre d'articles et d'amendements de la Constitution mettent en place cette séparation. Ainsi, l'article 6 stipule qu'aucun serment d'allégeance de nature religieuse ne sera exigé des élus de la République.
. Le premier amendement, quant à lui, protège la liberté de culte, mais interdit également toute religion officielle au niveau de l'État fédéral. Cette clause (dite « d'établissement ») sera étendue en 1947 à tous les États fédérés par un arrêt de la Cour suprême. Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis, interprète le premier amendement comme érigeant un « mur de séparation » entre l'Église et l'État.
. Ainsi, le récit fondateur que l'on pourrait nommer « républicano-politique » sépare strictement le religieux du politique. Le serment de défense de la Constitution que prêtent les présidents en jurant sur la Bible est une tradition empruntée au parlementarisme anglais, qui ne figure aucunement dans le texte constitutionnel. John Quincy Adams, par exemple, préféra, à son entrée en fonction, prêter serment sur un texte de loi. L'adoration du Seigneur se trouve donc remplacée par le culte des documents fondateurs. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre à Washington, aux Archives nationales, rue de la Constitution, où est préservé l'original de la Constitution américaine, sous un verre très épais, dans un caisson qui, en cas d'attaque nucléaire, serait automatiquement protégé. Cette « momie » écrite manifeste le véritable culte voué aux textes fondateurs à l'origine de l'identité collective de la nation.
Le mythe puritain
. Le second récit fondateur qui irrigue la culture politique américaine a été popularisé dans les années 1830, par les historiens conservateurs de la Nouvelle Angleterre et par le Michelet de la révolution américaine, George Bancroft, auteur d'une monumentale Histoire des États-Unis en dix volumes. À l'époque, les Lumières franco-américaines sont soumises à la critique, notamment suite à la Révolution française et à la Terreur. La mode est aux émotions, aux religions, à la redécouverte des peuples autochtones. Cette imagination romantique trouve un terrain fertile aux États-Unis, où le « peuple primitif » est identifié aux Pères pèlerins, ces Puritains débarqués sur les côtes américaines le 26 novembre 1620. Les Indiens sont mis de côté, tout comme les premiers colons, arrivés en Virginie en 1607, dont les motivations étaient strictement économiques. George Bancroft … popularise cette vision organiciste de la nation américaine, qui voit dans les Pères pèlerins l'incarnation du « génie » américain, alors qu'ils avaient été dénigrés par les auteurs des Lumières, notamment Voltaire, et les Pères fondateurs, qui considéraient cette référence comme archaïque. Pour Bancroft, en revanche, les Puritains sont les « instruments de la providence qui orientent les choses vers un but que la prévoyance humaine n'avait pas entrevu ».
. Le texte fondateur de cette mythologie puritaine est le sermon délivré par John Winthrop, futur gouverneur du Massachusetts, sur l'Arbella, le bateau qui le menait vers les côtes américaines (14 juin 1630). Dans ce sermon, Winthrop décrit la terre qui attend les pèlerins comme une terre promise, une Nouvelle Jérusalem, qui doit être une « cité sur la colline », servant d'exemple au monde entier. Cette expression, empruntée à l'Évangile selon Matthieu (5, 14), apparaît régulièrement dans les discours des hommes politiques, notamment républicains, et est au cœur de la vision providentialiste des États-Unis comme « lumière du monde ». Ce sermon est ainsi interprété comme l'origine de la démocratie américaine, ancrée dans une tradition religieuse. Or, lorsqu'on le lit de près, on s'aperçoit que Winthrop n'envisageait pas de créer une société d'égaux, mais bien une société respectant les hiérarchies, voulues par le Seigneur, entre riches et pauvres, puissants et sans pouvoir, etc. La Nouvelle Jérusalem, pour lui, n'avait pas vocation à subvertir l'ordre social. Cependant, dans la mythologie politique américaine, les Pères pèlerins sont devenus les fondateurs de la démocratie, liés entre eux par un pacte d'égalité qui les engageait devant Dieu.
. Ces deux récits qui parcourent l'histoire politique américaine, se sont encore récemment incarnés dans les deux candidats à la présidence des Etats-Unis de 2009, Barack Obama et Mitt Romney qui ne sont ni agnostiques, ni athées.
Les démocrates pas insensibles à la foi
. Chez les démocrates, la question religieuse n'est pas absente, quoique moins forte. « Hillary Clinton et son mari Bill sont très croyants », rappelle Lauric Henneton. « Mais la candidate ne le met pas en avant ». Au contraire, son rival Bernie Sanders, juif agnostique, a récemment déclaré que la foi « guidait sa vie ». Cette posture s'inscrit dans une stratégie pour gagner le vote noir, traditionnellement démocrate, et très religieux. Selon le site d'informations Policy Mic, Bernie Sanders s'apprête à sillonner les États du Sud, en visitant les églises protestantes noires, qui jouent un grand rôle dans la communauté afro-américaine. Bernie Sanders, par son appel à la justice sociale, touche également certains évangéliques blancs, notamment les plus jeunes : « Beaucoup sont attirés par la gauche, mais l'obstacle de l'avortement défendu par les démocrates demeure fort », explique le pasteur Matthieu Sanders.
Pour ce dernier, la loyauté des évangéliques envers les républicains devient moins évidente. « On assiste à une perte de terrain de l'influence politique de la droite religieuse. Son dernier champion, Ted Cruz, ne correspond pas à la jeune génération évangélique, qui ne se reconnaît pas dans ses outrances. Celle-ci a conscience d'être une minorité dans la société, et n'idéalise plus la droite », affirme-t-il. « L'illusion de la ‘'majorité morale'' chrétienne aux États-Unis n'est plus permise. Le mariage gay autorisé par la Cour suprême a été le révélateur pour les chrétiens qu'ils sont aujourd'hui en porte-à-faux avec la culture dominante », ajoute-t-il. Les Etats-Unis sont touchés par une lente, mais progressive sécularisation: la génération Y représente près de 40 % des « non-affiliés » américains.
Barack Obama : l’art du compromis
. Obama est un converti tardif au protestantisme, il appartient à la United Church of Christ, une Église très progressiste, marquée par la tradition de l'Évangile social, qui a ordonné les premiers pasteurs noirs, ou ouvertement homosexuels, du pays. Une Église d'avant-garde, en somme, bien éloignée de celles qui abritent la communauté noire baptiste dans le sud des États-Unis. Cependant, le démocrate Obama ne pouvait pas faire l'impasse sur la question religieuse, lorsqu'il s'est présenté en 2008 aux primaires démocrates, puis à l'élection présidentielle. Tout d'abord, parce qu'un certain nombre d'Américains étaient convaincus qu'il était musulman (30 % des électeurs républicains le croient d'ailleurs toujours). Ensuite, parce qu'il lui fallait éclaircir sa relation avec le pasteur noir Jeremiah Wright, dont les positions extrémistes (il avait jugé que les attentats du 11 septembre étaient la conséquence logique de l'impérialisme américain) avaient embarrassé le candidat au moment des primaires, ce qui fut fait à travers le très beau discours de Philadelphie, consacré à la notion de « race » aux États-Unis. Tout au long de sa campagne, et de sa présidence, Obama a pratiqué ce que l'on pourrait appeler une « laïcité philo-cléricale ». Comme dans d'autres domaines, il a voulu mettre en place un compromis entre croyants et non-croyants, tout en préservant la séparation de l'Église et de l'État. Cette position se révèla souvent assez acrobatique à maintenir. Ainsi, Obama a donné des gages à la gauche laïque en autorisant les recherches sur les cellules souches, et en abolissant la règle du « don't ask, don't tell » telle qu'elle était pratiquée dans l'armée américaine à propos des homosexuels. Il a été, en outre, le premier président américain à décrire la nation américaine, dans son premier discours sur l'état de l'Union, comme composée de chrétiens et de musulmans, de juifs et d'hindous et de non-croyants, mettant ainsi sur le même plan la religion et l'irreligion. Il a également ménagé ses électeurs religieux (on songe notamment aux communautés baptistes noires du sud des États-Unis, socialement conservatrices) en se prononçant, en 2008, contre le mariage homosexuel (il a changé d'avis en 2012 pour ne pas s'aliéner les étudiants), et en finançant des « initiatives de la foi » établissant des partenariats entre l'État fédéral et des associations caritatives qui ont tendance à favoriser les institutions évangéliques et qui sont aujourd'hui dirigées par un faith czar, le pasteur pentecôtiste noir Joshua DuBois. Bien qu'il soit profondément attaché à la tradition républicaine de séparation de l'Église et de l'Etat (on ne trouve aucune référence aux Puritains dans ses discours), Obama a bien compris qu'il ne pouvait faire l'impasse sur la question religieuse.
Mitt Romney, mormon « évangélisé »
. Mitt Romney, qui, s'il avait été élu, serait devenu le premier mormon président de la République américaine, a, lui, une vision bien différente. S'il met en avant sa foi et l'importance de la religion, il se garde bien d'entrer dans les détails du mormonisme, et des fonctions qu'il a exercées dans l'Église des Saints des Derniers Jours. Il a en effet été missionnaire en France pendant deux ans, puis a dirigé une paroisse à Belmont, dans le Massachusetts, avant de devenir « président de piquet » (stake president) à Boston, l'équivalent d'un évêque en termes de pouvoir et d'influence dans un diocèse. Cependant, le candidat républicain, plutôt que de mettre en avant l'héritage de Joseph Smith, fondateur du mormonisme, a adopté le récit puritain, comme l'avaient fait avant lui Ronald Reagan et les deux présidents Bush. Par ailleurs, il a été obligé, pendant les primaires, de durcir son discours sur les questions de « valeurs » (contre l'avortement, contre la contraception, contre le mariage gay ; pour le port d'armes et pour l'expulsion des sans-papiers…). En effet, le calendrier des primaires républicaines ainsi que la composition de l'électorat poussent les candidats vers la droite : la présence de l'Iowa et de la Caroline du Sud (où 40 % à 65 % des électeurs républicains sont évangéliques) parmi les tout premiers caucus et primaires ; le fait que seule une petite minorité de républicains (entre 5 % et 20 % des inscrits) vote lors de ces élections, donnent un poids démesuré à la droite religieuse. Ainsi, Romney s'est cru obligé de faire un discours à Liberty College (Lynchburg, Virginie) – l'université fondamentaliste créée par Jerry Falwell, passage obligé pour les candidats républicains à l'investiture présidentielle. Il a donc tout mis en œuvre pour apparaître comme un candidat « comme les autres » sur le plan religieux, mettant en avant les aspects de sa foi qui pouvaient résonner avec les préoccupations de ses électeurs.
