Les frais de scolarité des universités américaines

The best Colleges in every State

La dette étudiante, condamnation à vie pour des millions d’Américains

Ouest-France Los Angeles (AFP) – 25 juin 2019

.            Elle vient d'obtenir son premier diplôme et si la suite de son cursus se passe bien, elle débutera sa vie professionnelle avec une dette d'au moins 100.000 dollars : pour Haley Walters, comme pour des millions d'Américains, c'est le prix à payer pour faire des études universitaires.

"La dette étudiante, c'est vraiment une condamnation à vie". C'est aussi un enjeu pour l'élection présidentielle de 2020. Le sénateur Bernie Sanders a promis lundi d'effacer la totalité des plus de 1.500 milliards de dollars de dette supportés par 45 millions d'Américains. La sénatrice progressiste Elizabeth Warren veut le faire totalement ou partiellement pour 95% d'entre eux.

"Quelqu'un qui obtient son diplôme cette année va quitter le campus avec plus de 35.000 dollars de dette étudiante en moyenne", résume Cody Hounanian, responsable de Student Debt Crisis, ONG californienne aidant les étudiants endettés et faisant campagne pour réformer un "système cassé".

Selon les statistiques officielles, 71% des étudiants sont affectés, et encore bien davantage parmi les minorités et les catégories les plus défavorisées. Même en tenant compte de la multitude de bourses et de financements disponibles, le coût des études aux Etats-Unis est tel que la plupart des emprunteurs ne parviennent pas à rembourser leurs prêts dans les délais. Ils sont obligés de rééchelonner cette dette sur vingt ou vingt-cinq ans, via des programmes fédéraux définissant des "mensualités abordables" par rapport à leurs revenus, explique l'expert.

Mais c'est souvent insuffisant. "Sur le long terme, la charge de la dette augmente, avec les intérêts. J'avais une dette étudiante de 30.000 dollars, je rembourse plus de 150 dollars par mois (...) mais ça ne couvre même pas la totalité des intérêts et, chaque mois, ma dette augmente. Je ne vais nulle part", assure Cody Hounanian.

Résultat: il n'est pas rare aujourd'hui de trouver deux générations d'étudiants endettés au sein d'une même famille, soulignent les spécialistes interrogés par l'AFP.

Ce sera bientôt le cas pour Haley Walters, fraîchement diplômée en sciences politiques du Pasadena City College, près de Los Angeles. Cette université publique attire essentiellement des étudiants issus de familles modestes car elle est très subventionnée. Haley a pu financer ses deux ans d'études sans emprunt, en cumulant aides et petits boulots. Mais à la rentrée, elle part étudier à la prestigieuse université de Berkeley, bien plus coûteuse. Même avec les bourses, elle en sera chaque année de sa poche pour environ 20.000 dollars qui "seront obtenus un prêt après l'autre, 5.000 dollars par-ci, 10.000 par-là", explique-t-elle.

Université gratuite?

.            Si Haley poursuit son cursus dans l'école de droit de ses rêves, elle sera avocate et endettée à hauteur d'au moins 100.000 dollars. Une situation qu'elle connaît depuis l'enfance: sa mère a 58 ans et n'a toujours pas fini de rembourser tous ses prêts étudiants.

Certains candidats, notamment démocrates, ont fait de la dette étudiante leur cheval de bataille, avec des propositions ambitieuses et souvent très controversées, comme l'annulation de cette dette pour les foyers les plus modestes ou l'université gratuite. "Mon père a grandi dans une famille extrêmement pauvre du sud de la Californie. S'il est allé à l'université, c'est parce que, à son époque, c'était gratuit", souligne Haley.

Mais les frais universitaires sont loin d'être la seule charge financière des étudiants, relève Cody Hounanian. En Californie par exemple, le logement et le coût de la vie sont très élevés et l'inscription représente moins de la moitié des 35.000 dollars nécessaires en moyenne pour une année d'étude dans une université publique (65.000 pour les étudiants n'étant pas de Californie).

Les frais de scolarité s’envolent pour les étudiants américains

Contrepoints - Chloé Lourenço.- 01 mai 2017

Aux États-Unis, les jeunes s’endettent depuis longtemps pour faire des études supérieures. Et les frais d’inscription continuent à augmenter. Résultat : des générations endettées à vie.

