Brève histoire des Etats-Unis

 

Documents historiques de la conquête de l’Ouest américain :

http://publications.newberry.org/graff/#/

Le fonds documentaire de Newberry (à Chicago) sur l’histoire et la littérature européennes et occidentales depuis la fin de la période médiévale comprend plus de 1,5 million de livres, cinq millions de pages manuscrites (15 000 pieds cubes) et 500 000 cartes historiques.

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 Herodote.net - Jeanne Laffont : 24 sep 2010 /31 aoû 2017 - Béatrice Roman-Amat – 29 sep 2016 / 18 - 24 oct 2016

 

1507-1773 – La colonisation européenne en Amérique du Nord

 

.            Les premiers Européens ont accosté le continent nord-américain par le grand nord. Ces pionniers, sur lesquels planent encore beaucoup de mystère, sont des Vikings, sous la conduite d’un chef audacieux, Leif Ericsson, qui aurait fondé en l’An Mil une petite colonie sur la côte du Labrador, le Vinland. L’équipée, sans lendemain, tombera très vite dans l’oubli.

Une occupation très progressive

Un demi-millénaire plus tard, d’autres Européens touchent la côte du futur Canada.

– Les explorations françaises

.            Le premier est un explorateur italien au service du roi d’Angleterre Henri VII. Il a nom Jean Cabot et aborde les îles de Cap-Breton et de Terre-Neuve, à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent, le 24 juin 1497, 5 ans à peine après le premier voyage de Christophe Colomb dans les Antilles.

À vrai dire, il se soucie assez peu de colonisation et de conquête. Il cherche un raccourci maritime vers la Chine et les Indes, le mythique passage du Nord-Ouest. Il en va de même du navigateur Giovanni da Verrazano (1524), au service du roi de France François 1er.

À la suite de Jacques Cartier (1534), les Français prennent possession de l’embouchure du Saint-Laurent, la Nouvelle-France mais c’est seulement au siècle suivant qu’ils y établiront des colonies de peuplement.

– Les explorations espagnoles

.            Le 27 mars 1513, le navigateur espagnol Juan Ponce de Léon aborde un rivage fleuri au nord des Antilles, ce qui fait de lui le premier Européen à fouler le sol des futurs États-Unis.

Cet ancien compagnon de Christophe Colomb croit avoir affaire à une île légendaire où se situerait une « fontaine de Jouvence ». Comme on est le jour de Pâques, il la baptise « Pascua Florida » (Pâques fleurie). On va découvrir plus tard qu’il s’agit d’une pre²squ’île et non d’une île. Les premiers colons espagnols s’installent un demi-siècle plus tard en cet endroit encore connu sous le nom de Floride (ou Florida).

– Les explorations anglaises

.            Les Anglais tardent à mettre le pied en Amérique du nord. Le navigateur Francis Drake, au cours d’un fameux tour du monde à la voile (le deuxième après celui de Magellan et del Cano), accoste sur la côte californienne, côté Pacifique donc, le 17 juin 1579. Il nomme l’endroit Nova Albion mais ce nom ne survivra pas à la colonisation espagnole.

Plus chanceux est son rival Walter Raleigh (ou Ralegh). Ce courtisan organise à ses frais une expédition en vue de coloniser le littoral nord-américain. Les navigateurs accostent le 27 avril 1584 sur ce qui deviendra en 1607 la colonie (puis l’État) de Virginie, ainsi nommée en l’honneur d’Elizabeth 1ère, la « reine vierge » (supposée telle, car célibataire).

– Les explorations hollandaises

.            La Compagnie néerlandaise des Indes orientales (la VOC) confie en 1609 une mission d’exploration au capitaine anglais Henry Hudson. Celui-ci revient à Amsterdam avec un projet de colonisation à l’embouchure de la rivière qui portera son nom. Ce sera La Nouvelle Amsterdam, plus connue aujourd’hui sous le nom de… New York.

– Les explorations suédoises

.            En avril 1638, enfin, une cinquantaine de colons suédois s’installent à l’embouchure du Delaware, autour d’un fort baptisé Christina (ou Christiania) en l’honneur de la future reine Christine, fille du roi Gustave Adolphe. Mais cette colonie ne tarde pas à être conquise par les Hollandais.

Et les Indiens ?…

.            Il se sera écoulé plus d’un siècle entre le moment où une première européenne a atteint l’Amérique du nord (c’était en 1497) et le moment où des colons anglais et français s’y sont installés pour de bon : en 1607 avec sir Newport sur la côte de Virginie ; en 1608 avec Samuel de Champlain sur les rives du Saint-Laurent.

Ce vaste territoire est alors peuplé au sud, dans la zone sèche, par des Indiens qui pratiquent surtout la culture du maïs, et au nord, dans la Grande Prairie, par d’autres Indiens qui, eux, tirent leur substance des innombrables bisons. Au total environ un million d’âmes sur un espace de plus de 16 millions de km2 (3 fois l’Europe).

Les États-Unis en gestation

.            Stimulés par le dynamisme de leur marine aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Anglais ne tardent pas à déloger les Hollandais de la côte nord-américaine et fondent sur le littoral un total de Treize Colonies. Ces colonies ont toutes une personnalité propre du fait des circonstances de leur fondation et de leur histoire, à commencer par la première, la Virginie.

C’est ensemble, néanmoins, qu’elles accèderont à l’indépendance en 1783, après une longue guerre d’indépendance, devenant les États-Unis d’Amérique

 

1607-1783 – Les Treize Colonies anglaises

 

.            Les Anglais ont établi treize colonies de peuplement en Amérique du Nord aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elles vont accéder à l’indépendance en 1783 et devenir les États-Unis d’Amérique.

Ces colonies, pour la plupart, sont nées de l’octroi d’une charte de colonisation par le souverain à une personnalité amie. Cette dernière organise à ses frais l’installation des premiers colons et dirige son territoire comme elle l’entend. A l’expiration de la charte, la colonie revient à la Couronne qui nomme un gouverneur à sa tête.

Mais par-delà cette trame commune, chacune des Treize Colonies possède sa personnalité propre née des circonstances de sa fondation et de son Histoire.

L’Amérique du nord à la fin du XVIIIe siècle

.            Cette carte témoigne des affrontements entre Européens (Anglais, Espagnols et Français) pour la domination du continent nord-américain. La Nouvelle France tombe en 1763 sous la tutelle de Londres et devient The Province of Quebec cependant que les Treize Colonies anglaises obtiennent en 1783 leur indépendance sous le nom d’États-Unis d’Amérique.

