Burning Man consume le matérialisme dans le désert du Nevada
Le Figaro – Thomas Lestavel – 29 jan 2020
. Une fois par an, des milliers de fêtards célèbrent la nature, la créativité et le collectif lors d’une semaine hors du temps, sans argent ni commerces. Mais sa popularité lui fait perdre de son essence.
. Tous les ans, ils sont des milliers de « burners » à se rassembler fin août dans le désert du Nevada. Dans des conditions extrêmes, 40 degrés le jour, 5 degrés la nuit, et la poussière de sable qui s’insinue partout, 80.000 hommes et femmes passent une semaine hors du temps. Ils viennent là pour faire la fête, exprimer leur créativité et rencontrer d’autres personnes. « Burning Man n’est pas un festival dont on vient consommer le programme. C’est un événement généré par ses participants. Ceux-ci proposent des performances, des sculptures et des ateliers », explique un ancien expatrié aux Etats-Unis qui s’y est rendu à onze reprises.
. Si l’entrée coûte 425 dollars, il n’y a rien à acheter sur place, à part quelques denrées de base comme le café. On apporte sa propre nourriture. Chaque camp, qui comprend plusieurs dizaines de personnes, s’organise : il y a ceux qui installent le générateur, ceux qui cuisinent, ceux qui transportent le matériel … « À Burning Man, je vis une semaine low-cost et j’en sors plus heureux. Je me douche avec un spray pour plantes et ça fonctionne très bien ! J’apprends la simplicité », témoigne-t-il « Je ne vois pas d’argent ni de publicité pendant sept jours. Le matérialisme disparaît de mon quotidien et ça me ramène à l’essentiel, la rencontre avec l’autre », renchérit une formatrice indépendante, elle aussi adepte de l’événement.
Lieu de contre-culture
. Les « burners » les plus motivés fabriquent des œuvres éphémères, de taille plus ou moins grandiose, comme cette sculpture en bois de 22 mètres de haut représentant un homme et une femme en train de s’enlacer. « La beauté du désert vous subjugue. Vous voyez çà et là des œuvres d’art magnifiques et délirantes. Vous êtes tout simplement dans un autre monde, féerique », décrit la formatrice. La semaine s’achève par le bûcher d’un géant en bois, le fameux « homme qui brûle ».
. Ce lieu de contre-culture, où la drogue est monnaie courante, est devenu tendance, au point de perdre une partie de son âme. On y trouve de plus en plus de personnes aisées, des cadres supérieurs mais aussi des entrepreneurs de la tech venus « réseauter ». Sans oublier les célébrités. La création d’un petit aérodrome pour les VIP en jet privé a fait l’objet de débats enflammés dans la communauté des « burners ». « La tolérance fait partie des valeurs de Burning Man. On ne cherche pas à changer les autres. On a constaté que le nombre de participants à venir en avion était anecdotique donc on n’a pas décidé de l’interdire ».
. La pratique fait un peu tache pour une manifestation qui se veut écolo. Un des dix principes fondamentaux de Burning Man est de « ne laisser aucune trace en partant ». Faire venir 80.000 personnes dans le désert pendant une semaine génère en tout cas des transports conséquents en personnes, en matériel et en déchets, ainsi qu’une consommation importante d’énergie pour se chauffer la nuit et réfrigérer les aliments le jour. « Burning Man nous sensibilise à la beauté de la nature, nous apprend à l’aimer et nous donne envie d’en prendre soin. On tente de réduire l’impact environnemental en recyclant des objets, par exemple on construit des évaporateurs à partir de roues de vélo ».
. Lors de l’ouragan Katrina en 2005, des habitués du Burning Man ont créé une ONG qui intervient sur les lieux de catastrophes naturelles afin d’aider les populations à reconstruire les lieux : Burners without borders. De quoi faire profiter à d’autres ce qu’ils ont appris dans le désert. Le système D.