.           La dette des étudiants américains représente environ 1200 milliards d’euros, soit la moitié de la dette publique française. Aux États-Unis, on compte 44 millions d’étudiants et surtout d’ex-étudiants qui se sont endettés pour financer leurs études et qui se retrouvent avec une dette colossale (en moyenne, 32 000 €).

Pas étonnant que 8 millions d’entre eux soient en défaut de paiement, alors que leur vie d’adulte commence à peine. Et le plus spectaculaire, c’est que cette dette a progressé de 170% en 10 ans, c’est-à-dire que depuis 2006, elle a presque triplé. Une étude du magazine Forbes a même noté que le coût de l’enseignement supérieur avait augmenté de 440% en 25 ans.

Pendant longtemps aux États-Unis, faire des études était considéré comme le symbole d’une vie réussie. Il s’agissait d’un sésame pour avoir un bon travail, acheter une maison et avoir des enfants. Aujourd’hui, de nombreux lycéens à la porte des universités hésitent à hypothéquer leur avenir.

On peut comprendre l’ampleur du problème lorsqu’en 2012, Barack Obama alors en pleine campagne présidentielle, déclarait à des étudiants de Caroline du Nord que sa femme Michelle et lui avaient fini de rembourser leurs prêts étudiants en 2008 seulement.

Un système pipé

.           Mais comment expliquer un tel phénomène ? L’envolée des frais de scolarité y est pour beaucoup. Alors que l’inflation n’est que de 2,5% aux États-Unis, le prix d’une année à la fac progresse lui de 9% à 12%. Une année dans l’un des plus prestigieux Collèges du pays peut revenir à 70 000€. Les étudiants contractent des prêts pour financer leurs études, dans l’espoir de décrocher un emploi très bien rémunéré qui leur permettra de rembourser.

Et quand le prêt ne suffit pas, ils sont obligés de travailler pour couvrir toutes leurs dépenses (nourriture, loyer, sorties). Surmenés par des journées trop chargées, les étudiants mettent deux fois plus de temps à obtenir leurs diplômes, ce qui accroît d’autant leurs dettes. Un cercle vicieux s’installe lentement, un tourbillon dont ils ne pourront pas s’extraire.

Nombre d’entre eux abandonnent leurs études en cours de route ou bien sont éjectés par le système s’ils n’ont pas de bons résultats. Ils se retrouvent avec une dette astronomique et un salaire beaucoup plus faible qu’escompté. Même ceux qui arrivent au bout de leurs études déchantent une fois sur le marché du travail et croulent sous une dette qu’ils ne rembourseront jamais. La Federal Reserve a établi des statistiques qui montrent que les plus de 60 ans représentent la génération pour laquelle l’encours des prêts étudiants a le plus augmenté. Certains partent même à la retraite en continuant de rembourser leurs dettes.

Pour payer leurs études, des Américains s’engagent à partager leur futur salaire avec leur école

Ouest-France – 29 avril 2019

La dette étudiante, un véritable fardeau aux États-Unis. Quand les études coûtent plusieurs dizaines de milliers de dollars par an, des étudiants n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Des « contrats de partage de salaire » ont vu le jour et sont proposés par quelques universités et centres de formation privés : l’école accorde une avance en échange d’un pourcentage fixe du futur salaire des étudiants pendant plusieurs années.

Des étudiants diplômés à la Harvard University de Cambridge, au Massachusetts (États-Unis), le 26 mai 2016. | BRIAN SNYDER / REUTERS

.            Aux États-Unis, où la dette des étudiants ne cesse de grimper, certains préfèrent éviter un énième emprunt bancaire en optant pour une solution nouvelle : une avance de l’école en échange d’un pourcentage fixe de leur futur salaire pendant plusieurs années.

S’ils ne trouvent pas de travail ou que leur rémunération reste en dessous d’un certain seuil, les remboursements peuvent être suspendus. Ces « contrats de partage de salaire » (Income Share Agreement, ISA) ne sont pour l’instant proposés que par quelques universités et centres de formation privés.