Treize Colonies et autant d’histoires

– La Virginie

.            La plus ancienne des Treize Colonies est la Virginie, fondée par la Compagnie de Virginie (ou de Plymouth), une entreprise privée créée sous l’égide du roi Jacques 1er.

Son histoire commence le 14 mai 1607, quand trois navires commandés par le capitaine Newport (Susan Constant, Godspeed et Discovery) accostent dans la baie de Chesapeake, véritable mer intérieure au confluent de plusieurs estuaires. Ils amènent une centaine de colons. Ceux-ci fondent un établissement du nom de Jamestown, en l’honneur du roi Jacques 1er (en anglais James 1st).

Le site paraît idoine sous les couleurs du printemps mais les premières déconvenues surviennent avec l’été, ses chaleurs écrasantes et ses nuages d’insectes surgis des marécages environnants. Pour ne rien arranger, les colons, dont beaucoup sont gentilshommes, répugnent à défricher et labourer la terre de leurs mains.

Disettes, maladies et attaques des Indiens compromettent la survie de la colonie. En 2013, l’étude des os d’une jeune femme retrouvés là a permis d’établir, fait rare, qu’elle a été victime de cannibalisme lors d’une famine subie par les colons pendant l’hiver 1609-1610. La colonie s’en sort toutefois grâce à un chef énergique, John Smith. Et puis, les colons commencent à planter une herbe d’avenir, le tabac. C’est le début de la prospérité.

Le fort de James en 1607

Le 30 juillet 1619 se tient dans l’église de Jamestown la première assemblée de la colonie. Elle réunit, outre le gouverneur et ses six conseillers, 22 bourgeois qui représentent les colons. L’assemblée vote une première résolution concernant les impôts, la morale publique et le cours du tabac.

C’est l’amorce de la démocratie représentative à l’américaine. L’assemblée, se transformant en Parlement, affirme ses prérogatives face au gouverneur désigné par la Compagnie de Virginie, puis, à partir de 1624, par le roi d’Angleterre. Ses représentants seront, beaucoup plus tard, à la pointe du combat pour l’indépendance (Washington, Jefferson, Hamilton…).

En cette même année 1619, un bateau amène d’Angleterre 90 jeunes filles que les colons peuvent prendre pour femme sous réserve de payer leur voyage. Grâce à quoi la colonie va désormais croître et se développer sans plus dépendre de la métropole.

Toujours en 1619, au mois d’août, un bateau hollandais amène à Jamestown une cargaison d’un genre particulier : une vingtaine d’Africains. Les malheureux trouvent immédiatement preneurs auprès des planteurs, trop heureux de mettre la main sur une main-d’oeuvre plus docile que les Indiens et les travailleurs blancs sous contrat.

Officiellement considérés comme des travailleurs ordinaires engagés par contrat pour une durée de cinq ans, les Africains voient leur statut se dégrader au fil des décennies jusqu’à déboucher sur un nouvel esclavage, résurgence de l’esclavage antique ou oriental. C’est le début d’une malédiction dont les conséquences pèsent encore sur les États-Unis.

Jusque-là, les Indiens avaient plus ou moins accepté la dépossession de leurs territoires par les nouveaux-venus. En Virginie, le sachem suprême ou grand chef de la fédération des Powhatans avait même marié sa propre fille, Pocahontas, au premier planteur de tabac de la région, John Rolfe.

Mais après sa mort, en 1618, son frère et successeur Opechancano montre de moins bonnes dispositions à l’égard des Blancs. Le 22 mars 1622, il lance des attaques concertées contre l’ensemble des villages de Virginie. 346 Blancs sont massacrés. Les colons réagissent avec brutalité et, en 1643 seulement, arrivent à capturer et exécuter leur ennemi. C’est la première des grandes guerres indiennes qui vont opposer pendant plus de 250 ans Indiens et Européens.

– Le Massachusetts

.            La couronne mettant la main sur la Virginie, les actionnaires de la Compagnie projettent en 1620 d’occuper des territoires plus au nord et forment à cet effet un « Conseil pour la Nouvelle-Angleterre », nom que porte encore l’ensemble des quatre États compris entre le Maine et l’État de New York (Massachusets, Rhode Island, Connecticut, New Hampshire).

En Angleterre, avec l’aide du Conseil, un petit groupe de puritains persécutés par l’Église anglicane officielle entreprennent la traversée vers le Nouveau Monde. Leur bateau, le Mayflower, est dévié de sa route et au lieu d’atteindre la Virginie, accoste le 26 novembre 1620 près d’un lieu encore sauvage, Cape Cod.

Livrés à eux-mêmes, les colons se donnent une charte, le « Mayflower Compac Act ». Il met sur pied une démocratie locale efficace et respectueuse des croyances de chacun et va devenir le fondement de la communauté comme des autres colonies à venir.

Ainsi naquit le Massachusetts au curieux nom d’origine indienne, deuxième colonie anglaise d’Amérique.

En 1630 arrivent onze bateaux et un millier de colons, également de confession puritaine. La plus grande partie s’installe sur une colline qu’ils dénomment Boston, en souvenir d’un village du même nom, dans le Lincolnshire.

Très tôt, les colons témoignent d’un grand intérêt pour l’éducation. L’établissement universitaire de Harvard est fondé dès 1636 et en 1647, une loi prescrit l’ouverture d’une école élémentaire gratuite dans toutes les villes de plus de cinquante familles ! Ne nous étonnons pas que le grand savant Benjamin Franklin vienne de Boston.

Le gouverneur de la colonie et ses douze assesseurs tentent dans un premier temps de réserver les fonctions de représentation aux membres des Églises puritaines. Mais cette velléité théocratique est battue en brèche par la désobéissance civile de certaines villes à majorité non-puritaine. Les dirigeants s’inclinent et la démocratie se consolide.

Les pasteurs puritains, oublieux des persécutions dont ils avaient été eux-mêmes victimes en Europe, n’en affichent pas moins une très grande intolérance.

Cette intolérance culmine dans la ville de Salem en 1691-1692, lorsque les pasteurs se mettent en tête de traquer la sorcellerie. 32 personnes sont mises en accusation et 19 pendues.

Rebutés par le climat puritain de la colonie, des habitants s’enfuient et vont créer d’autres colonies : Rhode Island, New Hampshire et Connecticut.

– Le Rhode Island

.            Le théologien Roger Williams ayant dû fuir Salem en 1636 se dirige vers le sud et fonde avec quelques amis la ville de Providence « par gratitude envers la Providence miséricordieuse de Dieu envers moi dans ma détresse ».

Quelques années plus tard, il se rend à Londres et obtient une patente royale qui reconnaît l’existence de la nouvelle colonie, dénommée Rhode Island par allusion à une île du littoral. Très attachée à ses droits, la colonie se proclama indépendante dès mai 1776 et ne consentit à ratifier la Constitution fédérale qu’en mai 1790, avec trois ans de retard.

