Le système de santé aux Etats-Unis
Le Figaro – Anne-Laure Frémont - 31 mars 2020
LE FIGARO.- Le système de santé américain est-il armé pour faire face à l’épidémie du Covid-19?
. Élisa CHELLE. Difficile de parler du système de santé américain au singulier. On est à l’opposé de la centralisation à la française, c’est un système très éclaté avec des acteurs très divers : des hôpitaux privés à but lucratif qui fonctionnent comme des entreprises (ils étaient 983 en 2015), des hôpitaux privés à but non lucratif (2.845) et des hôpitaux publics (environ 1.250) où sont pris en charge gratuitement les anciens combattants et le personnel du ministère de la Défense. Sans oublier les dispensaires pour les plus défavorisés qui ne peuvent pas payer les soins. À cette diversité d’acteurs s’ajoute une profonde inégalité dans leur répartition sur le territoire américain. L’État de New York, dont le nombre de cas de Covid-19 explose, est aussi le mieux pourvu en hôpitaux. L’Oregon, de son côté, est le moins doté en lit par habitant : 1,6 pour 1000, pour une moyenne nationale de 2,9, 76° rang mondial, (en France, c’est 6,5 lits / 1000, 20° rang mondial). La performance globale du système recouvre donc énormément de disparités.
Les services de réanimation des États vont-ils être débordés ?
. Tout dépendra évidemment de la façon dont affluent les malades sur l’ensemble du territoire. Le pays compte environ 80 000 lits de soins intensifs pour adultes. Mais en temps normal, pour des raisons de rentabilité, entre 2/3 et 3/4 des lits sont occupés. Le système est donc très vite mis sous tension. Face à la crise toutefois, les hôpitaux sont réactifs : les lits disponibles (sur un total de 780 .000 environ) sont convertis pour assurer les soins intensifs.
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Mais qui a le droit à une protection de santé aux États-Unis ?
. Une personne active sur deux est assurée par son employeur. 34 % de la population bénéficie de Medicare (pour les personnes âgées ou handicapées) ou de Medicaid (pour les personnes les plus pauvres avec enfants). Ensuite, 6 % des Américains souscrivent une assurance à titre individuel : ce sont par exemple des personnes de classe moyenne ou supérieure entre deux contrats de travail. Restent 9 % de non-assurés. Parmi ces derniers, pour des raisons idéologiques ou religieuses, une minorité de gens refuse qu’on lui impose une assurance de santé. Mais la plupart des non-assurés sont des travailleurs précaires ou indépendants.
. L’Obamacare leur permet certes de souscrire des contrats d’assurance subventionnés par l’État fédéral ou d’intégrer le programme Medicaid dans certains États. Malgré tout, 28 millions d’Américains ne sont toujours pas assurés. Ils ne font pas appel à l’Obamacare car les contrats ne couvrent pas tout. Les franchises peuvent s’élever à plusieurs milliers de dollars et les contraintes administratives pour y souscrire peuvent s’avérer fastidieuses.
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Choisir entre sa santé et ses finances : le dilemme de millions d’Américains
Le Figaro – Armelle Vincent - 31 mars 2020
. En février dernier, une jeune femme s’est présentée trois fois aux urgences de son hôpital de Boston avec les symptômes du virus. Renvoyée chez elle les deux premières fois, elle a été testée - positive - au bout de la troisième. Quelques semaines plus tard, elle a reçu la facture : 34.927,43 dollars.
. Il est encore trop tôt pour connaître ou même estimer les sommes que devront payer les Américains contaminés par le Covid-19 : les pires ravages de la pandémie sont à venir et les factures ne commencent généralement à s’empiler dans les boîtes aux lettres que plusieurs semaines après la fin des traitements. « Lorsque les malades sont hospitalisés, ils reçoivent des soins de différents spécialistes affiliés à l’hôpital mais non employés directement par l’établissement. Il peut s’agir par exemple d’un anesthésiste ou d’un pneumologue, explique une infirmière. Le patient ne choisit rien, ignore souvent qui, parmi les membres du personnel soignant, est couvert par son assurance-santé ou non. Une fois rentré chez lui, il commence à recevoir plusieurs factures distinctes, émanant de l’anesthésiste, du laboratoire, de l’hôpital lui-même, etc. C’est effarant. Lorsque j’étais infirmière à l’hôpital, les patients me demandaient parfois combien allait coûter tel ou tel soin. J’étais incapable de leur répondre. Je n’avais aucune idée des prix, qui diffèrent selon les établissements, ni des honoraires des divers praticiens. Cela n’a changé que récemment. … »
. Plusieurs cas de figure se présentent et à moins d’avoir la meilleure assurance-santé possible (individuelle ou par le biais d’un employeur), aucun n’est idéal, bien loin de là. Même si le test du Covid-19 doit en principe désormais être pris en charge, son coût est minime comparé aux tickets modérateurs, qui peuvent s’élever jusqu’à 70 euros pour une simple visite, et aux fameux « deductibles » (qui peuvent varier de 1 000 à 10 000 euros/an), qu’un assuré doit payer avant d’être pris en charge.
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. « On peut s’attendre à des milliers de personnes infectées qui attendront la dernière minute pour avoir recours aux soins par peur de ne pouvoir les payer »