Mais en plein débat sur le fardeau de la dette étudiante, qui s’élève dans le pays à 1 500 milliards de dollars et grève pendant des années les budgets de nombreux Américains, ils suscitent un intérêt grandissant.

Des études à 30 ou 40.000 euros l’année

.            C’est en partie grâce à ce programme que Paul Laurora obtiendra son diplôme d’ingénieur chimiste à l’université Purdue, dans l’Indiana. Malgré des prêts subventionnés par l’État fédéral, ses propres économies et une contribution de ses parents, le jeune homme de 22 ans s’est retrouvé à court d’argent après seulement deux ans d’études, à environ 40 000 dollars l’année.

La banque lui ayant refusé un nouveau prêt, il a commencé à vendre des objets sur eBay et envisageait d’arrêter ses études pour prendre un emploi pendant un semestre, ou d’utiliser l’épargne-retraite de ses parents, quand il a eu vent des ISA.

L’université lui a avancé environ 30.000 dollars, qu’il remboursera en reversant 9,6 % de son salaire pendant une durée qui dépendra de son niveau de revenus.

L’université Purdue a été la première grande institution publique à proposer des ISA. De 2016 à 2018, environ 9,5 millions de dollars ont été avancés, à 759 étudiants. D’autres établissements lui ont emboîté le pas, avec leurs spécificités. Le Colorado Mountain College réserve par exemple ce programme aux étudiants sans-papiers ne pouvant pas accéder aux prêts subventionnés par le gouvernement.

Des centres de formation privés ont aussi adopté ce système, à l’image de General Assembly, qui propose des formations intensives en informatique de trois mois, à 40.000 dollars. Les étudiants signant un ISA ne paient rien, mais s’engagent à reverser 10 % de leur salaire pendant quatre ans s’ils gagnent au moins 40 000 dollars par an, jusqu’à une fois et demie le montant de la scolarité.

S’ils gagnent bien leur vie, ils devront rembourser plus

.            « Ils savent que s’ils gagnent bien leur vie, ils devront rembourser plus », affirme Tom Ogletree, chargé de s’assurer que l’école reste accessible au plus grand nombre. Mais « il y a toujours des imprévus », et si besoin est, pour des raisons personnelles, familiales ou de santé, « ils peuvent suspendre les paiements ».

L’école ne recevant pas l’intégralité des frais de scolarité tant que l’étudiant n’a pas rempli son contrat, elle a tout intérêt à s’assurer de sa réussite professionnelle, remarque Tom Ogletree.

Certains établissements « financent les ISA eux-mêmes, quand d’autres ont recours à des dotations, des administrateurs et des investisseurs », détaille Tonio DeSorrento, fondateur d’une société aidant les écoles à concevoir leurs propres contrats puis à en assurer le suivi, Vemo Éducation.

Ce nouveau système, qui existe également en Amérique latine, n’est pas une solution miracle, préviennent plusieurs experts. Certains établissements peuvent les utiliser pour attirer toujours plus d’étudiants, au risque de nourrir l’explosion des frais de scolarité.

Les ISA renforcent par ailleurs les inégalités, affirme Jessica Thompson, de l’Institut pour l’accès et le succès aux études supérieures : les conditions financières sont souvent plus favorables aux étudiants engagés dans des spécialités a priori plus lucratives.

La popularité de ce système va s’accélérer

.            Ces nouveaux contrats ont en tout cas ouvert un nouveau marché plébiscité par Wall Street. Une nouvelle plateforme, Edly, permet aux investisseurs accrédités de parier sur les programmes d’établissements présélectionnés.

Elle a déjà levé deux millions de dollars pour le centre de formation d’ingénieurs informatiques Holberton, à San Francisco.

Pour des investisseurs en quête de placements nouveaux, les ISA offrent un rendement relativement attrayant, affirme le co-fondateur d’Edly, Charles Trafton.

La législation autour des ISA est pour l’instant floue, même si des textes sont en discussion au Congrès et dans plusieurs États. Mais « une fois que les établissements et les investisseurs connaîtront vraiment les règles du jeu », prédit Charles Trafton, « la popularité des ISA va encore s’accélérer ».

Aux États-Unis, la dette étudiante fait le show

Ouest-France - Thibaut Chéreau – 30 Jul 2018

Un jeu télévisé américain propose à des étudiants de payer leurs études. Le but est d’attirer l’attention sur le montant des dettes universitaires en forte augmentation ces dernières années.