. À cet égard, il est intéressant de comparer l'attitude de Romney vis-à-vis de sa religion à celle d'un autre candidat, lui aussi issu d'une minorité religieuse : John F. Kennedy, le seul président catholique. La droite protestante de l'époque, notamment le révérend Norman Vincent Peale de Marble Collegiate Church, paroisse huppée de Manhattan, s'était mobilisée contre l'élection d'un catholique à la Maison-Blanche. Pour elle, en effet, un catholique ne pouvait défendre la démocratie américaine, puisqu'il était soumis aux ordres de Rome, aussi autoritaire que la Moscou soviétique de l'époque de la Guerre Froide. Kennedy, pour se défendre face à une telle hystérie, affirmait qu'il était un candidat démocrate d'abord, avant d'être catholique, et que, pour tout ce qui concernait les sujets controversés de l'époque (la contraception, le divorce, les jeux de hasard), il se laisserait guider par l'intérêt général, et non par ses convictions religieuses. Il se livrait ainsi à une véritable profession de foi jeffersonienne ; pour Kennedy, la séparation de l'Église et de l'État était, disait-il, « un absolu ».
. Romney a adopté une stratégie bien différente. S'il a, comme Kennedy, déclaré être républicain avant d'être mormon, il s'est en revanche ouvertement opposé à la séparation de l'Église et de l'État, dépeignant son adversaire comme un homme « entré en guerre contre la religion », parce qu'il défend le droit des femmes à disposer de leur corps. Pour Romney, la religion a sa place dans l'espace public. S'il est élu, a-t-il déclaré, les crèches et les menorahs seront autorisés dans les lieux publics au moment des fêtes, les nominations à la Cour suprême se feront aussi selon des critères religieux (afin de hâter le renversement de la décision Roe vs Wade).
C'est pourquoi Romney affirme qu'il se refusera à « séparer le peuple américain de son héritage chrétien » et qu'il combattra les deux principaux adversaires du christianisme : l'islam radical qui convertit par force et ceux qui, selon lui, veulent faire de la laïcité (secularism) une « nouvelle religion ». Tout se passe comme si ce candidat mormon (rappelons que, pour de nombreux évangéliques, le mormonisme est une apostasie : l'inerrance biblique interdit tout ajout ou correctif à la Bible et le Livre de Mormon est donc inacceptable) voulait être plus évangélique que les évangéliques, pour se couler sans encombres dans le récit mythique de la fondation religieuse des États-Unis.
La variété et les caractéristiques de l’Américain religieux.
. Le pays est extrêmement diversifié du point de vue de ses confessions religieuses. En effet, on trouve une foule de dénominations religieuses : des catholiques, des protestants évangéliques, des protestants « mainline » (c’est-à-dire, qui descendent des protestants luthériens et calvinistes), des mormons, des juifs, des témoins de Jéhovah, des bouddhistes, des musulmans, des orthodoxes, des hindous, et bien sûr les athées et agnostiques.
. Le paysage religieux est donc très vaste, sans compter toutes les variations que comprend le christianisme. Si les américains issus des premières vagues d’immigration étaient appelés les « WASP », White Anglo-Saxons Protestants, on remarque cependant que, par la suite, le catholicisme a eu tendance à s’affirmer, notamment grâce à l’immigration irlandaise, et plus récemment hispanique, les latino-américains représentant désormais la première minorité des USA. Au niveau statistique, une étude a été réalisée par le Pew Research Center en 2014 sur les appartenances religieuses des américains : 71 % des Américains seraient chrétiens (dont 50 % protestants et 21 % catholiques), 23 % n’auraient pas de religion. Il y aurait également 2% de juifs, 2% de mormons, 1% de musulmans et 1% de témoins de Jehovah. Ces différentes confessions sont réparties de façon inégale sur le territoire américain.
. À noter que les musulmans connaissent proportionnellement la plus forte progression de ces dernières années (récent doublement à prendre avec précaution, notent les analystes, les gens préférant ne pas se profiler, craignant des réactions négatives), et que chaque année, environ 60 000 Hispaniques, à l'origine catholiques, quittent leur religion pour embrasser une des Églises évangéliques, lesquelles ont connu une croissance importante depuis les années 1970.
Près de 2,8 millions de personnes se signalent comme membres de dizaines de nouveaux mouvements religieux, qui s’appellent eux-mêmes "Wiccans", païens ou "spiritualistes".
Les personnes qui disent n’appartenir à aucune confession progressent et sont désormais 15% d’une population américaine, qui passe pour être très religieuse. La majeure partie de la croissance de la population chrétienne vient de personnes qui s’identifient elles-mêmes seulement comme chrétiennes ou évangéliques "born again" (« nés de nouveau », dans le sens « de nouveau éveillés à la foi »).
Les Américains désertent leurs Églises
. Les « nones » : ainsi sont nommés les Américains qui ne se reconnaissent dans aucune religion. L’appellation vient d’une mention parmi les cases à cocher dans les enquêtes de recensement aux États-Unis, signifiant « aucun(e) ». Attention : les nones, qui croient parfois aux anges, au paradis, ou même à un dieu, ne doivent pas être confondus avec les athées. Ceux-ci sont toujours nettement minoritaires aux États-Unis, alors que, comme le montre le politiste Lauric Henneton, la catégorie de ceux se déclarant sans affiliation religieuse est en plein essor. Après avoir longtemps plafonné entre 5 et 7 %, elle totalise, en 2016, 25 % des Américains. Cette part atteint les 40 % chez les 18 à 25 ans. Moins qu’un délabrement de la croyance, l’évolution révèle le dédain des jeunes pour la religion comme institution. Or cette défiance envers les entités officielles rejaillit sur le politique. Comment ? Les catégories sociologiques des nones sont en majorité favorables aux démocrates. Toutefois, déconsidérant les partis politiques établis, ils sont aussi les plus silencieux dans les urnes. C’est là « le coût politique de la sécularisation ». Ces populations, de plus en plus importantes démographiquement, ont un poids politique faible là où les évangéliques ont su se mobiliser pour faire élire Trump. Pour ces derniers, les nones menacent leur Amérique chrétienne et blanche, qui semblait jusque-là à l’abri de l’onde de sécularisation ayant envahi les pays occidentaux. Mais avec le renouvellement des générations, la vague des nones a vocation à prendre de l’ampleur. En boudant les partis traditionnels et en refusant l’immixtion du religieux et du politique, ils incarnent assurément un tournant culturel dans un pays où la défense du créationnisme à l’école fait encore florès.
Source : PEW Research Center - 2014 Religious Landscape Study
. Malgré la croissance de la population, notamment due à l’immigration, qui a augmenté la population américaine de près de 50 millions d’adultes en une vingtaine d’années, presque toutes les dénominations religieuses ont perdu du terrain depuis 1990.
. Cependant les Etats-Unis sont l’un des pays occidentaux où l’affiliation des citoyens à une religion est la plus générale. 77% déclarent qu’ils croient en Dieu. Néanmoins, en l’espace d’une dizaine d’années s’est produite une baisse de six points des personnes ayant une affiliation religieuse. L’essentiel de cette baisse s’explique presqu’uniquement par le processus du renouvellement des générations. L’analyse montre en effet que la proportion des personnes qui se rattachent à une religion, par leurs attitudes et leurs comportements, diminue régulièrement des générations plus anciennes aux plus jeunes. Prenons l’exemple de la prière quotidienne: 67% des membres de la génération la plus ancienne déclarent prier tous les jours contre 39% de ceux de la génération la plus jeune. Nous retrouvons les mêmes écarts entre les différentes générations à propos de l’assistance à l’office religieux chaque semaine ou de l’affirmation selon laquelle la religion sert de boussole pour juger du bien et du mal ou bien qu’elle représente quelque chose d’important dans la vie de la personne interrogée.
. Nul doute qu’est ici à l’œuvre une lente mais véritable mutation de la société américaine. Néanmoins, il apparaît bien qu’il existe une tendance historique à l’affaiblissement de la religiosité au sein de la société américaine comme dans les autres sociétés occidentales, même si l’immense masse des Américains demeure croyante.
. D'après une étude réalisée en 2007 par le Pew Research Center, environ 39 % des Américains assisteraient au service religieux chaque dimanche, ce qui constitue un taux de participation bien plus élevé que dans les autres pays occidentaux. 56 % considèrent la foi comme quelque chose de très important dans leur vie. Ils sont le même pourcentage à déclarer avoir prié les jours précédant l'enquête. Inversement, seulement 4 % sont athées ou agnostiques, parmi un ensemble plus large de 16 % d'Américains qui ne déclarent pas de religion spécifique.
. Mais l'identité religieuse est mouvante aux États-Unis. Chaque Américain change trois fois d'Église en moyenne au cours de son existence (surtout au sein du monde protestant, très concurrentiel). L'appartenance à une Église est une chose courante et signifie appartenir à une communauté, recevoir de l'aide en cas de besoin. Sur les 250 milliards de dollars de dons annuels que font les Américains aux associations à but non lucratif 36 % sont affectés aux différentes Églises.
. D’après une autre étude de 2008, 75 % des Américains (contre 21 % des Français) déclarent avoir lu au moins un passage de la Bible au cours de l’année passée. Plus de la moitié des Français ne possèdent pas de Bible chez eux, contre 7 % des Américains. 13 % des Américains disent ne jamais prier contre 49 % des Français.
. Depuis l'après-guerre, le protestantisme de tendance évangélique, qui compte quelques groupes extrémistes (fondamentalistes), est de plus en plus actif au niveau politique et social. Il comprend notamment les fameux Born Again. Représentés surtout au sein des congrégations baptistes, méthodistes, pentecôtistes et indépendantes, plus une partie des Églises noires, ils sont désormais majoritaires parmi les protestants, avec 25 à 30 % de la population totale, selon les estimations. Le Sud des États-Unis, appelé aussi la « Bible Belt » (« ceinture de la Bible ») constitue leur bastion. Ces Églises très dynamiques usent des moyens de communication modernes, comme l'attestent l'influence des célèbres télévangélistes (comme Billy Graham) ou des mega-churches. La Lakewood Church du pasteur texan Joel Osteen rassemble par exemple plus de 43 000 fidèles chaque semaine.
. Les États-Unis sont parfois considérés comme un pays restant attaché à des valeurs puritaines, surtout de par l'image que donnent certaines productions culturelles, notamment des séries télévisées moralisatrices (La Petite Maison dans la prairie, Sept à la maison, etc.) ou des affaires comme le scandale du Nipplegate (sur le sein de Janet Jackson au Super Bowl).
. Jusqu'au milieu du XXe siècle, ces valeurs sont présentes dans une société qui se veut libérale, en réaction avec l'oppression britannique et la non-liberté d'exercice de la religion perçue comme étant un des traits de l'Europe. Les mœurs de la population américaine se sont dès lors à plusieurs reprises libéralisées avant d'autres pays occidentaux ; ainsi, le droit de vote des femmes dans l'état du Wyoming date du milieu du XIXe siècle.
Dès les années 1960, le mouvement hippie a contesté les valeurs bourgeoises, et aujourd’hui, le chiffre d’affaires des films pornographiques aux États-Unis est comparable à celui d’Hollywood. Le taux de divorce y est aussi l’un des plus élevés du monde.