– Le Connecticut

.            La fertile vallée du Connecticut attire en 1635 le pasteur Thomas Hooker qui s’y installe avec une centaine de paroissiens. Dès 1639, ces colons empreints d’idées libérales se donnent une règle commune en onze article : les Fundamental Orders.

En 1662, une charte royale réunit sous un même gouvernement cette colonie et une colonie côtière, New Haven, fondée par des émigrants venus d’Angleterre. Elle garantit à chacun la liberté religieuse.

– Le Maryland

.            En décembre 1633, l’Arche et la Colombe amènent dans la baie de Chesapeake, à l’embouchure du Potomac, deux cents colons, les uns catholiques, les autres protestants, tous persécutés en raison de leur foi.

Ils sont conduits par un catholique, George Calvert, 1er baron Baltimore, lequel a reçu du roi Charles 1er une charte de colonisation. C’est ainsi qu’avec son fils, Cecilius Calvert, les colons fondent la ville de St-Mary’s en l’honneur de l’épouse du roi.

Par l’édit de tolérance du 21 avril 1649 (Act concerning Religion), ils instaurent dans leur colonie une grande tolérance religieuse, il est vrai limitée aux chrétiens. Ce régime sera plus tard mis à mal et conduira les catholiques à rejoindre la Pennsylvanie.

– Le New Hampshire

.            Le Conseil de la Nouvelle-Angleterre concède en 1629 le territoire à John Mason, lequel lui donne son nom actuel. Balloté entre différentes colonies, le New Hampshire ne devient une colonie autonome qu’en 1692, tout en conservant jusqu’en 1741 le même gouverneur que le Massachusetts.

En 1637, les Indiens tuent un commerçant anglais. C’est le début de la guerre des Péquots, du nom de la tribu concernée, commandée par le sachem Sassacus.

Le 26 mai 1637, à la tête de troupes nombreuses, le capitaine John Mason attaque par surprise et incendie le camp principal des Indiens. Six cents hommes, femmes et enfants périssent en une heure. Les assaillants n’éprouvent aucune perte. C’est la première de la longue litanie d’horreurs qui marque les guerres indiennes.

– Les Carolines

.            En 1653, des colons de Virginie se hasardent plus au sud, sur les rives de la rivière Chowan. Dix ans plus tard, le roi Charles II Stuart accorde une charte de colonisation à Lord Clarendon en récompense des services rendus à la monarchie et lui concède le vaste territoire situé au sud et à l’ouest de la Virginie. Il est aussitôt baptisé Caroline en l’honneur du roi.

En 1672 est fondée la ville de Charleston, qui ne tarde pas à recevoir de nombreux huguenots (protestants français) chassés par la révocation de l’Édit de Nantes.

Les Lords-propriétaires se montrant peu respectueux des libertés locales, un vent de rébellion souffle sur la colonie. Finalement, en 1729, Londres arbitre le conflit en divisant la colonie en deux : Caroline du Nord et Caroline du Sud.

– Le New York

.            Tirant parti de la guerre entre l’Angleterre et les Provinces-Unies (Pays-Bas), la flotte anglaise s’empare de la Nouvelle Amsterdam et, par le traité de Breda de 1667, Amsterdam cède à Londres la ville et l’arrière-pays, la Nouvelle Hollande.

Le roi Charles II concède aussitôt ce vaste territoire à son frère, le duc d’York (futur Jacques II). La Nouvelle Amsterdam et la colonie elle-même prendront de ce fait le nom de New York.

Le duc d’York et son gouverneur doivent faire face à l’esprit de résistance des colons. Ils sont contraints d’accepter la réunion, le 17 octobre 1683 d’une assemblée de 17 représentants du peuple.

Ces «freemen» (hommes libres) votent d’emblée une quinzaine de lois réunies dans une «Charte de libertés et privilèges», établissant la liberté religieuse et disposant qu’aucun impôt ne serait établi sans son consentement.

Mais deux ans plus tard, le duc d’York monte sur le trône d’Angleterre sous le nom de Jacques II. Il interdit à l’Assemblée de New York de se réunir. Les colons n’ont pas longtemps à attendre pour prendre leur revanche car, dès 1688, Jacques II est renversé !

Les gouverneurs successifs de la colonie arrivent à gagner l’amitié des puissantes tribus indiennes de l’arrière-pays. Celles-ci, qui appartiennent à la famille des Iroquois, sont réunies dans une fédération dite des «Cinq nations».

George Clinton est même arrivé à se faire élire chef de la tribu des Mohawks avant d’être nommé gouverneur de la colonie en 1743 !

Ces circonstances vaudront aux Anglais le soutien des Iroquois dans la guerre contre leurs voisins français de la Nouvelle-France, au milieu du XVIIIe siècle.

Dès le XVIIe siècle, le New York bénéficie d’un courant d’immigration important en provenance d’Allemagne. Il s’agit de croyants chassés par les guerres religieuses (Frères moraves, Mennonites…).

Industrieux et bons charpentiers, ces colons allemands vont mettre au point le célèbre chariot bâché à la robustesse sans égale et sans lequel il n’est pas de western qui vaille.

– Le New Jersey

.            Du vaste territoire qu’il a reçu de son frère, le duc d’York en a cédé une partie à deux amis, Sir John Berkeley et Sir George Carteret. La nouvelle colonie, encore habitée par des Hollandais, prend le nom de New Jersey, en l’honneur de l’île anglo-normande qu’avait défendue George Carteret pendant la guerre civile.

– La Pennsylvanie

En 1681, le roi Charles II Stuart concède à William Penn (37 ans) un vaste territoire situé entre la colonie de New York au nord et la colonie de Virginie au sud, en échange d’une créance de son père.

William Penn est un membre éminent de la Société des Amis, une secte religieuse plus connue sous le nom de Quakers, parce que ses adeptes sont pris de tremblements (to quake, trembler en anglais) pendant leurs prières. Ayant appelé Pennsylvanie (la forêt de Penn) le territoire reçu du roi, il décide d’en faire un refuge pour ses coreligionnaires et un modèle d’État démocratique.

En 1682, remontant le fleuve Delaware avec une centaine de Quakers, il fonde la ville de Philadelphie, d’un mot grec qui signifie «Cité de l’amour fraternel» !

Penn rédige par ailleurs un code de lois qui se veut exemplaire sous le nom de «Great Law» (Grande Loi). Il interdit l’esclavage, limite la peine de mort à deux crimes : meurtre et trahison, accorde le droit de vote à tous les contribuables, impose une formation professionnelle à tous les enfants de plus de 12 ans et garantit à tous la liberté de religion.