Les candidats répondent à des questions sur la vie quotidienne des étudiants Sur le plateau tout le monde a le sourire mais la situation des participants est dramatique.

.            Paid Off (Remboursé) est une émission diffusée depuis le début de juillet 2018 sur la chaîne américaine TruTV. Le principe est simple, trois étudiants étranglés par les dettes contractées pour leurs études universitaires répondent à des questions humoristiques.

Suivant leurs performances, ils peuvent espérer rembourser jusqu’à l’intégralité de ce qu’ils doivent aux banques. À l’origine du programme, le présentateur Michael Torpey justifie le concept. « Ce jeu ne devrait pas exister, explique-il à la fin de chaque émission. N’attendez pas pour appeler vos élus et dites-leur que nous avons besoin d’une meilleure solution que ce jeu télévisé ».

45 millions d’Américains touchés

.            Il faut dire qu’aux États-Unis, l’ampleur des prêts étudiants fait craindre une nouvelle bulle financière, comme celle des subprimes en 2008.

Le phénomène touche 45 millions d’Américains devant rembourser en moyenne 33 500 €. Le montant total des prêts à rembourser a atteint 1.280 milliards d’euros soit la moitié du PIB français.

Comment la première puissance économique mondiale en est arrivée là ? Selon le magazine Forbes, les frais de scolarité ont augmenté de 440 % en 25 ans. Actuellement, une année dans une université privée coûte en moyenne 30.000 €. Ces établissements multiplient les dépenses pour attirer les étudiants avec pour modèle les prestations de « l’Ivy League », le cercle des huit meilleures universités américaines. Nombre d’étudiants n’ayant pas pu intégrer une université publique intègrent aussi ces très chères écoles privées sans l’assurance de ressortir diplômés.

Partir pour fuir les créanciers

.            L’enseignement public demeure plus accessible avec un coût d’environ 8.500 € en moyenne mais les frais de scolarité sont en augmentation poussés par la course avec le privé. Une fois diplômés, les ex-étudiants doivent souvent payer des intérêts et ne peuvent espérer rembourser leurs prêts avant plusieurs dizaines d’années. Pour y échapper, certains font le choix de quitter les États-Unis pour fuir leurs créanciers.


L’enseignement privé lucratif, premier responsable de la crise de la dette étudiante américaine

The Conversation - Jean-Philippe Ammeux - 04 avril 2019 

Le montant de la dette étudiante américaine est estimée à environ 1 500 milliards de dollars.

.            La croissance rapide de la dette étudiante américaine inquiète de nombreux observateurs qui craignent l’éclatement d’une crise financière systémique analogue à celle des subprimes.

Le montant de cette dette est de l’ordre de 1 500 milliards de dollars. Le coût de plus en plus élevé des études supérieures et la réduction des financements publics, entraînent un recours massif à l’endettement de la part des étudiants. Cependant, la nature de cet endettement est bien différente des autres crédits contractés par les ménages américains. En effet, à la différence des crédits à la consommation et des crédits immobiliers, le crédit destiné aux études supérieures permet la constitution d’un capital humain susceptible de générer des revenus futurs potentiellement élevés.

Les études de l’OCDE montrent clairement que l’investissement dans les études supérieures est très rentable. Aux États-Unis, l’Université de Georgetown a montré que les titulaires d’un bachelor ont une espérance de revenu, sur l’ensemble de leur vie, supérieure d’environ 1 300 000 dollars à ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures. La dette étudiante moyenne, proche de 30 000 dollars, est remboursable aisément par la majorité des diplômés sachant, qu’en moyenne, le titulaire d’un bachelor débute dans la vie professionnelle avec un salaire annuel supérieur à 50 000 dollars.

Selon l’OCDE, l’investissement dans les études supérieures reste très rentable.

De façon surprenante, Judith Scott-Clayton de l’Université de Columbia a en outre observé que plus les étudiants contractaient des dettes importantes, moins ils faisaient face à des problèmes de remboursement. Ceci s’explique par le fait que les meilleures universités américaines, le plus souvent des institutions privées non lucratives (fondations, associations), sont chères mais offrent de belles perspectives professionnelles. L’investissement en capital humain dans les études supérieures de qualité est donc une très bonne chose pour l’avenir des jeunes et de la société (les gains privés et publics sont élevés), même si cela conduit à un endettement important.