. Cependant, depuis les années 1950, un certain regain des conceptions conservatrices et notamment fondamentalistes se repèrent dans les débats contemporains sur la prière à l'école, l'avortement, ou encore le combat scolaire qui vise à imposer le créationnisme (« Intelligent Design ») contre la conception darwiniste de la sélection naturelle, pour expliquer l'apparition de l'Homme sur Terre. D'une manière générale, les chrétiens conservateurs, représentés notamment au sein de la Christian Coalition of America, font un intense lobbying auprès des décideurs politiques. L'ex-président George W. Bush, méthodiste « born again » mais qui n'est pas membre d'une église évangélique, a été considéré comme le porte-parole de ces conceptions politico-religieuses.
L’influence des communautés religieuses sur la politique des Etats-Unis
. De nombreuses communautés religieuses, estimées à environ 200, cohabitent depuis des décennies sur le territoire des Etats-Unis. Formées à la suite de réformes de gouvernement, de nombreux groupes de pressions tentent de défendre les intérêts de ces communautés, par les urnes notamment, mais aussi en réagissant aux diverses décisions prises par l’Etat. Certaines de ces organisations prônent un mode de vie proche des valeurs religieuses du protestantisme : Family Research Council, Concerned Women in America, National Right to Life, Home School Legal Defence Association, CitizenLink. Notons également l’organisation Bread for the world qui est une organisation chrétienne se battant contre la faim dans le monde. Il y a également deux importantes organisations juives : American Israel Public Affair et American Jewish Committee. Ces organisations pèseraient près de 400 millions de dollars.
Sur la politique intérieure des Etats-Unis
. Celle-ci est fréquemment influencée par des groupes de pression, les « lobbies » qui sont tout à fait légaux. Ils ne se contentent pas de donner leurs voix au candidat qui défend au mieux leurs intérêts, mais ils peuvent également financer une partie de leur campagne. Il y a un lobby des armes, un lobby du tabac, du pétrole etc. Une des formes de lobby bien représentée aux USA relève des organisations religieuses, qui se sont formées, pour nombre d’entre elles, en réaction à des décisions politiques qui allaient à l’encontre des principes religieux d’une partie de la population.
Cela est particulièrement visible, par exemple, dans les années 70 lorsque la Cour Suprême légalise l’avortement : c’est un séisme dans les milieux protestants conservateurs : 26 lobbies protestants sont créés entre 1971 et 1980 (en comparaison, entre 1800 et 1970, seulement 7 groupes avaient été créés). On peut citer l’organisation « Moral Majority », particulièrement active, qui avait été créé en 1979 par Jerry Falwell, et qui tend à la recherche d’une certaine rigueur morale, et à la valorisation de la famille.
. Les communautés religieuses ont un poids qui leur permet une influence importante sur la vie politique américaine, en particulier lors des élections, notamment présidentielles. Par exemple, la National Association of Evangelicals, qui regroupe différentes églises, recense près de 30 millions de fidèles, ce qui constitue un électorat non négligeable. Voici quelques élections et mandats de présidents marqués par la religion :
- John F.Kennedy : lors de sa campagne électorale, un des plus grands challenges de Kennedy fut de rallier à sa cause le vote des protestants, alors que lui-même était catholique. On craignait notamment qu’un président catholique se retrouve facilement influencé par l’Eglise. C’est pourtant, ou à cause de cela, qu’il fut l’un des présidents américains qui insista le plus sur la séparation entre la religion et l’Etat.
- Ronald Reagan : en 1980, la droite chrétienne déclare son soutien au parti républicain, ce qui apporte 4 millions de voix à Reagan lors des élections de 1984. Il voulait également que les enfants puissent prier à l’école, comme l’explique l’auteur de Religion and the American Presidency. Celui-ci considère également que c’est sa foi qui lui a donné la confiance nécessaire pour combattre le bloc soviétique. Cependant Reagan était aussi entouré de conseillers catholiques ; il était divorcé et n’allait pas à l’Eglise de façon régulière.
- George W. Bush : la politique intérieure durant les deux mandats de George W. Bush a été marquée par la religion. En effet, ce président n’hésitait pas, dès sa campagne électorale, à faire référence à ses croyances. Avant même de se présenter aux élections présidentielles, alors qu’il était gouverneur du Texas, il avait autorisé une organisation chrétienne à organiser des programmes basés sur la foi dans les prisons de l’Etat. Lors d’une émission télévisée de 1999, alors qu’il était confronté à d’autres candidats, on lui a demandé le nom d’un philosophe qui avait influencé sa vie, question à laquelle il répondit « Le Christ, car il a changé mon cœur ». Il déclara également que le pays devait « accueillir la présence de personnes de foi dans l’arène politique ». La foi de G. W. Bush n’était pas nouvelle puisque, dès la campagne de son père, c’est lui qui avait été chargé de convaincre les leaders évangéliques de se rallier à sa cause. Mais ce sont surtout ses discussions avec Billy Graham, un ami de la famille et leader chrétien, qui ont orienté ses croyances religieuses. Pendant sa première année en tant que président, G. W. Bush encouragea les organisations religieuses, notamment en leur fournissant les finances nécessaires, à prendre en main des problèmes sociaux tels que l’addiction aux drogues.
- Mitt Romney : il a fait parler de lui lors de la campagne de 2012, notamment à cause de son appartenance à la communauté mormone. Cela impliquait, pour ce candidat républicain, de ne pas consommer de drogue, d’alcool, ou de café par exemple. Au début, la polygamie était également admise dans cette communauté, mais elle est devenue très minoritaire du fait de son interdiction aux USA. Même en Amérique, les mormons n’ont pas une image très positive. Le fait que Romney appartienne à cette minorité religieuse a pesé sur la campagne électorale de 2012, puisque les évangéliques retrouvaient malgré tout beaucoup de valeurs communes avec les croyances du candidat républicain.
- Barack Obama : il intègra aussi les athées à ses discours (« les croyants n’ont pas le monopole de la moralité » a-t-il déclaré à ce sujet), et sembla plus détaché de la religion que son prédécesseur.
Sur la politique étrangère / extérieure des Etats-Unis
. La nation américaine s’est réalisée sur une base religieuse et idéaliste. Cet héritage religieux a fait émerger la conception « d’exceptionnalisme » américain, qui représenterait le gouvernement le plus abouti et le plus parfait, justifiant l’idée d’une « destinée manifeste » des Etats-Unis. Cette idéologie consiste à diffuser le système de valeurs et de gouvernement américain à travers le monde, afin de le faire progresser à son image. L’idée d’une mission civilisatrice des Etats-Unis se justifie par leur modèle de développement infaillible basé sur la démocratie libérale et la foi chrétienne. Pour le géopoliticien Yves Lacoste, la « manifest destiny », c’est : « le destin, le rôle que Dieu aurait manifestement confié à l’Amérique de développer les valeurs de liberté, de justice et de progrès, de les étendre le plus possible et de les défendre contre toute tyrannie ».
Ainsi, aux fondements de la politique étrangère américaine se trouve un concept contenant une forte connotation religieuse (qui n’a jamais quitté les orientations politiques des Etats-Unis) et ayant pour but de justifier un interventionnisme omniprésent, structurant l’ensemble de la politique extérieure des Etats-Unis autour de ses interventions internationales.
. A l’origine peu intéressé par les questions de politique étrangère, George W. Bush (2001-2009), s’est vu imposer un important retournement de situation avec les attentats du World Trade Center qui ont bouleversé la stratégie internationale des Etats-Unis. Dans le contexte post Guerre Froide, où le monde se reconstruit peu à peu, les Etats-Unis, menés par une équipe gouvernementale néo-conservatrice, ambitionnaient de diffuser au monde les valeurs américaines et cherchaient donc le moyen de conserver leur marge de supériorité et leur toute puissance mondiale. Les tragiques évènements du 11 septembre 2001 ont alors permis au Président Bush de justifier une nouvelle vague d’interventions militaires et ainsi le déclenchement d’une nouvelle forme de conflit. En effet, le soir des attentats, M. Bush, fervent chrétien de culture protestante, s’adresse au peuple américain depuis la Maison Blanche ; il promet une réponse des États-Unis et de ses alliés aux attentats en déclarant la guerre contre le terrorisme (war on terror) et contre ce qu’il appellera « l’Axe du Mal ».
. En effet, si les raisons instinctivement citées pour justifier l’intervention militaire américaine en Irak sont la guerre contre le terrorisme et contre Al-Qaïda, les raisons religieuses ont, elles aussi, joué un rôle d’une importance insoupçonnée. Tout d’abord, grâce à la foi chrétienne et à la doctrine du « born again Christian », Bush a largement été soutenu par les communautés chrétiennes évangéliques lors de ses campagnes électorales, mais aussi lors de ses diverses initiatives sur la scène internationale. De plus, le vocabulaire employé par le Président dans plusieurs discours donne le ton : il évoque une « croisade », guerre religieuse par excellence, dans laquelle les Etats-Unis incarnent le « Bien » et luttent contre le « Mal ». Ainsi la religion lui a permis de légitimer les actions entreprises aux yeux de la société civile américaine. Par ailleurs, lors d’un entretien avec Nabil Shaath, ministre palestinien délégué aux Affaires Etrangères, Bush a déclaré : « I am driven with a mission from God. God would tell me, “George, go and end the tyranny in Iraq” And I did. » (« Je suis conduit par une mission de Dieu. Dieu m’a dit, « George, va anéantir la tyrannie en Irak », et je l’ai fait »).
. Depuis leur arrivée sur le sol américain, les populations juives exercent une influence considérable sur la vie économique, culturelle, intellectuelle et politique du territoire. Bien qu’ils ne représentent que 2% de la population américaine mais du fait de leur importante présence sur la scène nationale étasunienne, les populations juives forment un lobby pour légitimer leurs positions et influencer l’opinion publique et les gouvernements. Le plus connu de ces lobbies est l’AIPAC (American Israel Public Affairs Commitee), créé en 1951, en réponse la nécessité de créer un comité pro-israélien suite à la création de l’Etat d’Israël en 1948. Le lobby, qui compte aujourd’hui plus de 100 000 membres, est engagé politiquement et construit des solides relations avec les membres du Congrès américain, qu’ils soient Républicains ou Démocrates, pour s’assurer que l’importance de la relation Etats-Unis-Israël ne soit jamais mise de côté, quelle que soit la situation politique du pays. En effet, l’Etat d’Israël a toujours bénéficié d’une politique étrangère américaine favorable à ses intérêts. Et il est évident que cette situation, aujourd’hui qualifiée d’amitié « indéfectible, éternelle et unique » entre les Etats-Unis et Israël (Obama, campagne présidentielle de 2012) peut s’expliquer grâce l’AIPAC. De la même façon, le lobby se félicite d’avoir bloqué plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unis qui critiquaient, dans une certaine mesure, Israël.
L'amendement Johnson
. Donald Trump a publié le 04 mai 2017, un décret facilitant l'implication des groupes religieux dans la vie politique. Le décret vise à contourner une disposition fiscale nommée l'amendement Johnson, du nom de l'ancien président des Etats-Unis Lyndon Johnson (1963-1969), et à "protéger et promouvoir vigoureusement la liberté religieuse". Cet amendement, qui date de 1954, permet d'exempter d'impôts les associations à but non lucratif, dont les Eglises, à condition qu'elles ne participent pas à des campagnes politiques.