Le philanthrope ne s’en tient pas là. Il convoque les Indiens du territoire et leur explique du mieux qu’il peut qu’il souhaite négocier avec eux un traité de bon voisinage.

Il leur achète la terre à un prix équitable et met sur pied un conseil paritaire composé de six Indiens et six Blancs pour juger les litiges entre les deux communautés. Le traité sera respecté aussi longtemps que vivra Penn.

William Penn négocie un traité avec les Indiens (Benjamin West – 1772)

– Le Delaware

.            Petit territoire enlevé aux Hollandais en 1664, le Delaware avait été cédé en 1682 par le duc d’York à William Penn, qui l’avait à son tour confié à un adjoint. Il reçut son nom en 1702 pour honorer le baron Delaware, premier gouverneur de Virginie.

– La Georgie

.            La dernière des Treize Colonies est créée par un général philanthrope, James Oglethorpe, entre les Carolines et la Floride espagnole.

Il obtient une concession du roi George III en 1729 et baptise en son honneur la nouvelle colonie. Il recrute ses premiers colons parmi des gens de toutes nationalités qui ont été mis en prison pour dettes et libérés. Avec eux, il fonde la ville de Savannah, à l’embouchure de la rivière du même nom.

Le général oblige chacun à exercer un travail manuel, interdit la possession d’esclaves (alors que la Virginie et les Carolines, au nord, n’en manquent pas), prohibe les alcools… Autant de dispositions qui suscitent une levée de boucliers et seront plus ou moins abolies dès 1749

Au milieu du XVIIIe siècle, suite à l’expiration des différentes chartes de colonisation, toutes les colonies se trouvent sous la tutelle directe de Londres, avec un gouverneur à leur tête.

Cette administration directe est mal ressentie par les colons qui ont pris l’habitude d’une grande autonomie. La guerre d’Indépendance va en découler.

 

1783-1869 – Une nation en gestation

 

.            Le 4 juillet 1776, à Philadelphie, les représentants des Treize colonies anglaises d’Amérique du Nord proclament unilatéralement leur indépendance.

Bien que tous les habitants des treize colonies ne soutiennent pas l’indépendance – beaucoup sont loyalistes et la plupart attentistes – les armées insurgées (les Insurgents) prennent le dessus sur les Britanniques, grâce au soutien de la France de Louis XVI. En 1783, la Grande-Bretagne doit reconnaître l’indépendance des États-Unis par le traité de Versailles.

Les jeunes États-Unis d’Amérique réunissent un Congrès continental pour se doter d’un système de gouvernement. Ils adoptent les « Articles de la Confédération », qui laissent à chaque État la jouissance de sa souveraineté, à l’exception de la politique étrangère. Cette dernière est confiée au Congrès, composé d’un délégué par État.

En 1787, le Congrès déclare l’Ouest propriété fédérale, le découpe en parcelles qu’il pourra vendre aux enchères et y interdit l’esclavage.

Dès qu’un nouveau territoire atteint 60 000 habitants, il devient État de la fédération. Le Kentucky est le premier territoire à remplir cette condition. 1787 est également l’année de l’adoption de la Constitution, encore en vigueur aujourd’hui. Influencée par la philosophie libérale, elle crée un système de séparation des pouvoirs et un gouvernement central aux pouvoirs limités. En 1789, George Washington, l’ancien commandant en chef des troupes indépendantistes, devient le premier président des États-Unis d’Amérique.

George Washington, en 1797, par Gilbert Stuart.

« L’ère des bons sentiments »

.            Bien que la jeune nation américaine souhaite initialement rester neutre dans les guerres qui opposent la France napoléonienne aux Britanniques, elle s’engage en 1812 dans une nouvelle guerre contre la Grande-Bretagne. Celle-ci arraisonne des navires américains accusés de continuer à commercer avec la France malgré le blocus des ports français, et soutient les Amérindiens opposés à la colonisation de l’Ouest.

Les Américains lancent un assaut sur le Canada mais doivent aussi combattre sur deux autres fronts : la côte Atlantique, dont la Royal Navy organise le blocus, et les États du Sud. En 1814, les Britanniques incendient Washington. En 1815, ce sont les Américains qui remportent une brillante victoire à la Nouvelle Orléans. Le traité de Gand aboutit à un retour au statu quo. Bien que les États-Unis n’aient pas remporté une claire victoire, cette « Seconde Guerre d’indépendance » contribue à souder la jeune nation.

La décennie suivante est marquée par une vie politique consensuelle (« l’ère des bons sentiments ») et l’affirmation de la doctrine Monroe de « l’Amérique aux Américains », refus de toute ingérence européenne au nord comme au sud du continent.

Pendant cette période d’apaisement de la vie politique, les États-Unis concentrent leur énergie sur l’expansion vers l’Ouest. Le pays a déjà doublé sa superficie en acquérant la Louisiane en 1803, achetée à la France pour 15 millions de dollars. En 1819, les Espagnols lui cèdent la Floride à l’issue des guerres opposant les Américains aux Indiens Séminoles.

James Madison c. 1821, par Gilbert Stuart

L’expansion américaine se poursuit au détriment du Mexique, indépendant depuis 1821. Des colons y fondent la République du Texas pour échapper à la législation mexicaine anti-esclavagiste. Elle est reconnue, puis annexée par les États-Unis, malgré la réticence du Congrès à incorporer des États esclavagistes.

En 1846, les États-Unis fixent avec le Royaume-Uni, de façon avantageuse, la frontière du Nord-Ouest qui les sépare du Canada. Last but not least, la guerre américano-mexicaine de 1847-1848 aboutit à la cession aux États-Unis, par le traité de Guadalupe-Hidalgo, du Texas, du Nouveau Mexique et de la Californie, un État rendu particulièrement attractif par la découverte d’or.

La conquête des terres indiennes et mexicaines s’appuie sur la théorie dite de la «destinée manifeste» (manifest destiny), développée dans les années 1840 par le journaliste John O’Sullivan, selon laquelle la mission des États-Unis consiste à répandre la civilisation en direction du Pacifique : « C’est notre destinée manifeste de nous étendre sur un continent qui nous a été donné par la Providence ».

En 1862, en pleine guerre de Sécession, le président Lincoln promulgue le Homestead Act qui permet à toute famille de revendiquer un terrain sur lequel elle réside depuis cinq ans au moins. Tant pis pour les derniers Indiens…

La première moitié du XIXe siècle est également une période de forte croissance démographique, alimentée par l’arrivée massive d’immigrants, notamment néerlandais et irlandais, et de développement industriel. Dans les années 1830-1840 se succèdent les grandes inventions qui vont révolutionner le pays : la moissonneuse de Cyrus Hall McCormick, le revolver de Samuel Colt, la charrue en acier de John Deere, la vulcanisation du caoutchouc de Charles Goodyear, le télégraphe électrique de Samuel Morse.

