The Seattle Star – Monday, august 14, 1922
Un randonneur de Seattle est vénéré en Inde.
Une interview, tout en marchant, du va-nu-pieds Martinet.
Le globe trotteur, aux pieds et tête nus, Hippolyte Martinet, parti de Seattle en octobre 1920, pour un tour du monde à la marche, suscite, d’après le Englishman de Calcuta, beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme chez les Indiens. Le Englishman est un journal quotidien de Calcuta, dont un correspondant, dans une récente édition, a publié un entretien avec l’« homme en treillis » qui stupéfie les gens.
Selon l’article, le correspondant, même pendant l’interview, avait des difficultés à suivre Martinet. Martinet n’interrompit pas sa marche, à travers les quartiers de Andul, Bengali et Santragach, gardant son allure cadencée à 6.5 km à l’heure.
Quand Martinet, un homme de 1.73 m, à la chevelure brune, quitta Seattle en 1920, il déclara son intention de marcher autour du monde. Il traversa les Etats-Unis en 4 mois. Il navigua jusqu’en Angleterre, qu’il quitta ensuite pour le continent, pour traverser à la marche la France, l’Italie, l’Albanie, l’Egypte, l’Arabie et enfin atteindre l’Inde, où l’on dit que les hindous se prosternent et le vénèrent comme un "avatar", une incarnation de la divinité, lorsqu’il traverse leurs villages. Ils ont entendu parler de ses exploits et les dit stupéfaits.
On rapporte que Martinet, en outre, s’arrête juste le temps de manger et boire, ce que les gens lui donnent volontiers. Il continue son tour du monde, sans chapeau, sans chaussures, se qualifiant simplement de "globe-trotter".
The St Louis Star - Saturday evening, september 10, 1921
Un Américain, en tournée, pieds nus, affirme en Suisse qu’il est parti de Seattle, pour un tour du monde à pied.
Territet, Suisse, 10 septembre - Pied nus et accompagné d’un chien, un Américain du nom de Hippolyte Martinet est passé par ici, en route pour un tour du monde à pied. Il portait la totalité de ses effets personnels sur ses épaules. Il dit qu’il était parti de Seattle (Washington) … et qu’il avait traversé le pays, des Rocheuses à l’Atlantique. Il passa ensuite par Anvers, Paris, Lyon, Marseille, Nice et Genève.
Quelle histoire !
http://www.mylhcv.com/saturdays-bad-luck-for-the-martinets/ - Louisiana Historical & Cultural Vistas – sep 2014
Pierre-François-Hippolyte Martinet. Probablement prise à Saint-Martinville, entre 1895 et 1900.
. 15 novembre 1890, ce samedi soir promettait d'être un soir comme les autres ! Pierre-François-Hippolyte Martinet, Pierre Nectoux, et Alexandre Faucheux, se retrouvent pour boire un verre au magasin de Joseph-Fortuné de Penne, rue Principale, à côté du palais de justice, à Saint-Martinville, une petite ville de Louisiane à quelques dizaines de kilomètres au sud de La Fayette.
Les lampadaire électriques n'existaient pas à l'époque. Il fait sombre, et le saloon du coin était faiblement éclairé avec des lampes à kérosène ; suffisamment toutefois pour jouer aux cartes, et faire la fête. De Penne était un homme sérieux, descendant d'une longue lignée d'hommes d'affaires du côté de son père, qui ont gagné le respect et la confiance par la qualité de leurs produits, mais aussi leur réserve et discrétion.
A un moment de la soirée, de Penne signifie à ses trois amis qu'ils ont assez bu et qu'il s’apprête à fermer le magasin. A la sortie du magasin, ils croisent l’officier de police Charles Voorhies et Gaétan Fuselier.
En état d'ébriété, Martinet s'approche de Fuselier, le fixe dans les yeux et en plaisantant, le saisit à la gorge, pensant qu'il s’agissait de d vz&s²é bce Penne qui venait de leur demander de quitter le magasin. Fuselier réagit en lançant plusieurs coups de poing à Martinet.
Nectoux dit alors à son ami Martinet "si tu n’as pas de revolver, voici le mien". Voorhies lui demande de remettre l'arme ; apparemment, sans grand succès. Les deux hommes s’engagent dans un échange de six coups de feu. Les deux s’en tirent bien et Martinet s'enfuit vers sa maison, près de la rue Honoré.