Cette annonce intervient le premier jeudi de mai, qui correspond aux Etats-Unis à la journée nationale de la prière instituée en 1952 sous le président Harry Truman (1945-1953). Ce changement doit aussi permettre à des propriétaires d'entreprises d'agir plus facilement en conformité avec leurs croyances religieuses, comme par exemple refuser de financer la prise en charge de la contraception de leurs employés.
. L'administration de l'ancien président Barack Obama (2009-2017) avait prévu, dans sa loi sur l'assurance maladie, que toutes les entreprises commerciales prennent en charge des moyens de contraception. Mais en 2014, la Cour suprême des Etats-Unis avait jugé que la liberté de religion s'appliquait aussi aux entreprises. La Haute Cour avait alors donné raison à la chaîne familiale de matériels d'arts créatifs Hobby Lobby et à sa librairie religieuse Mardel, ainsi qu'à une petite entreprise de fabrication de placards, Conestoga, qui refusaient, au nom de leurs convictions religieuses, de se conformer à la loi Obama sur l'assurance santé en ce qui concerne quatre moyens de contraception: deux pilules du lendemain et deux types de stérilet, qu'elles assimilent à un avortement.
Des militants LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) craignent pour leur part que l'administration Trump s'en prenne aux droits des minorités sexuelles.
Orientations religieuses et politiques
. Les orientations religieuses et politiques sont historiquement corrélées dans la plupart des pays occidentaux. L’enquête du Pew Research Center de 2015 permet de mesurer l’ampleur de cette corrélation qui demeure très forte et son évolution aux Etats-Unis avec une tendance à s’accroître dans la période récente, c’est-à-dire entre 2015 et l’enquête précédente menée en 2006.
. Tandis qu’aujourd’hui 37% de l’ensemble des personnes interrogées se disent proches des Républicains et 44% proches des Démocrates, ces proportions sont respectivement de 43% et 40% chez les chrétiens de 22% et 64% chez les juifs, de 11% et 63% chez les musulmans et de 22% et 55% chez les personnes sans religion. L’écart entre les personnes de confession chrétienne et les autres est essentiellement dû aux protestants évangélistes, les catholiques se situant, eux, dans la moyenne de l’échantillon.
. Les différences religieuses se retrouvent à propos des attitudes à l’égard de la conception du rôle de l’Etat. Les enquêtés étant incités à choisir entre un Etat plus développé offrant plus de services et un Etat moins développé offrant moins de services, ce sont les évangélistes qui créent la polarisation avec le reste de la population, étant particulièrement hostiles à un Etat actif dans le champ social. Or, non seulement ce groupe est l’un des plus hostiles à ce type d’Etat mais encore il est l’un de ceux où, entre 2006 et 2015, cette hostilité a le plus fortement augmenté (de 16 points contre 7 pour l’ensemble des Américains). C’est cette radicalisation des évangélistes, mais aussi des mormons et des orthodoxes, qui explique l’augmentation de la polarisation politique entre les Républicains et les Démocrates dans cette période. Ainsi, tandis que le choix pour un Etat peu actif dans le domaine social a augmenté de 17 points chez les Républicains, il n’a augmenté que d’un point chez les Démocrates.
. Nous trouvons confirmation de ce clivage de nature religieuse à propos de l’aide gouvernementale aux plus pauvres. Les différences entre les groupes sont du même ordre que vu précédemment avec une polarisation entre des évangélistes majoritairement hostiles à une telle aide et les non chrétiens largement favorables. Cette polarisation ne concerne pas uniquement la politique sociale. Elle s’étend également à la question de l’opportunité des régulations en matière d’environnement. Seuls les évangélistes y sont opposés dans leur majorité, les athées y étant les plus favorables. Du coup, la polarisation entre Républicains et Démocrates s’accroît fortement. Ainsi, tandis que le soutien aux régulations environnementales chute de treize points chez les Républicains, il augmente de trois chez les Démocrates (72% contre 39%).
. On retrouve une telle corrélation à propos des attitudes à l’égard de l’accroissement de l’immigration. Tandis que les évangélistes sont partagés sur la question de savoir si cette augmentation est une bonne chose ou pas, les autres groupes sont clairement favorables à l’immigration.
. On ne s’étonnera pas de constater que ce clivage entre les évangélistes et les autres groupes est particulièrement net à propos de la question du rapport entre science et religion. Seuls les évangélistes n’adhèrent pas à la théorie de l’évolution. Pour eux, la vérité sur la création du monde demeure celle inscrite dans la Bible.
. Il est intéressant de constater que ce phénomène d’accroissement de la polarisation en fonction des attitudes religieuses ne concerne pas les valeurs du libéralisme culturel. Si, par exemple, les catholiques, les juifs et les athées demeurent nettement plus nombreux que les évangélistes et les musulmans à estimer que l’homosexualité devrait être acceptée dans la société, cette acceptation progresse néanmoins fortement dans tous les groupes. De même, mais en sens contraire, on ne mesure d’augmentation significative des opinions favorables à la légalisation totale de l’avortement dans aucun des groupes.
. La diminution des personnes ayant une affiliation religieuse a des implications directes sur l’évolution de la composition des sympathisants du Parti démocrate. Pour la première fois, les personnes sans affiliation religieuse y constituent le groupe le plus important (28%). En revanche, chez les sympathisants républicains, les Evangélistes demeurent le groupe le plus nombreux (38%). C’est donc l’opposition entre ces deux groupes, non affiliés et évangélistes qui structure de manière croissante la polarisation politique actuelle aux Etats-Unis.
Le vote catholique
. Alors que les analystes politiques se sont beaucoup concentrés sur le soutien écrasant des évangéliques blancs à Donald Trump en 2016, la plupart ont négligé de souligner le rôle crucial des catholiques dans les trois États des Grands Lacs, qui ont fait pencher la balance du Collège électoral en sa faveur – la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin. Trump a gagné chacun de ces États par des marges étroites, mais avec un fort soutien des catholiques blancs.
Malgré son rôle crucial dans les élections américaines, le vote catholique reste dans l’ombre des nombreuses analyses consacrées aux électeurs évangéliques. C’est une erreur, car les électeurs catholiques sont une clé des résultats des élections nationales, compte tenu de leur concentration dans les États les plus compétitifs du Collège électoral.
Contexte du soutien catholique à Trump en 2016
. Il y a environ 51 millions de catholiques adultes aux États-Unis, ce qui représente près d’un quart de l’électorat national. Bien que, depuis les années 1980, vote national et vote catholique se suivent de très près à chaque cycle électoral, 2016 a été une exception notable : Hillary Clinton a remporté le vote populaire national, mais Trump a attiré sur son nom la majorité des électeurs catholiques.
Trois facteurs ont aidé Donald Trump à obtenir cette majorité catholique : d’une part, ses appels populistes aux électeurs blancs de la classe ouvrière des États clés de Pennsylvanie, du Michigan et du Wisconsin ; d’autre part, l’absence de la très attendue « vague latino » ; et enfin la longue tendance dans le vote chrétien blanc à soutenir le Parti républicain.
Y a-t-il encore un vote catholique ?
. Pendant de nombreuses années, les catholiques ont largement appartenu à la coalition du New Deal qui a porté le Parti démocrate 30 ans durant. Mais depuis les années 1980, leur vote s’est scindé, en raison de deux facteurs : l’amélioration de leur niveau de vie et la question de l’avortement.
Autrefois composés de la sous-classe immigrée qui s’est installée dans les centres-villes, qui a massivement adhéré aux syndicats et a voté pour le parti démocrate, les catholiques ont progressivement changé de milieu, se sont trouvés mieux éduqués, économiquement prospères, et se sont souvent installés dans les banlieues, devenant plus conservateurs. Avec l’adoption du droit à l’avortement par les démocrates, puis avec la fameuse décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe vs. Wade (qui reconnaît au niveau fédéral le droit à l’avortement des femmes -1973-), de nombreux catholiques ont considéré que le Parti démocrate ne les représentait plus.
Les stratèges républicains ont alors ciblé les catholiques du Nord-Est et du Midwest en insistant sur le thème des « valeurs morales ». Le GOP a réussi à séduire les électeurs « pro-vie » et de nombreux catholiques ont rejoint le parti dans les années 1980 ou sont devenus indépendants.
Les catholiques votent-ils nécessairement pour les candidats catholiques ?
. L’identité catholique commune, si importante dans le passé, n’est plus un facteur déterminant de leur vote. En 1960, le soutien catholique a été sans faille pour le démocrate et catholique John F. Kennedy. Mais, entre 1980 et 2000, un seul candidat démocrate à la présidence a remporté une forte majorité des suffrages catholiques : Bill Clinton, en 1996. Ainsi, avec le temps, cette identité a compté de moins en moins, et en 2004, le candidat démocrate à la présidence, John Kerry, qui était un catholique, a perdu le vote catholique au profit du républicain méthodiste George W. Bush.
Ainsi, les croyances religieuses communes ne seront plus un critère suffisant pour justifier un vote en faveur d’un candidat catholique. D’autant qu’il n’existe pas d’organisation politique unique qui mobiliserait les catholiques en tant que bloc électoral. L’épiscopat américain se montre généralement réticent à donner des consignes de vote, bien que certains évêques essaient ouvertement de le faire. Et quand ils le font, il n’est pas sûr ni prouvé que les catholiques les écoutent, même si le pape François, jouit d’une grande popularité auprès des catholiques aux Etats-Unis. En 2016, le pape avait critiqué ouvertement la position de Trump sur un mur à la frontière avec le Mexique, sans empêcher ce dernier de remporter le vote général des catholiques.
Vote républicain ?
. L’exode catholique hors du Parti démocrate n’a pas signifié un déplacement à grande échelle vers le Parti républicain. Depuis l’éclatement du vote catholique, les démocrates ont substantiellement perdu leur identification catholique, mais les républicains n’ont connu que des gains modérés. Comme le reste de l’électorat, les catholiques sont devenus de plus en plus indépendants vis-à-vis des partis politiques. La tendance générale est à une « républicanisation » accrue des catholiques blancs et à un soutien accru aux démocrates de la part des nouveaux immigrants et des catholiques non blancs.
Si, bon nombre de catholiques blancs ayant atteint un certain succès économique et abandonné les centres-villes ne pensent pas politiquement comme leurs parents et grands-parents, ils se souviennent encore comment les générations précédentes sont arrivées en Amérique et peuvent éprouver de la sympathie pour les immigrants d’aujourd’hui, en particulier les Latinos. En outre, la rhétorique anti-immigration de la campagne de 2016 s’est traduite en une politique migratoire si profondément offensante pour beaucoup d’électeurs latinos que ces derniers ont une claire et forte motivation à s’opposer au locataire actuel de la Maison Blanche.
Sectes ? Religions ?