 La guerre de Sécession

.            L’adoption en 1854 de l’acte Kansas-Nebraska autorisant ces deux États à se prononcer sur la légalité de l’esclavage met fin à une situation d’équilibre établie en 1820 par le compromis du Missouri. Celui-ci établissait une ligne de partage entre États du Nord et États du Sud, en interdisant l’esclavage au nord de la latitude 36°30′. En 1854-1856, le Kansas est déchiré par une querelle entre esclavagistes et anti-esclavagistes.

En 1860, l’élection à la présidence d’Abraham Lincoln, fondateur d’un nouveau parti républicain opposé à l’esclavage, met le feu aux poudres.

Le nord anti-esclavagiste est beaucoup plus peuplé que le sud et produit l’essentiel des biens manufacturés. Il représente le commerce, l’industrie et les affaires, alors que l’économie du sud se fonde quasi-exclusivement sur la production du coton, du tabac et de la canne à sucre. Le nord aspire à des protections douanières pour soutenir son industrie en expansion ; le sud a besoin du libre-échange pour vendre son coton.

En février 1861 sept États du Sud font sécession des États-Unis. Ils s’unissent au sein d’une nouvelle confédération, dont Jefferson Davis devient le président. Leur objectif est de préserver leur mode de vie aristocratique et leur « droit » à l’esclavage. Rejoints par d’autres États, les confédérés assiègent les forts tenus par l’armée fédérale.

C’est le début de la guerre de Sécession ou Civil War (« guerre civile »), qui va durer quatre ans, mettre pour la première fois face à face plusieurs millions de soldats et coûter environ 600 000 vies (davantage que de morts américaines pendant toutes les guerres du XXe siècle !).

Au prix de violents combats, les nordistes prennent le dessus, grâce au potentiel économique et financier du quart nord-est du pays. En 1865, les sudistes sont contraints de solliciter un armistice. Les plantations de coton du sud ne retrouveront jamais leur prospérité d’avant la guerre de Sécession, les importateurs européens s’étant tournés vers d’autres marchés pendant le conflit.

Abraham Lincoln après la bataille d’Antietam (17 septembre 1862)

 Reconstruction et réconciliation nationale

.            Les États du Sud sont réintégrés dans l’Union et l’esclavage aboli. Les Noirs obtiennent le droit de vote mais, dans les faits, les États du Sud réussissent à les écarter des scrutins en votant des lois d’exception (par exemple l’obligation d’avoir eu un grand-père citoyen américain pour pouvoir voter) et prennent des mesures de ségrégation dans les lieux publics.

Ils y sont encouragés par la Cour suprême qui, en 1876, autorise chaque État à organiser à sa guise le « cadre des relations interraciales ». Les anciens États esclavagistes mettent alors en place des législations surnommées  « lois Jim Crow », d’après une chanson intitulée Jump Jim Crow et interprétée par un blanc grimé en noir. Elles instituent un système de « ségrégation » sur le principe : « séparés mais égaux » (ou « égaux mais séparés » !).

Le dernier tiers du XIXe siècle est marqué par l’achèvement de la conquête intérieure. L’agriculture s’industrialise et augmente sa productivité. En 1890, l’industrie dépasse pour la première fois l’agriculture en production de valeur, dopée par l’abondance des matières premières (charbon, cuivre, fer…).

La disparition de la « Frontière » et le renforcement du peuplement intérieur a pour première victime les Amérindiens.

En 1871, le gouvernement américain renonce à la politique des traités – systématiquement violés -, qui tendait à concentrer les Indiens sur certaines terres, et affiche à la place une volonté d’assimilation. Elle se traduit par le massacre des bisons et les ravages des épidémies et de l’alcool introduits par les colons parmi les Indiens. Dans les années 1880, les deux derniers grands chefs indiens, Sitting Bull et Geronimo, sont contraints de se rendre. Au terme d’un dernier massacre de quelque 200 Sioux par l’armée, la « pacification » du territoire américain est terminée.

La bataille de Little Bighorn

.            Surnommée aux États-Unis Custer’s Last Stand (« l’ultime résistance de Custer »), et en sioux la bataille de la Greasy Grass, elle opposa les 647 hommes du 7e régiment de cavalerie de l’armée américaine du lieutenant-colonel George A. Custer à une coalition de Cheyennes et de Sioux rassemblés sous l’influence de Sitting Bull.

Elle s’est déroulée les 25 et 26 juin 1876, à proximité de la rivière Little Bighorn (« petit mouflon », un affluent du Bighorn), dans l’est du Territoire du Montana. C’est l’épisode le plus célèbre de la guerre des Black Hills (aussi connue sous le nom de grande guerre sioux de 1876) qui se solda par une victoire écrasante des Amérindiens menés par Crazy Horse, le chef sioux Gall et le chef cheyenne Lame White Man. Custer et 267 de ses hommes périrent dans cette bataille. C’est l’une des batailles les plus célèbres de l’histoire des États-Unis.

 Une nation d’immigrants

.            Le recensement de 1790 révèle que les États-Unis abritent environ 3,2 millions d’habitants d’origine européenne et 700 000 esclaves d’origine africaine (sans parler de quelques millions d’Indiens ou Amérindiens). Dès le lendemain de l’indépendance, les Américains (ou Étasuniens) entament leur expansion territoriale vers l’Ouest et le Sud. Elle ne s’achèvera qu’au milieu du XIXe siècle, lorsque le pays atteindra ses frontières actuelles.

À partir des années 1840-1850, les États-Unis accueillent des vagues massives d’immigrants venus d’Europe. D’abord essentiellement anglo-saxonne, l’immigration s’étend progressivement à l’Europe du Sud (Italie, Grèce) et à l’Europe centrale. Entre 1880 et 1920, près de 25 millions d’immigrants viennent grossir la population américaine. Des lois votées dans les années 1920 établissent des quotas afin de limiter et maîtriser l’immigration par nationalité.

Depuis la fin du XXe siècle, l’immigration concerne surtout l’Amérique latine et l’Asie (Philippines, Vietnam…). L’immigration de source illégale est devenue plus importante numériquement que l’immigration légale et la composition ethnique du pays évolue rapidement. En 2006, les États-Unis ont franchi la barre des 300 millions d’habitants. Pourtant, avec une superficie de 9,160 millions de km2 (dont 1,480 pour l’Alaska), la densité de population y reste faible (33 habitants au km2 en moyenne).