Un taux de défaut qui reste élevé

.            Sachant par ailleurs que 81 % de la dette étudiante américaine est financée sur fonds fédéraux, on voit bien qu’il n’y a pas de comparaison possible avec la crise des subprimes en matière de diffusion d’une crise systémique.

Néanmoins, si le volume de la dette étudiante américaine n’est pas un problème en soi, on constate que les défaillances de remboursement ont fortement progressé. La Federal Reserve Bank of New York révèle ainsi que le taux de défaut grave de remboursement est passé de 6,03 % au premier trimestre 2006 à 11,83 % au troisième trimestre 2013, lorsqu’il a atteint son maximum. La crise de 2007-2009 a eu un impact important sur l’emploi des Américains, y compris les diplômés de l’enseignement supérieur. Mais, ce qui est surprenant, c’est que ce taux de défaut reste élevé, 11,42 % en décembre 2018, alors que la situation de l’emploi s’est considérablement améliorée. Il convient d’en rechercher la cause, qui est de nature structurelle, et d’identifier les mesures correctrices.

En se fondant sur des données détaillées fournies par le département américain de l’Éducation, Judith Scott-Clayton révèle que les défaillances de remboursement sont particulièrement concentrées sur les établissements privés lucratifs (for-profit). En outre, ses prévisions sont pessimistes : le taux de défaut des emprunteurs ayant fréquenté un for-profit college pourrait atteindre 70 % en 2023. Ceci est incomparable avec le taux de défaut enregistré après l’obtention d’un bachelor dans une institution publique ou privée non lucrative.

400 000 dollars de publicité par jour

.            Alexander Angulo, dans son livre Diploma Mills : How For-Profit Colleges Stiffed Students, Taxpayers and the American Dream, dénonce les pratiques peu scrupuleuses de ce type d’institution depuis le XVIIIe siècle. Il remarque que la recherche de profit rend très difficile la compatibilité avec les standards académiques et professionnels : « Si vous êtes dépendant des profits trimestriels, des revenus de scolarité, si votre principal objectif est d’impressionner les investisseurs, cela conduit à tronquer l’objectif fondamental de l’enseignement supérieur. »

Dans une étude menée pour le département du Trésor américain, Nicolas Turner et Stephanie Riegg constatent, qu’en moyenne, l’écart de revenu entre ceux qui ont fréquenté un for-profit college et ceux qui ne sont pas allés dans l’enseignement supérieur, n’est pas statistiquement significatif. Cela signifie qu’un grand nombre de formations dispensées par ces établissements ne correspondent pas aux besoins de l’économie. En référence à la définition de l’OCDE, elles représentent un investissement en capital humain nul !

On peut alors se demander pourquoi ces institutions ont connu un succès considérable en quadruplant leurs effectifs étudiants entre 2002 et 2010 (de 382 600 à 1 590 000 étudiants pour les formations de type de bachelor ou plus). Voici quelques explications que nous pouvons avancer :

  • Elles se sont adressées prioritairement à des populations relativement fragiles et peu informées – des Afro-américains, des personnes de milieu pauvre, des first generations (étudiants dont les parents ne sont pas allés à l’université) – et se sont acheté une légitimité avec la publicité. Par exemple, fin 2012, l’Université de Phoenix était le premier annonceur publicitaire de Google avec une dépense proche de 400 000 dollars par jour.
  • Elles ont bénéficié de la complicité involontaire de l’État américain qui accorde de façon quasi systématique, sans vérifier une réelle accumulation de capital humain, des prêts sur fonds fédéraux. Il est probable que les banques auraient été plus prudentes.
  • La grande récession américaine (2007-2009) a créé un effet contra-cyclique d’accroissement de demande de formation (besoin d’être mieux formé face à la baisse de la demande de travail et réduction du coût d’opportunité des études), qui a largement bénéficié à ces établissements.