Le Congrégationalisme
. Le congrégationalisme qui a son origine dans le calvinisme est né de mouvements séparatistes protestants anglais de la seconde moitié du XVI° siècle réfugiés en Europe continentale. Ce modèle qui ne reconnaît que Jésus-Christ comme « évêque » s’oppose aussi bien à l’anglicanisme de l’Eglise anglaise d’Etat qu’au presbytérianisme. Il a été très influent aux Etats-Unis, où les Pèlerins (les Pilgrim Fathers) l’ont implanté dès 1620, surtout dans le Massachusetts. La United Church of Christ y devint la gardienne de la tradition.
Les congrégationalistes des Etats-Unis élaborèrent une organisation qui prévoyait la coopération entre Eglise et Etat, grâce à l’action des magistrats « craignant Dieu » : c’est ainsi que se forma un type de société profondément imprégné de religion. Le Harvard College, créé en 1636, fut sa première institution de formation théologique, tandis que la « Plateforme de Cambridge » de 1648 constitua le document définitif, d’inspiration puritaine, de la « New England Way ». Au moment de la fondation des Etats-Unis, en 1776, le congrégationalisme, avec ses quelques 700 Eglises, était la confession américaine la plus nombreuse.
Les Presbytériens
. L’Eglise presbytérienne, issue des missions de l'Église d'Écosse parmi les premiers colons, est la plus nombreuse et la plus libérale des diverses Eglises américaines qui adhèrent à une forme de gouvernement ecclésiastique dans laquelle l’Eglise est dirigée par des prêtres « anciens ». Ceux-ci gouvernent au moyen d’une série de corps représentatifs : la session ou réunion d’une Eglise locale, le presbytérium au niveau de la région, les synodes couvrant des zones géographiquement plus étendues et enfin, l’Assemblée générale, qui n’a aucun pouvoir, mais est responsable de la mission. Elle comptait environ un 1,3 million de membres fin 2019 aux Etats-Unis, en forte décroissance constante.
Les Baptistes
. Membres de l’une des nombreuses confessions chrétiennes évangéliques, issue d'un « réveil » lancé par le pasteur anglais John Smyth en Hollande en 1609. Même s’ils n’ont pas d’organisation ou de Credo commun, ils sont unis par le baptême des adultes par immersion et l’indépendance de chaque congrégation locale. A partir de 1970, ils ont pris de plus en plus d’importance politique : leur dirigeant laïc Jimmy Carter a été président des Etats-Unis et le mouvement de la Moral Majority, conservateur et fondamentaliste, a influencé la présidence de Ronald Reagan. Ils constituent la confession protestante des Etats-Unis la plus nombreuse ; on compte quelque 35 millions de baptistes aux Etats-Unis appartenant à plus de 50 Eglises différentes, pour environ 100 millions dans le monde.
La Southern Baptist Convention (SBC) est l’Eglise la plus puissante de ce courant aux Etats-Unis. Elle fédère plus de 45.000 églises et revendique plus de 14 millions de fidèles et apportera un soutien souvent aveugle à l’ancien président Donald Trump pendant son mandat. Cet aveuglement « stupéfiant » des responsables de la congrégation vis-à-vis de l’ancien homme d’affaires, dont le comportement personnel est jugé incompatible avec les valeurs religieuses défendues par les baptistes, tout comme leur racisme et leur misogynie, suscitent de plus en plus de controverses au sein même de l’église.
Les Quakers
. Les « trembleurs » sont une société religieuse née vers le milieu du XVII° siècle en Angleterre époque marquée par les luttes religieuses. Ce groupement religieux (appellation officielle actuelle : Société religieuse des Amis) se réclame de George Fox (1624-1691), un esprit visionnaire convaincu que tout homme est conduit au salut éternel par la « lumière intérieure » de la voix de Dieu. Durant les assemblées, silencieuses, le Seigneur descend sur l’un des présents le chargeant de diriger le culte. Cette critique radicale de l’institution ecclésiastique et des hiérarchies sociales attira sur les quakers une série d’accusations et de persécutions.
Beaucoup furent contraints d’émigrer, trouvant refuge en Amérique du Nord où le quaker William Penn (1644-1718) avait fondé un Etat libre, la Pennsylvanie, dont la constitution accordait la pleine liberté religieuse, refusait la guerre, le service militaire, le serment et le mariage religieux. Les quakers y ont développé leurs règles avec le refus de tout sacrement, de la peine de mort, de l’esclavage, de tout type de discrimination, des jeux de hasard et de l’alcool. Ils y prôneront un engagement en faveur des relations entre les cultures et les civilisations, pour un ordre économique et social juste, pour l’égalité juridique des hommes et des femmes, qui ont une place centrale, et pour un traitement humain des malades mentaux. Aujourd’hui, les quakers sont environ 115.000.
Les Méthodistes
. Fondé au XVIII° siècle en Angleterre par les frères Wesley et Whitefield, ce mouvement de « réveil » s’adressait aux couches les plus pauvres de la population, touchées par les effets négatifs de la révolution industrielle et négligées par l’Eglise d’Angleterre. Après avoir, en 1795, rompu avec cette dernière, le méthodisme se développa en une véritable Eglise, fondée sur le principe de de la communauté ecclésiale.
En 1784, se constitua en Amérique une Eglise méthodiste épiscopale indépendante de l’Eglise mère anglaise, qui connut dans le demi-siècle suivant un important succès qui lui valut un nombre d’adeptes dépassant celui du méthodisme anglais. La question de l’esclavage, en 1844, lui donna un coup d’arrêt et conduisit à la formation de l’Eglise méthodiste épiscopale du Sud. Les deux branches ne se réunirent qu’en 1939.
Le méthodisme se caractérise par son activité éducative qui s’est traduite par la création d’écoles et d’universités. L’Église compte 40 millions de membres revendiqués dans le monde. Après des années d’épuisantes querelles théologiques, le 03 janvier 2020, l’Église méthodiste unie – la deuxième plus grande dénomination protestante du pays, avec environ 7 millions de fidèles – a annoncé le lancement d’un plan de séparation (à nouveau) de la Convention baptiste du Sud, plus importante, et conservatrice.
Les Témoins de Jéhovah
. L'histoire du mouvement adventiste des témoins de Jéhovah débute à la fin du XIXe siècle. Créés par Charles Taze Russell (1852-1916), ils voient le jour à Pittsburg-Allegheney (Pennsylvanie) dans les années 1870. Leur nom était alors les « Étudiants de la Bible ». Son origine est liée aux différents « réveils » qui ont marqué l’histoire religieuse américaine du XIX° siècle. C'est en juillet 1879 que paraît le premier numéro du périodique La Tour de garde, dont les Témoins discutent lors de leurs rassemblements. Le successeur de Russell, Joseph Rutherford a restructuré radicalement l’organisation, en imposant un système théocratique rigide et proposa la dénomination actuelle. La direction, composée de « treize anciens » à son siège à Brooklyn.
S'ils se revendiquent chrétiens, les témoins de Jéhovah ne croient pas en La Trinité. En revanche, ils reconnaissent l'histoire de Jésus. Jéhovah est le nom qu'ils donnent à Dieu. On peut traduire ce terme par « L'Éternel » ou « Je suis ». Selon leurs croyances, seuls les témoins de Jéhovah seront sauvés lors de la fin du monde (l'Armageddon). Bien que les diverses dates annoncées jusqu’ici pour cette fin du monde se soient avérées fausses, les témoins de Jéhovah conservent leur conception eschatologique de type millénariste.
Selon eux, le mariage et la famille sont les fondements essentiels de la vie. Ils ne baptisent pas les nouveau-nés, mais seulement les adultes en âge de comprendre l'enseignement et la parole de Dieu. Ils sont contre l'avortement, par respect pour le caractère sacré de la vie. Ils refusent les transfusions sanguines, le sang étant, pour eux, à l'origine de la vie. Ce qui les oppose périodiquement aux autorités publiques, même s’ils ont obtenu la reconnaissance juridique d’un nombre croissant de pays (l’Italie étant le premier). Ils sont connus pour leur code de pureté strict, leur isolement social, leur refus inconditionnel de toute forme de service militaire.
Les témoins de Jehovah se réunissent souvent dans leur salle de culte (la salle du Royaume) et les « proclamateurs » diffusent une nombreuse presse de propagande par du porte à porte, une pratique obligatoire selon la Bible ! Leur seule fête religieuse est le Repas du Seigneur, souvent appelé le Mémorial de la mort du Christ, soit le 14e jour après la nouvelle lune la plus proche de l'équinoxe du printemps. À noter qu'ils ne fêtent pas les anniversaires.
Les Etats-Unis comptent plus de 1,2 million de « proclamateurs » sur un total revendiqué près de 8.683.117 (!) de membres actifs dans le monde entier.
Les témoins de Jéhovah ont souvent été accusés de dérives sectaires, notamment en raison de leur prosélytisme ; mais ils estiment pratiquer la religion chrétienne telle qu'elle devrait véritablement l'être. A noter qu’en 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu une décision dans laquelle elle confirme qu'ils peuvent bénéficier des exonérations d'impôts accordées aux autres religions.
Les Evangéliques et Pentecôtistes.
. Aux sources du pentecôtisme, un des mouvements évangéliques, l’histoire se mêle à la légende. Une date revient sans cesse : le 1er janvier 1901. Date véridique avec son très fort caractère symbolique. Ce jour, symbolise le « renouvellement du calendrier humain », mais il signale du même coup le renouveau de l’action de Dieu dans l’histoire de l’humanité. Un renouveau qui serait le fait de l’Esprit.
Depuis les années 1850, les États-Unis sont traversés par une nouvelle vague de réveil religieux. La ruée vers l’Ouest s’accompagne de nombreuses campagnes d’évangélisation, le plus souvent menées dans des « revival tents », ces vastes chapiteaux pouvant accueillir des centaines, voire des milliers de personnes. Ce grand réveil se déroule dans une atmosphère de fin du monde. Beaucoup de chrétiens sont alors persuadés que le retour du Christ est imminent. De nombreuses discussions portent autour de la meilleure façon d’atteindre la perfection, qui seule permettra d’être élevé au ciel.
En 1900, à Topeka, capitale du Kansas, peuplée à l’époque de quelque 30.000 âmes, un prédicateur méthodiste revivaliste, Charles Fox Parham (1873-1929), fonde un institut biblique visant à promouvoir une nouvelle compréhension de l’action de l’Esprit de Dieu, une nouvelle naissance – on parle de born again christians, des chrétiens “nés de nouveau”. Par celle-ci, qui doit résulter d’une décision personnelle, le chrétien choisit de se détourner du péché et de remettre sa vie entre les mains du Christ. Grâce au Saint-Esprit, le don des langues devient une troisième bénédiction. Une étudiante, Agnes Ozman, “baptisée dans l’Esprit, une gloire tomba sur elle”, et trois jours durant, n’a–t-elle pas parlé en “chinois” ? Cet événement fondateur du pentecôtisme se serait déroulé le 1er janvier 1901. L’Esprit Saint, suscite des signes, en particulier le chant en langues, ou glossolalie – le fait de prononcer une suite de syllabes incompréhensibles pouvant faire penser à une langue étrangère. Ces « charismes », qui évoquent ceux reçus par les apôtres à la Pentecôte, sont autant de dons spirituels.