 

1869-1945 – Émergence d’une superpuissance

 

.            À la fin des années 1860, alors que les États-Unis pansent les plaies de la Guerre de Sécession, le pays a quasiment atteint ses limites territoriales définitives. En 1867, le Sénat a approuvé l’annexion de l’Alaska, cédé par la Russie. L’ère de la Frontière est achevée mais le territoire reste assez largement inoccupé entre la côte Est et la Californie. Les vagues de chercheurs d’or vers le Colorado et le Nevada contribuent cependant à peupler le centre du pays. Dans les années 1870, le développement rapide du réseau de chemin de fer facilite la conquête intérieure.

 L’âge doré du « big business »

.            En 10 ans, 800 000 nouveaux km2 de terre sont mis en culture. La production agricole et industrielle croît rapidement, de même que la population. L’Amérique jeffersonienne, nation de fermiers pionniers, est progressivement remplacée par une Amérique urbaine et industrielle. Les villes, où les gratte-ciels sortent de terre, deviennent de grands pôles d’attraction. Dans le nord-est du pays, les activités bancaires, financières et industrielles prennent le pas sur le commerce et les activités portuaires. C’est l’époque de la constitution de grands trusts capitalistes, favorisée par des tarifs douaniers élevés, et des magnats des chemins de fer ou du pétrole, dont le plus emblématique est John Rockefeller.

Pendant ces années de forte croissance économique, le parti républicain exerce le pouvoir. Les cabinets sont constitués d’hommes d’affaires venus de l’industrie et de la banque. Les partis républicain et démocrate sont essentiellement des coalitions d’intérêts privés. Les républicains représentent les grands industriels de la côte Est, les fermiers du Middle West, les anciens combattants de la guerre de Sécession, les protestants les plus pieux et les Noirs disposant du droit de vote, tandis que les démocrates défendent les intérêts des Blancs du sud, des ouvriers et des nouveaux immigrants des grandes villes. Le dernier quart du XIXe siècle est marqué par une agitation ouvrière qui traduit l’indifférence des républicains à l’égard de cette frange de la population.

 Le tournant impérialiste

.            Jusqu’aux dernières années du XIXe siècle, les États-Unis restent fidèles à leur posture historique de refus du colonialisme, focalisés sur la conquête de leur propre territoire.

L’année 1898 marque un tournant, préparé par la montée de l’idéologie colonialiste depuis une décennie. Sous l’impulsion du futur président Theodore Roosevelt, partisan d’une politique étrangère dite « du gros bâton » et alors secrétaire adjoint à la Marine, les États-Unis annexent Hawaï, Porto-Rico, puis les Philippines, et se lancent dans une guerre contre les Espagnols à Cuba. Celle-ci aboutit à la reconnaissance de l’indépendance de l’île, placée sous tutelle américaine.

Accident ou attentat ?

.            Le soir du 15 février 1898, vers 21h40, le cuirassé américain Maine est victime d’une violente explosion dans la rade de la Havane, à Cuba. La détonation est si violente qu’elle souffle les vitres des maisons de la ville.

Le navire sombre presque immédiatement et malgré les secours qui arrivent des autres navires, 260 hommes périssent dans l’accident.

Immédiatement, la presse américaine accuse les Espagnols, qui gouvernent Cuba, d’avoir placé une mine sous la coque du navire, lequel était en visite de courtoisie. Dans les faits, une commission d’enquête concluera – mais en 1911 seulement – à une explosion accidentelle dans la salle des machines.

Le croiseur Maine après l‘explosion

Les États-Unis interviennent également dans les affaires sud-américaines, encourageant la sécession du Panama face à la Colombie, avec en point de mire le percement du canal, et font pression sur le Japon pour qu’il respecte les nouveaux territoires américains du Pacifique. Cette poussée impérialiste s’accompagne d’une volonté de favoriser l’essor du commerce. La « doctrine de la Porte Ouverte », présentée au Japon et aux pays européens, affirme le droit d’un ressortissant de n’importe quelle puissance de faire du commerce dans les zones d’influence des autres.

Sur la scène intérieure, le président Théodore Roosevelt augmente les prérogatives du gouvernement fédéral et fait voter des lois anti-trust. En 1913, le démocrate Thomas Woodrow Wilson est élu à la présidence et fait adopter des réformes progressistes : droit de vote des femmes, création d’un impôt sur le revenu, élection des sénateurs au suffrage universel. A la veille du premier conflit mondial, les États-Unis constituent une grande puissance économique – bien qu’elle n’ait pas encore dépassé l’Europe – dont la population continue de s’accroître à un rythme très soutenu, malgré les bornes posées à l’immigration (interdiction de l’immigration chinoise, refus des illettrés…).

Les États-Unis dans la Grande Guerre

.            Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale en Europe, les dirigeants américains n’ont aucune envie d’aller s’empêtrer dans ce conflit. Wilson proclame la neutralité totale de son pays, tout en réfléchissant à la façon de jouer un rôle de faiseur de paix entre les protagonistes. Toutefois, sur le plan commercial, les États-Unis sont loin d’être neutres : les exportations vers l’Allemagne s’effondrent, tandis que la fourniture de matériel militaire, de matières premières et de vivres aux puissances de l’Entente s’intensifie.

La guerre sous-marine menée par l’Allemagne provoque finalement l’entrée en guerre des États-Unis. Le paquebot Vigilentia est torpillé en mars 1917 par un sous-marin allemand, sort déjà réservé en 1915 au Lusitania. Ces violations de la liberté des mers, pilier de l’économie américaine, conjuguées à la publication du « télégramme Zimmermann », qui révèle des manœuvres allemandes au Mexique pouvant aboutir à l’annexion du sud des États-Unis, conduisent le Congrès à voter l’entrée en guerre le 6 avril 1917.

L’intervention américaine est bienvenue pour des alliés épuisés. Alors que les dirigeants américains pensaient initialement pouvoir limiter leur soutien à l’économie et aux finances, les États-Unis sont conduits à jouer un rôle déterminant dans l’issue militaire du conflit. Ce sont des Américains qui repoussent les attaques lancées par l’Allemagne en juillet 1918 entre Reims et Soissons et qui fournissent à Foch l’essentiel des troupes pour la grande offensive de la Meuse quelques mois plus tard. À la fin de la guerre, les troupes américaines, dirigées par le général Pershing, regroupent plus de 2 millions de soldats en Europe.

Après l’armistice du 11 novembre 1918, la paix est établie sur le fondement des quatorze points énoncés par le président Wilson en janvier 1914, qui font de la démocratie et la liberté des marchés les deux piliers des relations internationales, au moment même où la naissance de la Russie bolchevique est perçue comme une nouvelle menace par les États-Unis.

