Un train secret passe sous le Capitole à Washington.
Ouest-France - Agence France-Presse (AFP) – 01 oct 2021
Depuis 1909, le système ferroviaire souterrain du Capitole, à Washington (États-Unis), transporte des présidents américains, des parlementaires, des juges de la Cour suprême et même des stars d’Hollywood. Ce train secret est devenu le mode de transport préféré de certaines personnalités politiques pour se rendre au Congrès américain.
. Fréquenté par des présidents, des parlementaires briguant la Maison-Blanche, des juges de la Cour suprême et même des stars d’Hollywood… C’est le mode de transport préféré de certains politiques, parmi les plus influents du monde. Et pourtant, la plupart des Américains ignorent son existence. Le système ferroviaire souterrain du Capitole à Washington (États-Unis), un réseau de petits trains qui parcourent les entrailles du siège du Congrès, transporte les parlementaires depuis 1909, année de son inauguration.
Un peu d’histoire
. Ce métro était d’abord destiné aux sénateurs, qui espéraient ainsi éviter la forte chaleur moite de l’été à Washington pour faire le trajet de leurs bureaux jusqu’à l’Hémicycle. Il s’agissait au départ d’automobiles électriques (Studebaker) qui furent remplacées trois ans plus tard par un système monorail.
Voilà à quoi ressemblait le train à ses débuts, comme ici en 1934. (Photo : Library of Congress / AFP)
Puis, en 1960, quatre petits trains électriques, que l’aumônier du Sénat surnomma « l’express de la démocratie », furent inaugurés pour un coût de 75.000 dollars de l’époque. Du côté de la Chambre des représentants, une ligne fut mise en place cinq ans plus tard. Et en 1993, une ligne sans chauffeur à 18 millions de dollars fut inaugurée en grande pompe.
Désormais, ce métro du Capitole comporte trois lignes et six stations. Les rails parcourent près d’un kilomètre et les 90 secondes nécessaires pour passer d’une station à l’autre offrent juste assez de temps pour un mini-débat politique, de petits potins, une conférence de presse improvisée ou un moment de rêverie.
Un assassinat raté
. L’effervescence règne dans sa station principale, installée dans les sous-sols du Sénat, lorsque les parlementaires siègent. À chacune des arrivées de trains rythmées par des sonneries, une nuée de journalistes se rue sur les sénateurs pour les interroger sur les sujets brûlants du jour. Mais les échanges ne sont pas toujours conviviaux.
En 1947, un ex-policier du Capitole, William Kaiser, avait ouvert le feu sur un sénateur, John Bricker. Ce candidat malheureux à la présidentielle s’était alors engouffré dans une rame de train à l’arrêt, criant au chauffeur de démarrer tandis qu’une deuxième balle passait au-dessus de sa tête. « La chance et le fait que son assaillant était un très mauvais tireur ont sauvé le sénateur », avait rapporté à l’époque le New York Times. En d’autres temps plus apaisés, les politiques ont aussi pu trouver dans ces trains un havre de paix, loin du rythme frénétique de Washington.
À l’intérieur, les utilisateurs ont toutes leurs aises pour bavarder. (Photo : Olivier Douliery / AFP)
Accès refusé à « JFK »
. William Howard Taft, le 27e président des États-Unis, avait ainsi provoqué la panique de son entourage en disparaissant un samedi de janvier 1911 pendant une heure environ… pour aller voir les trains du Capitole. « Une intense vague de peur avait submergé la ville lorsqu’aux questions anxieuses lancées à la Maison-Blanche, on répondit qu’on ne savait pas où se trouvait le président », avait écrit à l’époque le Washington Times.
Des prétendants à la Maison-Blanche comme Ronald Reagan mais aussi Barack Obama et John McCain, sénateurs pendant leurs campagnes, ont voyagé à bord du train du Congrès. On en avait en revanche refusé l’accès à un jeune « JFK », qui n’était alors encore que le simple sénateur Jack Kennedy, en lui disant : « Laissez passer les sénateurs, fiston. »
L’une des stations du métro secret situé dans le sous-sol du Congrès. (Photo : Olivier Douliery / AFP)
Les célébrités adorent
. Le train n’a pas que des inconditionnels. Certains ont regretté l’impact néfaste de son passage sur leurs coiffures soignées. Un ancien parlementaire républicain, Mike DeWine, avait interdit aux membres de son équipe de le prendre, pour dénoncer ce qu’il considérait comme du gaspillage d’argent public.
Des célébrités aussi ont goûté aux plaisirs de ce train inattendu : Richard Gere, Chuck Norris, Denzel Washington ou le musicien Bono. Le compositeur et acteur Lin-Manuel Miranda, auteur de la comédie musicale Hamilton, s’est même filmé en 2017, chantant à tue-tête à bord de ce qu’il présentait comme le « train secret du Congrès ».
Certains habitués voient pourtant la fréquentation du métro du Capitole baisser, les parlementaires étant de plus en plus nombreux à compter leurs pas pour rester en forme, et à préférer marcher le long des voies. Le flot de passagers ne risque toutefois pas de se tarir tant que les élus devront sillonner les entrailles du Capitole entre un vote et une réunion. Et, comme le souligne l’historien Dan Holt, cela reste le moyen de transport idéal « si vous êtes pressé ».