Parmi les étudiants de Parham, un certain William J. Seymour (1870-1922), un pasteur noir originaire de Louisiane, fils d’anciens esclaves, est contraint de suivre les cours de Parham par la fenêtre. Cela ne l’empêchera pas, quelques années plus tard, de partir répandre l’enseignement de ce dernier à Los Angeles, en Californie. Il va prêcher sans interruption pendant trois ans, sept jours sur sept, parfois jusqu’à trois fois par jour, notamment dans les semaines qui suivent le grand séisme de San Francisco, le 18 avril 1906. Le succès est tel que Seymour décide d’investir un entrepôt désaffecté pour tenir ses cultes. La rue où était situé cet entrepôt, Azusa Street, donnera même son nom à ce premier “réveil” pentecôtiste.
Les pentecôtistes sont un groupe religieux en forte expansion constante avec la multiplication des Églises (des mega-churches ou campus), groupes et mouvements issus notamment de l’immigration américaine. Les pasteurs y sont vus comme des « prophètes » et les fidèles comme des « apôtres ». Ces mots, à la forte portée symbolique, légitiment le pouvoir des pasteurs sur des populations en quête d’ascension sociale, de bonne santé, d’épanouissement financier et matériel. Au cœur de leur message, on trouve l’idée que « l’Évangile doit être puissant » et se manifester par « des signes et des prodiges ». C’est dans ce courant que se développe parfois, la théologie de la prospérité, selon laquelle la bénédiction de Dieu se manifeste par la réussite matérielle. Elle séduit des fidèles à qui est promis le bonheur en échange de la confiance aveugle dans leur pasteur, qui peut être simplement quelqu’un ayant besoin de faire subsister son église, mais dont la moralité peut s’avérer douteuse.
Les évangéliques, adeptes d’un fort prosélytisme, seraient environ 93 millions aux Etats-Unis, soit 15% des 650 millions dans le monde (plus du quart des chrétiens), dont 550 millions de fidèles pentecôtistes (nombre multiplié par 6,5 en 50 ans !)
Les Mormons
. Cette secte adventiste, l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a été fondée par un jeune fermier américain Joseph Smith (1805-1844) dans l’atmosphère de l’Amérique du début du XIX° siècle marquée par le « second réveil » de la foi (le revivalisme), en proie à la ferveur des prédicateurs.
. Un jour, alors âgé de 14 ans, Smith reçoit une visite extraordinaire, celle de Dieu, qui lui confie une mission de taille : rétablir sur terre la « vraie » Église, dans le but de préparer le retour du Christ. Voilà le point central du mormonisme : le Christ reviendra parmi les Hommes- aux États-Unis, bien sûr - pour y établir un royaume de mille ans de bonheur (d’où le nom de religion « millénariste »).
Plus tard, le 21 septembre 1823, Smith reçoit la visite d’un ange du nom de Moroni. Il lui révèle l’existence d’un livre sacré qui parle d’un peuple d’origine hébraïque ayant vécu en Amérique il y a très longtemps, et à qui le Christ a enseigné l’Evangile. Le texte est écrit dans une langue inconnue, sur des tablettes d’or. Après les avoir déterrées, Smith les traduisit en anglais à l’aide de deux pierres magiques nécessaires à la compréhension de « l’égyptien réformé ». Il met ainsi au jour le Livre de Mormon, l'un de leurs ouvrages canoniques. Les écritures mormones se composent de la Bible (Version King James), du Livre de Mormon, qui constitue une sorte de troisième testament, de La Perle du grand Prix (une sélection d’écrits de Joseph Smith) et des Doctrines et Alliances. Il le publia pour la première fois en 1830. Mormon, un prophète qui, selon le document, aurait vécu de 311 à 385 apr. J.-C. sur le continent américain., un des derniers personnages du livre, aurait compilé ces écrits.
Le 06 avril 1830, à Fayette, dans l’Etat de New-York, Joseph Smith fonde « l’Église de Jésus-Christ » qui deviendra « l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ». Mais les escarmouches se multiplient entre ce fervent prédicateur d’une religion nouvelle, les autres croyants ou bien les dissidents de son propre camp. Smith fera près d’une trentaine de passages en prison. Le 27 juin 1844, alors qu’il se trouve incarcéré, à Carthage, sous le coup de différentes accusations, dont celle de polygamie, Joseph Smith est mis à mort par la foule qui a pris d’assaut la prison.
. En 1839, les Mormons avaient migré vers l’Ouest, quittant le Missouri pour l’Illinois, où Smith avait construit une nouvelle ville, Nauvoo. A la mort du fondateur Smith, un Conseil des Douze Apôtres administre l’Église et choisit Brigham Young (1801-1877) comme successeur à la tête du mouvement religieux. À Nauvoo, la violence est telle qu’il faut fuir encore plus à l’Ouest. Young conduit des milliers de fidèles sur 1.800 kilomètres entre 1846 et 1847. Un exode qui les conduit jusqu’au Grand Lac Salé, alors en territoire mexicain. Ils s’y installent et fondent la ville de Salt Lake City, dans l’actuel Utah.
. Une de leur pratique, proclamée en 1852 et condamnée par le Congrès américain, entrave leur tentative d’obtenir le statut d’État : la polygamie. Les tensions entre Young et les agents fédéraux culminent lors du massacre de Mountain Meadows en 1857. Un groupe de Mormons s’en prend violemment aux passagers d’un train qui traverse la région. C’est grâce à l’intervention du gouverneur Alfred Cummings, envoyé par le président James Buchanan, que la paix pourra s’installer en territoire mormon.
. S’ils s’appuient sur la Bible, les Mormons ne peuvent être considérés comme des chrétiens car ils refusent d’adhérer au Credo de Nicée. Ils croient en Jésus-Christ et pensent aussi que l’Homme doit se repentir du péché originel, mais ils rejettent l’un des piliers du christianisme : la Trinité. Ils conçoivent l’union du Père, du Fils et du Saint-Esprit, mais considèrent ces entités distinctes les unes des autres. Autre point de divergence, l’homme ayant été créé à l’image de Dieu, les Mormons pensent que Dieu était un homme avant d’atteindre la divinité. Ainsi, ils pensent pouvoir eux-mêmes l’atteindre.
Ils établissent un Etat théocratique, un « Royaume de Sion », dans lequel un système coopératif fait de socialisme religieux, « l’Ordre uni d’Enoch », confond les pouvoirs ecclésiastiques, politiques, judiciaires et économiques. Cette phase pionnière cessa en 1890, quand les mormons décidèrent de se soumettre aux lois fédérales, renonçant notamment à la polygamie, facteur fondamental de la croissance et de la diffusion du mouvement.
. Dès lors, les mormons se concentrent sur la famille, aussi bien dans la vie sur terre que dans celle d’après car ils pratiquent par procuration le baptême des morts et le mariage éternel. Ils s’intéressent de près à la généalogie. Commence une phase d’américanisation qui conduisit le mormonisme à devenir une religion représentative des valeurs américaines. Contrairement aux Amish, qui refusent tout progrès, les Mormons sont tournés vers la modernité et cherchent à s’adapter à la société. À tel point qu’un de leur membre a remporté l’investiture du parti républicain pour l’élection présidentielle de 2012. Mitt Romney s’est ensuite incliné face à à Barack Obama mais, pour la première fois, un Mormon était en position de gagner la Maison Blanche.
. Chaque fidèle donne 10% de ses revenus à l’église. Le premier dimanche de chaque mois, c’est jeûne obligatoire midi et soir. Ni nourriture, ni liquide. En règle générale, les produits excitants tels que les drogues, l’alcool, le tabac, le thé et le café sont proscrits. Le prosélytisme est un passage obligé. À partir de 19 ans pour les garçons, et de 21 ans pour les filles, les jeunes Mormons doivent partir en mission pendant deux ans.
. Les mormons sont aujourd’hui quelque 16 millions, dont plus de 6 millions aux Etats-Unis, et grâce à une activité missionnaire systématique et ramifiée, ils sont présents sur tous les continents. La première version en français du Livre de Mormon date de 1852. En 2008, la publication du livre avait atteint 140 millions d'exemplaires et il avait été traduit dans 107 langues.
Comment les saints des derniers jours influencent le management mondial
. L’influence des Saints des derniers jours, sur le management, aux États-Unis et plus largement dans le monde, peut être considérée comme une sorte de « miracle », d’autant plus qu’ils ne représentent que 2 % de la population américaine et 0,2 % de la population mondiale. Une surprenante proportion d’entre eux deviennent en effet des leaders managériaux ou politiques en plus d’être des leaders religieux. Le sénateur Mitt Romney est l’exemple le plus connu à avoir accumulé plusieurs fonctions de dirigeant dans ces trois domaines.
Que ce soit dans le monde académique ou dans celui des affaires, les principes managériaux des Saints des derniers jours semblent avoir un retentissement hors norme et leur permettent d’obtenir des résultats remarquables.
Selon l’historien Stephen Mansfield, les saints des derniers jours ont atteint « des sommets inattendus dans la société américaine » parce que leur religion, une de celles dont la croissance est la plus rapide, « peut être appelée avec bienveillance une machine mormone, un système de responsabilisation individuelle, d’investissement familial » qui repose sur « une communauté inclusive ». Pour lui, l’Église aide ses membres « à prospérer dans les systèmes administratifs et les hiérarchies, une clé essentielle du succès dans le monde moderne ».
. Une influence sur le monde académique
- Les valeurs religieuses caractéristiques des mormons ont modelé la Harvard Business School, dirigée par un de ses membres, Kim B. Clark, de 1995 à 2005. Son décanat est caractérisé par des attributs tels que la compassion, l’intégrité et l’honnêteté. Clark a également réorienté la stratégie de l’école vers un enseignement basé sur des études de cas et un apprentissage par l’action, ainsi que les paraboles et les jeux de rôle souvent pratiqués dans l’Église.
- Clayton M. Christensen (1952-2020), un autre mormon, a ensuite été titulaire de la Chaire « Kim B. Clark en administration des affaires » de Harvard. Comme Clark, Christensen est l’auteur de plusieurs best-sellers et a inventé, en 1997, le concept d’« innovation disruptive » dans son ouvrage Le dilemme de l’innovateur. Classé 4 fois dans le top 3 des penseurs en management entre 2011 et 2017, dont 2 fois premier, ce gourou de l’innovation aurait influencé l’emblématique patron d’Apple Steve Jobs, le cofondateur de Netflix Reed Hastings et celui d’Intel Andrew Grove.
. Deux siècles de saga managériale
L’approche managériale des mormons est le fruit de leur histoire, faite à la fois de persécutions et d’extraordinaires success stories. Il s’agit d’une véritable « saga » au sens stratégique du terme. Les persécutions leur firent vivre leur religion avec davantage d’intensité, en développant l’esprit de labeur et de cohésion ainsi qu’une résilience hors du commun face à l’adversité. Les saints des derniers jours ont en outre un héritage de bâtisseurs, ayant fondé de nombreuses grandes villes de l’ouest des États-Unis.