Comportement prédateur

.            Mais, depuis quelques années, de nombreux for-profit colleges font l’objet de recours en justice pour leurs pratiques trompeuses et mensongères. 98,6 % des plaintes enregistrées par le département de l’Éducation viennent d’étudiants victimes d’institutions lucratives. Ainsi, le groupe privé Corinthian Colleges a payé une amende de 30 millions de dollars pour publicité mensongère concernant notamment les emplois des diplômés, avant de disparaître. La crise de réputation et l’effet contra-cylique de la reprise économique ont entraîné une baisse de 679 000 étudiants dans les for-profit colleges (- 43 %) entre 2010 et 2017. Sur la même période, les effectifs des universités publiques ont augmenté de 11,7 % et ceux des universités privées non lucratives de 6,2 %. La bulle des for-profit colleges est illustrée par l’évolution de leurs effectifs depuis 2002.

Évolution des effectifs dans les for-profit colleges (formation en quatre ans ou plus).

Finalement, la logique de marché conduit à une implosion du secteur for-profit dans l’enseignement supérieur américain, ce qui est similaire à la crise des subprimes. Dans les deux cas, des prêts ont été accordés à des populations fragiles pour des projets, d’éducation ou immobiliers, non soutenables. L’implosion du secteur for-profit devrait naturellement résoudre les problèmes de remboursement de la dette par les diplômés, mais cela prendra encore plusieurs années.

Pour éviter que des millions de jeunes se retrouvent piégés par des institutions lucratives peu scrupuleuses, il nécessaire d’instaurer une régulation plus stricte en contrôlant rigoureusement la qualité des formations et l’adéquation avec les besoins de l’économie. C’était l’intention de Arne Duncan, secrétaire d’État à l’éducation de Barack Obama qui voulait mettre fin aux dérives de ceux qu’il qualifiait de « bad actors », et qui étaient généralement des institutions lucratives. Mais le dispositif mis en place dans cette perspective, le Gainful Employment Rule, n’a pas été finalisé dans son exécution avant l’élection de Donald Trump. Une fois élu, celui-ci a fait en sorte qu’il ne soit pas appliqué.


L’école de médecine de l’université américaine NYU devient gratuite (et c’est une révolution)

L’Obs – 17 août 2018

Washington Square, la place autour de laquelle s’étend le campus de NYU.

.           Elle veut rendre l'école de médecine "accessible à une plus large population de postulants". L'inscription à la prestigieuse école de médecine de l'université NYU, à New York, va donc devenir gratuite pour tous ses étudiants à compter de la prochaine année scolaire. Une petite révolution pour un programme qui coûtait jusqu'ici plus de 220.000 dollars !

Les responsables de l'université ont fait la surprise aux étudiants de première année venus récupérer jeudi leur blouse blanche lors d'une cérémonie annuelle.

"Catalyseur d'une transformation des études"

.           Kenneth Langone, président du conseil de la New York University (NYU) Langone Health, l'école de médecine, a expliqué que la chose avait été rendue possible par les dons de mécènes. Cité dans un communiqué, il a expliqué : "Notre espoir, et notre attente, est qu'en rendant l'école de médecine accessible à une plus large population de postulants, nous soyons le catalyseur d'une transformation des études de médecine dans tout le pays."

Cette gratuité ne concerne cependant que les frais de scolarité. D'autres frais administratifs et le logement, estimés à 27.000 dollars l'année, seront toujours à la charge des étudiants.

Le cursus de l'école de médecine de la New York University, institution privée, dure quatre ans. Elle compte aujourd'hui 531 élèves, tous niveaux confondus. Selon le classement annuel de référence établi par le magazine US News, le programme est le troisième meilleur du pays.

1.410 milliards de dollars de crédits

.           Parmi les cent meilleures écoles de médecine aux Etats-Unis, rares sont les établissements publics, avec des frais de scolarité sensiblement moins élevés que les facultés privées.

Selon une étude de l'Association des écoles de médecines américaines (AAMC), les trois quarts des médecins diplômés en 2017 étaient endettés. La dette moyenne d'un diplômé : 202.000 dollars !

Au total, l'encours des crédits étudiants a atteint, fin juin, 1.410 milliards de dollars, après avoir plus que doublé en dix ans, selon les chiffres de la Réserve fédérale américaine. Dans un message vidéo publié sur Twitter, Kenneth Langone s'est enthousiasmé : "Le jour où ils décrochent leur diplôme, ils ne doivent rien à personne."