Paradoxalement, alors que ses principes triomphent sur la scène internationale, Wilson se trouve affaibli dans son pays par l’opposition des républicains et des isolationnistes. Le Congrès refuse de ratifier le traité de Versailles qui implique la création de la Société des Nations. Les États-Unis restent donc en dehors de la SND et entrent dans une nouvelle période d’isolationnisme, repliés sur leur prospérité.

L’isolationnisme relatif de l’Entre-deux-guerres

.            Au progressisme idéaliste de Wilson succède une longue période de règne républicain qui s’étend de 1921 à 1933. Les businessmen reviennent aux affaires et le mythe du « laisser-faire » économique s’impose. La politique d’immigration se durcit, afin de limiter l’entrée sur le territoire d’éléments ni anglo-saxons, ni protestants. Les lois des quotas (1921 et 1924) traduisent une montée de la méfiance à l’égard des minorités, voire de la xénophobie, tandis que la prohibition de l’alcool entraîne le développement du gangstérisme.

À l’extérieur, les États-Unis sont depuis la fin de la guerre les créditeurs du monde. Ils disposent également de 40% des stocks d’or mondiaux. Ils usent de la « diplomatie du dollar » plutôt que des forces armées pour imposer leurs vues, intervenant dans le règlement des réparations dues par l’Allemagne à la France et la Grande-Bretagne et se rapprochant du Japon en lui proposant investissements et marchandises.

En Amérique latine, le maintien des forces armées à Saint-Domingue (jusqu’en 1924) et au Nicaragua et la signature d’un traité donnant compétence à une commission interaméricaine pour régler les conflits sud-américains prouvent que l’isolationnisme concerne surtout les relations avec l’Europe.

La crise de 1929 et le New Deal

.            À partir de l’automne 1929, une crise économique sans précédent, liée à la surproduction qui sature le marché, à la multiplication des crédits et aux abus de la spéculation, secoue les États-Unis. Le « Jeudi noir » de Wall Street voit la bourse s’effondrer, prise dans une spirale de panique. La production industrielle s’effondre également, le chômage explose, – il touche 15 millions d’Américains en 1933-, les faillites se multiplient.

Alors que les républicains se sont montrés incapables d’enrayer la crise, l’élection à la présidence du démocrate Franklin Delanoo Roosevelt en 1932 change la donne. Roosevelt lance le New Deal (Nouvelle Donne), vaste programme de réorganisation de l’économie : dévaluation de la monnaie, abandon de l’étalon or, programme de grands travaux générateurs d’emplois, création d’une allocation chômage. Malgré l’opposition des milieux d’affaires et de la Cour Suprême, Roosevelt est réélu en 1936.

Dans les années 1930, le changement d’attitude des États-Unis sur la scène extérieure est également flagrant : ils quittent Haïti et le Nicaragua, promettent l’indépendance aux Philippines et renoncent à intervenir à Cuba. Cependant, ils conservent une posture isolationniste vis-à-vis de l’Europe, où la crise économique a précipité l’accession de Hitler au pouvoir. De 1935 à 1937, le Congrès vote toute une série de lois de neutralité.

La Seconde Guerre mondiale

.            Comme pour la Première Guerre mondiale, les États-Unis adoptent d’abord une position attentiste à l’égard de la guerre déclenchée par les puissances de l’Axe. En mars 1941, ils votent toutefois la loi prêt-bail, qui leur permet de devenir l’arsenal de la Grande-Bretagne. En août 1941, Roosevelt rencontre Churchill, sur un navire de guerre dans l’Atlantique. Les deux hommes adoptent la Charte de l’Atlantique, une déclaration qui condamne la tyrannie nazie et pose les principes qui devront prévaloir après la guerre, notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le désarmement.

En décembre 1941, l’attaque japonaise des bases américaines du Pacifique, notamment celle de Pearl Harbor, précipite les États-Unis dans le conflit. Le pays met alors sa formidable puissance économique et industrielle au service de la victoire.

La mobilisation de toute l’énergie nationale permet d’exorciser définitivement le spectre de la crise de 1929. Les Américains interviennent sur plusieurs fronts en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique, jouant un rôle décisif dans le dénouement du conflit. Le président Roosevelt, triomphalement réélu pour un quatrième mandat en 1944, meurt quelques semaines avant la capitulation de l’Allemagne. À son successeur Truman revient la charge de donner le coup de grâce au Japon, par les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki.

Le nouvel ordre mondial qui émerge de la Seconde Guerre mondiale se fonde sur les principes de la Charte de l’Atlantique. Propulsés gendarme du monde, les États-Unis sont aussi devenus la première puissance économique du monde devant une Europe exsangue et en ruines.

 

1945-2008 – Le gendarme du monde

 

.           Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis disposent d’une puissance économique inédite : jamais un seul pays n’a fourni une part aussi importante du produit mondial.

Depuis la conférence de Bretton Woods, le dollar, convertible en or, est devenu l’étalon universel des valeurs. Les États-Unis disposent également d’un monopole sur l’arme atomique et d’une véritable aura internationale due à leur contribution à la victoire des Alliés. Ils comptent 145 millions d’habitants soit 7% de la population mondiale (2 milliards d’humains).

 Vive l’« American way of life »

.           Rompant avec leur isolationnisme traditionnel, les États-Unis s’engagent dans un système d’alliances qui fait d’eux les garants de la sécurité européenne face à la menace soviétique.

La grande alliance qui unissait États-Unis, URSS et Angleterre jusqu’aux conférences de Yalta et de Potsdam prend fin avec la proclamation de la doctrine Truman en 1947 : les États-Unis s’engagent dans une politique d’« endiguement », qui consiste à « soutenir les peuples libres » pour éviter leur basculement dans le communisme.

Le refus par l’URSS du plan Marshall, proposé par les Américains pour aider les économies détruites par la guerre à se relever, enracine la division de l’Europe en deux blocs. C’est le début de la guerre froide. Les États-Unis et leurs alliés s’organisent au sein de l’OTAN dont les signataires s’engagent à se défendre mutuellement en cas d’attaque d’un des leurs. Le modèle culturel américain gagne également l’Europe sous la forme de films et de notes de musique qui accompagnent l’argent du plan Marshall.

La première grande crise de l’ère de l’hégémonie américaine est déclenchée par l’entrée des troupes de Corée du Nord en Corée du Sud en 1953.

Les États-Unis interviennent pour défendre le régime sud-coréen, farouchement anti-communiste, mais ne remportent pas de victoire décisive, malgré des pertes humaines très importantes. L’armistice signé en 1953 ne permet qu’un retour au statu quo.