- Abraham O. Smoot est l’un des premiers mormons qui a eu beaucoup de succès dans les affaires. Baptisé à 20 ans, en 1835, il rejoint Salt Lake City dans l’Utah en 1847 et en devient le deuxième maire de 1857 à 1866. Puis, à la demande du président de l’Église, il s’installe dans la ville voisine de Provo dont il devient également maire de 1868 à 1880. Il y dirige plusieurs entreprises et crée deux banques. Il finance la construction de routes, de voies de chemin de fer, de bâtiments religieux, ainsi que la première université de l’Utah, The Brigham Young Academy, qui deviendra Brigham Young University.
- John Moses Browning est né en 1855 dans une dynastie de pionniers mormons. Dès ses six ans, John travaille dans l’atelier de son père, armurier du Tennessee converti en 1842. À 22 ans, il crée la Browning Arms Company où il conçoit presque toutes les armes utilisées par les soldats américains durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le pistolet 9 mm semi-automatique hi-power utilisé par la police dans le monde entier. Il vendra plus de 120 brevets, d’abord à l’armurier américain Winchester, puis à la Fabrique Nationale Herstal à Liège en Belgique.
- Au cours de leurs aventures entrepreneuriales, les Browning s’associent avec les Eccles, autre grande dynastie de mormons dont est issu le banquier Marriner Stoddard Eccles. Contemporain et précurseur de John Meynard Keynes, il concevra le volet économique du New Deal de Franklin. D. Roosevelt. Il est à l’origine de la philosophie qui sous-tend le fonctionnement et l’indépendance de la Réserve fédérale (Fed) dont il est le chairman de 1934 à 1948. À ce titre, en 1944, il représente les États-Unis à la Conférence de Bretton Woods qui donne naissance au système monétaire international incarné par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).
- En 1927, John Williard Marriott Senior a fondé le groupe Marriott Corporation, devenu Marriott International en 1993. Fils de berger ayant connu l’extrême pauvreté, il s’est lancé dans l’entrepreneuriat en créant un stand de boisson et a ensuite développé son entreprise pour en faire une chaîne de restauration et d’hôtellerie. Sa recherche de la perfection lui a permis de léguer en 1985 à son fils Bill la gestion de 1.400 restaurants, 143 hôtels et deux parcs d’attractions, en plus d’une aura légendaire typique de l’american dream. Sous la direction de son fils Bill Marriott, le groupe poursuit sa croissance, devenant le plus grand groupe hôtelier du monde avec un chiffre d’affaires de 21 milliards de dollars en 2019, grâce à 1,48 million de chambres dans 8.000 propriétés de 30 marques présentes dans 139 pays. Marriott International représente 7 % des hôtels dans le monde et 22 % des constructions.
- Jon Huntsman, Sr., fondateur du groupe pétrochimique Huntsman Corporation devenu milliardaire grâce à des dizaines d’inventions dont de nouveaux types d’emballages. Ce philanthrope a également créé l’Institut du cancer de l’Université de l’Utah qui porte son nom.
- Président du Conseil d’administration de Huntsman Corporation pendant de nombreuses années, Nolan D. Archibald, est devenu, à 42 ans, le président-directeur général du géant américain de l’outillage Black & Decker et le plus jeune dirigeant d’une des 500 plus grandes entreprises américaines (Fortune 500). Il restera à ce poste pendant 24 ans.
- On citera également Edwin Catmull, génie des effets spéciaux et de l’animation graphique 3D, co-fondateur et président de Pixar et de Walt Disney Animation Studios de 2006 à 2019.
- David Neeleman est un serial entrepreneur américano-brésilien fondateur de cinq compagnies aériennes : (1) JetBlue, une des plus grandes compagnies aériennes nord-américaines low cost ; (2) WestJet, deuxième compagnie aérienne canadienne derrière Air Canada ; (3) Morris Air, compagnie low cost vendue à Southwest Airlines en 1993 ; (4) Azul Brazilian Airlines, plus grande compagnie aérienne brésilienne en nombre de vols ; et (5) Breeze Airways, lancée en mai 2021, en pleine pandémie, qui connecte des aéroports américains secondaires peu desservis. David Neeleman rappelle souvent qu’en plus de son activité professionnelle intense, il est le père de dix enfants qui sont sa priorité.
- Mitt Romney, co-fondateur de la société de gestion d’actifs Bain Capital, qui a fait de lui un multimillionnaire, est devenu mondialement célèbre pour s’être présenté à la présidence des États-Unis en 2012 face à Barack Obama.
Si ces succès peuvent paraître exceptionnels, l’Utah, dont 55 % de la population adulte est membre de l’Église de Jésus-Christ, est le premier état des États-Unis en termes de création d’emplois en 2022, avec 3,5 % d’emplois créés sur une année et un taux de chômage à 2,1 % en septembre 2022, pour une moyenne nationale à 3,7 %. Les secteurs les plus dynamiques sont la vente, la construction, les services publics, les transports et surtout les technologies digitales avec la fintech, la biotech ou l’aérospatiale. Les créations d’entreprises dans tous les secteurs y sont particulièrement nombreuses. L’Utah est aussi de très loin l’état américain qui a le mieux géré la pandémie de Covid-19 selon le Wall Street Journal, preuve de résilience face aux crises.
. Foi, révélation, bienveillance, unité et famille
L’élément le plus important pour comprendre les pratiques managériales des mormons est la puissance de leur foi, qui pour eux à réellement le pouvoir de déplacer des montagnes, c’est-à-dire métaphoriquement de leur permettre de réaliser l’impossible. Le pouvoir de la foi permet aussi de surmonter les épreuves, et même de les considérer comme des bénédictions car elles stimulent la progression et l’acquisition de nouvelles compétences.
Les mormons croient en la révélation continue et ils communiquent avec Dieu grâce à plusieurs prières quotidiennes. Tous les managers interrogés dans notre étude ont indiqué qu’ils avaient besoin de consulter Dieu pour les aider à faire certains choix professionnels.
Quand ils rencontrent le succès, les mormons l’attribuent à la main de Dieu qui les a guidés. Ils affirment qu’ils peuvent même aller contre leurs raisonnements pour suivre les conseils divins et leur intuition.
Les managers mormons revendiquent une certaine bienveillance envers leurs collaborateurs, leurs clients et la société en générale, ainsi que la volonté d’exercer une influence positive sur le monde. Si les managers interrogés sont conscients que l’on peut abuser de leur gentillesse et qu’elle peut être prise pour de la faiblesse, ils ne la conditionnent pas à une forme de réciprocité. Si cette bienveillance implique la patience et le pardon, celle-ci ne tolère pas la mise en péril de l’entreprise et ne doit pas se transformer en laxisme.
Une autre clé pour comprendre les pratiques managériales des mormons est la place essentielle de la famille dans leur vie. Beaucoup d’entre eux travaillent en famille, avec leur conjoint, leurs enfants, leurs frères et sœurs ou des personnes plus éloignées. Les managers interrogés tentent aussi de créer un esprit de famille dans leur entreprise. Ils accordent à leurs collaborateurs une flexibilité exceptionnelle afin de privilégier leur vie personnelle par rapport à leur vie professionnelle.
Cependant, la diversité sous toutes ses formes est extrêmement importante. Lesmormons n’hésitent pas à recruter des personnes complètement étrangères à leur communauté, mais qui partagent un même socle de principes professionnels. Par leur comportement, ces leaders éthiques parviennent à susciter la reconnaissance, la confiance, la loyauté et la fidélité de leurs collaborateurs qui en retour cultivent autonomie, engagement, solidarité et unité au travail.
Le cas « Trump »
. Dans un sondage publié fin janvier 2016, donc avant l’élection de Donald Trump, l'institut Pew Research Center souligne qu'« être athée reste le plus gros des handicaps pour un candidat à la présidentielle» aux États-Unis. La moitié des Américains (51%) sont moins susceptibles de voter pour un candidat qui «ne croit pas en Dieu ». Le républicain Donald Trump est justement perçu par une majorité d'Américains (60%) comme « pas » ou « pas du tout » religieux. L'homme d'affaires, qui a reçu une éducation presbytérienne, mais qui n'est pas pratiquant, est jugé de même par 47% des républicains, un électorat qui comporte une forte part d'évangéliques blancs, sensibles à l'identité religieuse des candidats et à leurs valeurs morales.
Donald Trump, candidat le moins religieux
. Pourtant, Donald Trump caracole toujours en tête des sondages de son parti, et ne paraît pas souffrir d'un handicap religieux. Au contraire, le milliardaire a reçu le soutien de Jerry Falwell Jr, pasteur et recteur de l'université évangélique Liberty, en Virginie, où il s'est rendu pour délivrer un discours. « Étrangement, Donald Trump est considéré comme le candidat le moins chrétien, mais beaucoup d'évangéliques ne lui en tiennent pas rigueur », estime Lauric Henneton, universitaire et auteur d'une Histoire religieuse des Etats-Unis. « Ils lui préfèrent ses qualités de leadership aux valeurs morales ».
Pour Matthieu Sanders, pasteur baptiste franco-américain à Paris, la réalité de cet engouement évangélique pour Donald Trump est plus complexe. « Qui est prêt à voter pour lui ? Essentiellement les classes ouvrières et les milieux populaires blancs. Beaucoup se considèrent évangéliques, mais la plupart ne sont pas pratiquants. Ils votent surtout par sentiment d'abandon des élites », affirme-t-il. « Il est intéressant de voir qu'à l'exception de quelques pasteurs, les principaux leaders évangéliques ont pris position contre Donald Trump », note encore Matthieu Sanders. Un des chefs de file de la Convention des baptistes du Sud, la principale Eglise évangélique américaine, Russell Moore, a ainsi appelé à faire barrage au candidat, à cause de son discours sur l'immigration. Le magazine évangélique de référence Christianity Today a estimé quant à lui que les positions de Donald Trump « menaçaient l'Évangile ». « Il y a un fossé entre les évangéliques éduqués, qui le rejettent, et ceux des classes populaires, qui sont plus enclins à le soutenir », décrypte Matthieu Sanders.
Selon l'universitaire Lauric Henneton, Donald Trump est conscient de ses limites sur l'électorat évangélique: « Pour lui, il ne s'agit pas de gagner le vote religieux, mais de limiter les dégâts, pour éviter que Ted Cruz, conservateur évangélique affiché, ne prenne trop de place. Le candidat Marco Rubio fait le même calcul ». Le facteur religieux demeure déterminant pour l'emporter dans les États du Sud, comme le Mississippi, le Tennessee, et l'Alabama, où la population évangélique blanche est très forte. « Les élections américaines se jouent sur la mobilisation de certains groupes. Les évangéliques blancs sont en déclin, mais ils votent beaucoup plus que les autres. Voilà pourquoi le facteur religieux reste déterminant à certains endroits », conclut-il.
Trump triomphe chez les évangéliques blancs et remporte le vote catholique
. Selon les sondages à la sortie des bureaux de vote, le nouveau président des États-Unis a rassemblé plus de 80 % des voix des évangéliques blancs. Les catholiques américains, eux, ont également voté majoritairement pour le vainqueur, déjouant les pronostics. Les électeurs sans religion ont largement choisi Hillary Clinton.