New York New York vient d’accepter une université sans frais de scolarité pour la classe moyenne

CNN-Money - Katie Lobosco - April 10, 2017 (Traduction libre)

.            New York devient le premier État du pays où les frais de scolarité seront gratuits pour les étudiants de la classe moyenne dans les collèges publics de deux et quatre ans.

.          Ce sera le cas pour les résidents qui disposent de revenus jusqu’à un certain plafond, et les dispositions seront mises en place progressivement au cours des trois premières années.

À compter de cet automne, les étudiants du premier cycle qui fréquentent une école de la State University of New York (SUNY) ou de la City University of New York (CUNY) seront admissibles à la bourse Excelsior si leur famille ne gagne pas plus de 100 000 $ par année. Le plafond de revenu passera à 110 000 $ l'an prochain et atteindra 125 000 $ en 2019.

Dans ces conditions, les étudiants ne paieront rien pour les frais de scolarité, qui s'élèvent à 6 470 $ par an dans les four-year schools et à environ 4 350 $ par an dans les community colleges. Mais ils devront toutefois payer les frais de campus s’ils y sont hébergés. Ces dernières dépenses peuvent s'élever à 14 000 $ par an.

.            Les étudiants devront prendre annuellement 30 crédits pour recevoir la bourse. Certains législateurs s'étaient cependant prononcés contre cette exigence, car elle excluait les étudiants qui s'inscrivent à temps partiel. Dans la proposition finale, M. Cuomo a déclaré que l'exigence en matière de crédits est " flexible ", de sorte que tout étudiant en difficulté pourra faire une pause et reprendre le programme, ou prendre un nombre variable de crédits d’un semestre à l’autre.

           Après l'obtention de leur diplôme, les étudiants qui ont été allocatiares de la bourse devront vivre et travailler à New York pendant un nombre d'années égal à celui où ils ont été boursiers. S'ils quittent l'État, leur bourse sera convertie en prêt.

.            Le coût de la bourse d'études est estimé 163 millions de dollars pour la première année, mais certains législateurs disent que c'est une hypothèse basse trop optimiste. On estime à 200 000 le nombre d'étudiants admissibles une fois que le programme sera entièrement mis en œuvre.

.            La bourse d'études est telle qu’elle doit combler le gap avec les autres subventions fédérales et d'État. Près de la moitié des étudiants à temps plein de SUNY, et plus de 60 % de ceux de CUNY, ne paient déjà rien pour les frais de scolarité en raison des subventions fédérales Pell basées sur les ressources des ayants droit ou des subventions New York Tuition Assistance. Ces étudiants ne seront donc pas admissibles à la bourse Excelsior.

Le président de SUNY, Carl McCall, et la chancelière Nancy Zimpher (...) ont déclaré qu'ils avaient "espéré un soutien plus important", en particulier pour les SUNY community colleges, où ils espèrent avoir plus d'étudiants grâce à cette bourse.

Certains législateurs républicains ont critiqué la proposition du gouverneur lors des négociations budgétaires parcequ’elle exclut les étudiants des collèges privés. Toutefois, le budget final prévoit 19 millions de dollars supplémentaires pour créer un nouveau programme d'aide financière pour les élèves des écoles privées dont les familles gagnent moins que le plafond de revenu, selon le gouverneur. Ces étudiants recevraient une bourse maximale de 3 000 $. Les collèges qui y participeraient devraient abonder d’une somme équivalente et accepter de ne pas augmenter les frais de scolarité de l'étudiant au moment de son inscription.

.            Le Tennessee, l'Oregon, et la ville de San Francisco ont récemment rendu les frais de scolarité gratuits dans les community colleges pour tous les résidents, indépendamment de leur revenu. Mais New York sera le premier État à rendre les frais de scolarité gratuits pour certains étudiants des collèges publics de quatre ans. Les législateurs du Rhode Island envisagent une proposition similaire visant la gratuité pour deux années d'études dans les collèges publics.