Les années de la guerre de Corée sont marquées aux États-Unis par une véritable «chasse aux sorcières» anti-communniste, orchestrée par le sénateur MacCarthy. La défaite relative de la guerre de Corée met également fin à l’ère démocrate inaugurée par le président Roosevelt en 1932 : en 1952, le républicain Eisenhower est élu président.

Les années de présidence d’Eisenhower puis du démocrate Kennedy, premier président catholique des États-Unis, sont placées sous le signe de la prolongation du baby-boom de l’après-guerre et de la prospérité des classes moyennes suburbaines. L’« american way of life », fondé sur la consommation et le confort, fait des envieux dans le monde entier. En 1962, lors de la crise des fusées à Cuba, les Soviétiques cèdent devant l’ultimatum posé par Kennedy qui a fait craindre au monde une guerre nucléaire entre les deux Grands.

La décennie du Vietnam : 1963-1973

.           L’assassinat de Kennedy en 1963 à Dallas inaugure l’entrée dans une période plus troublée pour les États-Unis. Malgré l’appel à une lutte non-violente pour les droits civiques lancé par le pasteur noir Martin Luther King, des émeutes secouent les ghettos noirs. Le président Johnson signe le Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) qui met fin à la ségrégation raciale, mais Luther King est assassiné, de même que Malcom X, le leader des Black Muslims, un mouvement plus violent.

Les États-Unis s’engagent dans le plus long conflit armé de leur histoire, qui sera aussi leur première défaite depuis 1815 : la guerre du Vietnam.

Des incidents dans le golfe du Tonkin fournissent un prétexte au président Johnson pour lancer les premières attaques contre le Nord-Vietnam communiste. Mais l’envoi de troupes américaines de plus en plus nombreuses en Asie du Sud Est (jusqu’à près de 550 000 soldats en 1969) ne suffit pas à vaincre les communistes. Aux États-Unis, l’impopularité croissante du conflit, dans lequel les Américains ont recours aux bombardements massifs et aux gaz toxiques, mine la cohésion nationale. Le président Nixon, élu en 1968, entame le retrait des troupes américaines du Vietnam. En 1975, le Nord-Vietnam envahit le Sud-Vietnam, signe de la défaite militaire, politique et morale des États-Unis.

Les années 1960 sont néanmoins une période de forte croissance économique pour les États-Unis et celle d’un exploit technique sans précédent : le 16 juillet 1969, l’Américain Neil Armstrong est le premier homme à poser le pied sur la lune.

Mais la contestation par les enfants du baby-boom des valeurs de leurs parents, la naissance d’une contre-culture, les soulèvements de la minorité noire et les luttes pour l’égalité hommes-femmes donnent l’image d’une société profondément divisée.

Le désarroi de l’après Vietnam

.           L’affaire du Watergate vient porter le coup de grâce à des États-Unis en pleine crise de scepticisme : en 1974, le président Nixon est contraint de démissionner, accusé d’avoir menti au sujet du cambriolage de l’immeuble du Watergate, quartier général du parti démocrate. L’institution présidentielle se trouve durablement affaiblie par ce scandale. Les présidences des successeurs de Nixon, Ford et Carter, sont marquées par un repli des États-Unis sur la scène internationale.

Traumatisés par le carnage du Vietnam, les Américains laissent l’URSS marquer des points et l’Iran de l’ayatollah Khomeyni retenir leurs diplomates en otage pendant plus d’un an.

Les deux chocs pétroliers affectent fortement l’économie américaine. L’heure n’est plus à la « grande société » du président Johnson, soucieux de justice sociale, mais à l‘individualisme.

Les années Reagan, ou la révolution conservatrice

.           L’élection à la présidence du républicain Ronald Reagan, personnalité plus charismatique que Ford et Carter, change le cap de la politique intérieure comme de l’étrangère. « America is back », proclame le président, qui durcit le ton face à l’expansionnisme de l’URSS, apportant notamment une aide logistique aux Afghans en lutte contre les troupes soviétiques.

Partisan d’un État minimal, sauf dans le champ de la Défense, Reagan entraîne l’URSS dans une course aux armements effrénée (« la guerre des étoiles ») et l’oblige à déclarer forfait, ce qui lui permet de déclarer avoir « gagné la guerre froide ». À l’intérieur, des secteurs entiers de l’économie sont dérégulés, le déficit fédéral se creuse et la balance commerciale se détériore mais la croissance repart et le chômage et l’inflation diminuent.

Après un second mandat de Reagan, son vice-président, George Herbert Walker Bush, est élu président au moment où l’effondrement de l’URSS peut faire croire en « la fin de l’Histoire » et la mise en place d’un monde unipolaire, dominé par la seule puissance américaine. Une puissance qui s’incarne tant dans Hollywood et Microsoft que dans le Pentagone et le bureau ovale.

Pourtant, le monde post-soviétique est plus incertain que pacifié. En 1991, les États-Unis fournissent la moitié des troupes qui attaquent l’Irak de Saddam Hussein après son invasion de l’émirat du Koweït.

Les guerres de Bosnie et du Kossovo donnent d’autres occasions aux Américains de démontrer leur suprématie militaire.

Les attentats du 11 septembre 2001, agression terroriste au cœur du symbole de leur puissance économique, renforcent la tentation américaine de s’affranchir des cadres multilatéraux (ONU) et de donner une lecture manichéenne, empreinte de religiosité, des relations internationales : d’un côté l’Axe du mal (Corée du Nord, Iran, Irak), de l’autre les États-Unis et leurs alliés, représentants de la Civilisation.

George W. Bush, fils de George Herbert Walker Bush, succède au démocrate Bill Clinton à la présidence en 2000. Il engage successivement les États-Unis sur deux fronts, au nom de la lutte contre le terrorisme : l’Afghanistan puis l’Irak, contre ce même dictateur Saddam Hussein dont ils ont préservé le pouvoir à l’issue de la première guerre du Golfe. L’image de « gendarme du monde » des États-Unis souffre de l’illégitimité de cette guerre d’Irak, « guerre préventive » menée au nom de fausses accusations sur la possession par l’Irak d’armes de destruction massive.

En 2006, la population américaine franchit le cap des 300 millions d’habitants. Toujours première puissance économique du monde, le pays est toutefois devenu de plus en plus dépendant de capitaux étrangers, notamment chinois, pour financer son économie. Profondément ébranlé par le 11 septembre, il a adopté des lois anti-terroristes qui entachent son image de pays des libertés. Après un « siècle américain », le XXIe siècle s’ouvre, non comme une phase de déclin, mais plutôt de repositionnement des États-Unis.