. Sa campagne outrancière semblait rebuter nombre de chrétiens américains. Des intellectuels catholiques s’étaient opposés publiquement à lui, de même que de nombreux pasteurs protestants. L’incertitude aura régné jusqu’à la dernière minute, mais au final, les chrétiens ont choisi Donald Trump.
Selon un sondage mené par différents médias à la sortie des bureaux de vote, le triomphe du nouveau président des États-Unis est sans partage auprès des évangéliques blancs : 81 % de cet électorat, traditionnellement très favorable au candidat républicain, a choisi Donald Trump. Sur l’ensemble des protestants la victoire du candidat républicain reste nette, avec 60 % pour Donald Trump contre 37 % pour Hillary Clinton.
. Le vote catholique est beaucoup plus serré, mais penche également en faveur de Donald Trump. En effet, selon les chiffres de CNN, le candidat républicain l’emporterait chez les catholiques américains, avec 52 % des voix contre 45 % pour Clinton.
Ces chiffres, qui restent à confirmer, déjouent les pronostics. Les propos de Donald Trump sur les immigrés, sa faible religiosité personnelle et sa passe d’armes avec le pape François autour de la question du mur à la frontière mexicaine semblaient avoir poussé nombre de catholiques dans les bras d’Hillary Clinton. Le Vatican a d’ailleurs réagi avec une certaine circonspection, mercredi 9 novembre, à la victoire de Donald Trump. De plus, la moitié de l’électorat catholique, qui représente en tout 20 % des électeurs américains, est d’origine hispanique.
Les électeurs juifs, eux, ont largement plébiscité Hillary Clinton, qui remporte 71 % de leurs voix contre 24 % pour le vainqueur. De même, les personnes sans religion ont choisi, à 68 %, la candidate malheureuse.
L'imposant conseil évangélique de Donald Trump
. Ils travaillent dans l'ombre et ne sont pas tous connus des Américains. Paula White, Kenneth Copeland, Michele Bachmann, Robert Jeffress et 20 autres personnes font partie d‘un cercle restreint qui conseille Donald Trump en matière de religion, mais pas seulement.
. En août 2017, le pasteur Robert Jeffress déclarait que « Dieu a donné à Trump le pouvoir d'éliminer Kim Jong-un. » Quelques mois plus tard, après l'attentat de Las Vegas, la pasteur Paula White qualifiait cet acte de « purement maléfique » et rappelait que « Dieu est proche de ceux qui ont le cœur brisé ». Termes issus mots pour mots d'un discours de Donald Trump. Le point commun entre ces deux personnalités? Elles font partie du conseil évangélique consultatif du président. Paula White est même considérée comme sa principale conseillère spirituelle.
. Mais Jeffress et White ne sont pas les seuls. En tout, 24 personnes forment l'evangelical advisory board du président américain. Et il n'est pas composé que de pasteurs. Des personnalités politiques comme l'ancienne candidate à la primaire républicaine Michele Bachmann, des auteurs, des avocats entourent le président. Mais tous se retrouvent dans la foi. En témoigne ce moment de recueillement capturé et tweeté en juillet dernier par un autre membre du conseil évangélique, Johnnie Moore, un consultant religieux auquel plusieurs présidents des États-Unis ont déjà fait appel. Quelques membres de ce cercle sont présents sur la photo qui a été beaucoup détournée par la twittosphère.
Johnnie Moore : “Such an honor to pray within the Oval Office”
. Qu'un président ou même un homme politique s'entoure de conseillers spirituels n'a rien de nouveau aux États-Unis. Les démocrates, y compris Barack Obama, l'ont fait. Mais Trump est le premier président américain à s'entourer d'autant de conseillers religieux. « C'est un peu un Inventaire à la Prévert » note Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste de la politique des États-Unis. Il précise que Trump s'inscrit ainsi dans la lignée du 40e président des États-Unis, Ronald Reagan. « Pendant ses huit ans à la Maison-Blanche, il avait de très nombreux conseillers spirituels pour l'aider à faire une politique guidée par Dieu. [...] C'est avec Reagan que se produit cette remise en tension du religieux dans le politique. Depuis, l'influence des évangéliques n'a cessé de croître dans le champ politique. Et Trump, paradoxalement aujourd'hui, renforce cette évolution. »
Le professeur agrégé insiste sur le fait que toutes ces personnalités sont de « grandes figures de l'évangélisme blanc conservateur ». Tous se positionnent contre l'avortement et contre le mariage entre personnes de même sexe, avec plus ou moins de virulence: Michele Bachmann, avant de se lancer en politique, avait ainsi fondé avec son mari une clinique chrétienne qui cherchait à soigner l'homosexualité.
Echange de bons procédés
. Ce conseil religieux est purement informel. « On ne sait d'ailleurs pas très bien quand il se réunit », note Corentin Sellin. Tous les conseillers peuvent être sollicités par le président sur des sujets comme « comment réagir au moment d'attentats ». Mais les déclarations de Robert Jeffress sur la Corée du Nord montrent que Trump peut aussi solliciter son conseil religieux sur des questions diplomatiques. Et beaucoup étaient opposés à l'Obamacare avant que les procédures pour abroger cette loi ne soient engagées. Mais les 24 évangéliques n'ont aucun pouvoir décisionnel.
Donald Trump avait mis en place ce comité en mai 2016, alors qu'il était en bonne voie pour remporter la primaire républicaine et juste avant une rencontre avec les chefs évangéliques républicains. Ces derniers voulaient tester ses valeurs chrétiennes. Car bien que son colistier et aujourd'hui vice-président, Mike Pence, soit lui-même évangélique, Donald Trump est presbytérien. Et le président n'est pas spécialement connu pour ses valeurs chrétiennes républicaines, après trois divorces, une couverture dans Playboy et … un passage chez les démocrates ... « Pour Trump, être entouré de toutes ces figures, c'est se crédibiliser, explique Corentin Sellin. C'est dire à cette droite : “Je suis vraiment de votre côté” » Et ça a fonctionné puisque 81% des évangéliques ont voté pour Donald Trump à l'élection présidentielle.
. La moitié de ces conseillers occupe la fonction de pasteur. Plusieurs sont télévangélistes, ils animent des émissions de télévision et prêchent dans des mega-churches, des super-églises pouvant rassembler des milliers de personnes. Bien que ce ne soit pas forcément le cas de tous les télévangélistes, certains - comme Kenneth Copeland, membre du conseil évangélique - véhiculent l'idée que donner de l'argent à leurs œuvres apportera une bénédiction de Dieu.
Ces personnalités gèrent avant tout une entreprise et sont des hommes et femmes d'affaires. « Et donc commercialement, être à la Maison-Blanche, c'est un argument de vente, insiste le spécialiste. Et d'autre part, c'est la garantie d'avoir un accès direct au pouvoir central et l'espoir d'influencer les décisions de Donald Trump. » Faire partie du conseil religieux du président est finalement un échange de bons procédés où chacun est gagnant. Les grands noms comme les inconnus en perte de vitesse bénéficient d'un tremplin doré.
Pour 229 dollars, la pasteure de Trump promet la victoire à ses fidèles.
. La télévangéliste Paula White, 53 ans, conseillère spirituelle de Donald Trump, a depuis octobre 2019, à la Maison Blanche, un poste de liaison entre le gouvernement et les associations religieuses. Elle a été gratifiée de la direction de la Faith and Opportunity Initiative, un lobby créé par décret en 2018. Amie fidèle de Donald Trump depuis 2002, avec lequel elle a plusieurs points en commun, elle a déclaré à son sujet: « Il a le contrôle de la situation. Il n'est pas du tout impulsif ; il a une longueur d'avance sur tout le monde, c'est un penseur stratégique. » Elle possède une villa extravagante en Floride, où, télévangéliste elle exerçait jusqu’alors ses talents. Touchée par la foi à 18 ans, Paula White, controversée, mariée trois fois, ancienne pasteure d’une méga église emportée par la faillite dans le Maryland avec une dette de 29 millions de dollars, prêche une théologie de la prospérité disposant que l’aisance financière traduit une reconnaissance divine. Laquelle doit impérativement être entretenue par une dîme encaissée par les ministres du culte, un véritable modèle économique.
Paula White continue cependant son travail de prédicatrice: à travers ses livres, CDs et émissions télévisées (elle a même une application mobile). Selon sa doctrine, considérée comme une hérésie par de nombreux chrétiens, la foi est un moyen de s'enrichir. La pasteure envoie régulièrement des newsletters à ses fidèles et pour le mois de novembre, elle a décrété que le thème serait « la défaite contre vos ennemis ! », bataille qui nécessite … des dons. Ainsi pour recevoir des « instructions prophétiques » permettant d'atteindre cette victoire, Paula White demande 229 dollars, un chiffre qui correspond au chapitre 22:9 du livre des Chroniques de la Bible, un passage qui parle d'ennemis.
« Je crois que Dieu a été très clair quand j'ai reçu le message selon lequel donner une graine de 229 dollars peut briser toutes les chaînes », écrit White dans la newsletter. « C'est une graine spécifique, les nombres sont importants pour Dieu. »
Pour ceux et celles qui n'ont pas les moyens, la pasteure propose une alternative : donner 31 dollars, soit le total obtenu quand on additionne 22 et 9.
En échange de ces contributions, Paula White envoie des enseignements spécifiques ainsi que de l'huile d'onction qu'elle a personnellement bénie : « Il faut que vous appliquiez l'huile d'onction sur votre tête, vos proches, votre maison, votre voiture, même votre carnet de chèques, précise-t-elle. Partout où vous êtes attaqués ! »
« Trump a été choisi par Dieu »
. C’est Rick Perry, ministre sortant de l’Energie qui le dit (24 nov 2019 ! Donald Trump avait affirmé plaisanter lorsqu’il avait dit être « l’Elu » choisi pour mener la guerre commerciale contre la Chine, mais pour l’un de ses ministres, c’est une évidence : le président républicain a été choisi par Dieu… Comme son prédécesseur démocrate. « Vous savez, Barack Obama ne devient pas président des Etats-Unis si Dieu ne l’a pas décrété. Et Donald Trump non plus ».
Rick Perry, un chrétien pratiquant, a rapporté une conversation récente qu’il a eue avec le milliardaire républicain. « Je sais que des gens ont dit que vous aviez dit être l’Elu. Et j’ai répondu que vous l’étiez. J’ai dit "si vous êtes un chrétien croyant, vous comprenez le projet de Dieu pour ceux qui nous gouvernent et nous jugent sur cette planète" », a-t-il ajouté.
Plusieurs membres de l’administration Trump, dont son vice-président Mike Pence, sont chrétiens pratiquants. En mars dernier, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait été interrogé, lors d’une visite à Jérusalem, sur l’éventualité que Donald Trump ait été désigné pour « aider à sauver le peuple juif face à la menace iranienne ». « En tant que chrétien, je crois assurément que cela soit possible », avait répondu Mike Pompeo.