Cette université reçoit un don de 550 millions de dollars de la part d’anciens étudiants

Ouest-France - Nicolas Hasson-Fauré – 09 juin 2021

.            L’Université de Western Michigan, aux États-Unis, vient de recevoir un don de 550 millions de dollars, soit plus de 450 millions d’euros. Les donateurs sont d’anciens étudiants de l’établissement, qui sont restés anonymes.

.            Un grand sourire barre son visage. Edward Montgomery, le président de l’Université de Western Michigan, aux États-Unis, a une (très) bonne nouvelle à communiquer aux journalistes qu’il a invités à une conférence de presse, en ce mardi 8 juin 2021 : un groupe d’anciens étudiants de l’établissement vient d’effectuer un don considérable à l’université : 550 millions de dollars, soit plus de 450 millions d’euros !

Un chiffre jamais atteint pour une université publique aux États-Unis, selon le quotidien américain The Street Journal. Les (très généreux) donateurs sont restés anonymes.

L’établissement, situé dans la ville de Kalamazoo, dans le nord du pays, va utiliser une partie de cette somme pour financer des bourses d’études. Les frais de scolarité sont très élevés aux États-Unis, et nombre d’étudiants s’endettent pour s’en acquitter.

Outre les bourses, la donation va également financer des travaux de recherche médicale, ou des programmes de soutien aux étudiants, entre autres.

L’université, fréquentée par quelque 21 000 étudiants, ne va pas recevoir ces 550 millions de dollars d’un coup : cette somme va lui être versée, via la fondation de l’établissement, au cours des dix prochaines années.

Une vue aérienne du campus de l’Université de Western Michigan. (Capture d’écran : YouTube / WMU Admissions Social Media)

.            Si considérable soit-elle, cette donation n’est pas la plus élevée jamais reçue par une université américaine.

Le record a été établi par Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York. En 2018, le milliardaire avait donné 1,8 milliard de dollars, soit plus de 1,4 milliard d’euros, à un établissement privé, l’Université Johns-Hopkins de Baltimore !

D’autres universités publiques ont reçu des dons considérables, comme celles de l’État de l’Oregon ou de l’État de Californie à San Francisco, qui avaient chacune bénéficié de 500 millions de dollars (plus de 400 millions d’euros) en 2016 et en 2017, respectivement.

.            Aux États-Unis, ces donations font partie de l’économie des universités, explique Edward Montgomery au quotidien américain The Washington Post. Les financements publics diminuent et, aujourd’hui, l’État du Michigan, où se trouve Kalamazoo, prend à sa charge un quart du budget de l’établissement.

Les 75 % restants proviennent des frais de scolarité, mais aussi de ces dons, entre autres. « C’est pour cela que ce soutien philanthropique supplémentaire est vraiment essentiel, pour nous », poursuit-il.

.            Ainsi, jusqu’ici, la Western Michigan University avait levé quelque 480 millions de dollars (393 millions d’euros) de dons, cette année. C’est beaucoup moins que l’Université du Michigan, qui avait touché, elle, lors de l’année fiscale 2020 … 12,5 milliards de dollars de dons, soit plus de 10 milliards d’euros !

Selon le Wall Street Journal, des donations considérables comme celle qui vient d’être effectuée se sont multipliées, au cours des dix dernières années, aux États-Unis.

Mais jusqu’à récemment, celles-ci concernaient « quasiment exclusivement des universités privées ». Le fait que des établissements publics touchent ces fonds est donc relativement nouveau.

.            Et les donateurs, pourquoi transfèrent-ils ces importantes sommes d’argent à des universités ? Une chercheuse britannique, Beth Breeze, la directrice du Centre de philanthropie de l’Université du Kent, au Royaume-Uni, a tenté de répondre à cette question, dans un article publié sur le site The Conversation.

Elle avait identifié plusieurs mécanismes, qui pourraient expliquer ces dons. L’un d’eux, c’est que les universités, par nature, touchent à une foultitude de domaines différents. Cette diversité permettrait aux donateurs de pouvoir diriger leur fonds vers un domaine qui les intéresse : recherche scientifique, arts, activités culturelles ou sportives…

.            Dernier élément, aux États-Unis ou dans d’autres pays de la planète, les donations effectuées à ces établissements sont déductibles des impôts, précise la prestigieuse université américaine Harvard.