. En 1890, on était au plus fort du « regulatorism », le « vigilanteism », (de petites troupes supplétives, les régulateurs, et des justiciers se chargeaient de faire "respecter" la –leur- loi). Craignant pour sa vie il décide d’abandonner sa femme, Fidélice Sidonie Detiège, leur neuf enfants (le dernier né en 1889), son entreprise de construction navale et d'architecture, pour rejoindre, probablement, la Nouvelle Orléans, où son frère, Louis-André "L.A". Martinet était un activiste réputé, avec un passé de législateur, médecin, avocat et rédacteur en chef, fort de ses réseaux politiques fédéraux et étatiques.
Le samedi 6 août 1892, deux ans plus tard, Martinet retourne à Saint-Martinville, après s’être assuré d’une protection contre d’éventuelles menaces de Gaétan Fuselier, du réputé shérif H. P. Fournet, et de Voorhies. Laizaire Bienvenu a rapporté dans le journal local St. Martin Weekly Messenger que des citoyens ont affirmé avoir vu Gaétan Fuselier, armé d’un fusil, rôder dans le quartier de la maison Martinet. Aussi, dès le lendemain matin, dimanche, Pierre Martinet repartit pour ne revenir, fort discrètement, qu’en 1895.
. L'incident a profondément ébranlé la famille Martinet. Les Martinet étaient ce que les Américains appelaient des mulâtres. Le père de Pierre, Hippolyte-Pierre Martinet, était originaire de Hamme-Mille, près de Louvain, en Belgique, et sa mère, Marie-Louise Benoît, était une créole d'origine française et africaine de l’ouest, née esclave, mais libérée jeune. Au début des années 1890, les régulateurs, un groupe local de justiciers, composé de membres de la société créole, aujourd'hui appelés Cajuns, harcelaient et chassaient de nombreux résidents honnêtes, respectables, respectés et entreprenants de la paroisse Saint Martin, blancs et non blancs. En 1892, par exemple, les régulateurs ont harcelé la famille de Gustave Baker, beau-frère de Pierre (ils ont épousé des sœurs). L'assaut de Pierre contre Gaétan, un homme "blanc", a donc suffit à alimenter la fureur du régulateur.
Presque toute la famille Martinet, malgré son teint blanc et ses traits européens a finalement dû quitter Saint-Martinville dans les deux premières décennies du 20ème siècle pour la Californie, où elle n'a pas hésité à mettre en évidence sa généalogie, de façon à être perçue comme descendante d’un père français et d'une mère belge.
Hippolyte Martinet, vers 20 ans (Saint-Martinville).
. Les effets du racisme à Saint-Martinville ont touché l'un des fils de Pierre et Sidonie, Hippolyte-Gervais Martinet, qui a succédé à son père dans son métier florissant de charpentier. Il avait établi une relation avec Mathilde-Agnès-Georgina de la Houssaye, et ils eurent deux enfants. Puis, ils ont rompu et laissant sa femme et ses fils âgés de 15 et 13 ans à la Nouvelle-Orléans, il s’est installé en Californie en 1919, où, célibataire, il a passé le reste de sa vie.
Lassé des nombreuses contradictions de l'Amérique, Hippolyte se lance sur les routes, à pied ... pieds nus... sans couvre-chef, et sans argent, dans le but de faire le tour de la Terre. Il commence son voyage, partant de Seattle, vers l’Est, le lundi 19 avril 1920, à 17h30. Ayant traversé les États-Unis, il arrive à Paris, en France, le mardi 26 avril 1921, et s'installe temporairement au 42, rue Saint-Merri. Il envoya une lettre à sa famille dans laquelle il signale les mauvais traitements que lui infligeaient les Français, tout étonné qu’il était de l'attitude de ceux-ci à son égard (considéré comme un clochard), relativement aux ressortissants d'autres nations. Il quitte Paris au milieu de l'été 1921 pour la Chine, en passant par la Suisse, Monaco, l'Italie, l'Albanie, la Grèce, l'Egypte, la Palestine, la Syrie, l'Irak, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Inde, la Birmanie. Arrivé en Chine en septembre 1922, il mourut de paludisme le samedi 30 septembre de la même année, à Dali, dans la province du Yunnan, non loin de la frontière birmane, à 1.700 km de sa destination finale, Hong Kong. Il y est enterré sur les pentes d’une colline à côté de l’épouse de George Clarck, la première femme missionnaire occidentale dans cette région de Chine.