La Fayette, un héros !
A Daily Dose of History
. L’hiver 1779-1780 fut une sombre période dans la lutte pour l’indépendance américaine. L’armée de George Washington était à la peine, manquant de nourriture, de vêtements et d’armes. Beaucoup d’hommes allaient pieds nus et il n’y avait pas assez de munitions pour les quelques armes dont ils disposaient. Mais quelque chose se produisit en avril qui devait remonter le moral des Patriots et leur rendre espoir. Lafayette était de retour.
. Le marquis de Lafayette était venu pour la première fois en Amérique en 1777, défiant son roi et risquant son immense fortune pour offrir ses services aux révolutionnaires américains. Le jeune noble idéaliste fut bientôt nommé général de division dans l’armée continentale. Il avait dix-neuf ans ; à ce jour, il reste la plus jeune personne à détenir ce rang. Le courage, le zèle et la compétence militaire de Lafayette lui valurent bientôt l’immense respect du général Washington. Blessé à la bataille de Brandywine, Lafayette se rétablit et combattit avec distinction dans les campagnes de 1778. Mais lorsqu’il apprit la mort de l’un de ses jeunes enfants, Lafayette demanda et obtint un congé pour traiter ses affaires urgentes en France, Il embarqua pour la France en janvier 1779.
. Toujours contrarié par la désobéissance de Lafayette, le roi Louis XVI le fit immédiatement assigner à résidence dès son arrivée. Ayant obtenu une audience royale, Lafayette prit le risque d’irriter encore davantage son roi en se présentant … revêtu de son uniforme américain. Mais le charme, le charisme et l’enthousiasme du jeune homme le ramènent bientôt dans les bonnes grâces du roi. Il commença alors à faire pression pour que la France soutienne la cause américaine.
Le 5 mars 1780, Lafayette fut ravi de recevoir un ordre qui répondait aux espoirs et aux prières de ses camarades américains et qui changera l’histoire américaine : « Monsieur le marquis de Lafayette se hâtera de rejoindre le général Washington auquel il fera savoir secrètement que le roi enverra au début du printemps une assistance composée de 6 navires et d’environ 5.000 fantassins. » La charge d’assurer le retour sûr et rapide du marquis en Amérique fut confiée au capitaine Louis de La Touche qui commanderait la frégate L’Hermione. L’Hermione était la fierté de la marine française. Récemment construit à Rochefort, le navire pouvait dépasser n’importe quel navire de guerre britannique qu’il ne pourrait pas surpasser en armement, et il y en avait peu qu’il ne pouvait surpasser en armement ! La Touche fut seulement informé que sa mission était d’une importance vitale et secrète.
Marie-Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, monta à bord de L’Hermione à Portes-en-Barques à l’embouchure de la Charente, le 10 mars, 1780, porteur du message secret du roi qui promettait l’assistance militaire française à l’Amérique. Le 11 mars 1780, L’Hermione appareillait pour l’Amérique.
. Lafayette fut accueilli en héros à son arrivée à Boston, et dans chaque ville et village qu’il traversa lors de son voyage qui le conduisit de Boston au quartier général de Washington à Morristown dans le New Jersey. Bien que son message secret soit encore inconnu, les Patriots ont senti que le retour de Lafayette laissait présager de bonnes nouvelles et des jours meilleurs à venir. Lorsqu’il atteignit le camp de Washington et lui délivra le message du roi, une nouvelle vie fut insufflée à la cause américaine.
Dix-huit mois plus tard, en octobre 1781, les forces américaines et françaises ont piégé le général britannique Cornwallis à Yorktown, en Virginie, forçant sa reddition et assurant l’indépendance américaine.
. L’Hermione a participé à de nombreux combats contre la marine britannique avant de sombrer dans une tempête en 1793. En 2015, une réplique grandeur nature de L’Hermione, construite à Rochefort avec les méthodes et moyens de l’époque, reconstitua triomphalement le célèbre voyage du navire d’origine. La réplique de L’Hermione peut être visitée à Rochefort aujourd’hui, … quand elle ne parcourt pas le monde.
La Fayette, « Héros des Deux Mondes »
Herodote.net - Fabienne Manière – 03 sep 2019
Le marquis Gilbert Motier de La Fayette (1757 – 1834) demeure après plus de deux siècles le principal trait d’union entre la France et les États-Unis.
(Le marquis Gilbert Motier de La Fayette a pris l’habitude de signer Lafayette à partir de la Révolution, afin d’occulter un peu son ascendance nobiliaire. Les deux graphies sont aujourd’hui interchangeables.)
Mais son rôle historique ne se résume pas à ses années de jeunesse passées à combattre aux côtés des « Insurgents » américains. Il a aussi joué un rôle moteur dans les débuts de la Révolution française et à nouveau dans la révolution des Trois Glorieuses qui vit le remplacement de Charles X par Louis-Philippe Ier à la tête des Français.
Un jeune homme plein d’audace
. Né en Auvergne le 6 septembre 1757, au château de Chavaniac (ou Chavagnac), Haute Loire, Gilbert du Motier, futur marquis de La Fayette, perd très tôt son père, tué à la guerre. Il épouse à 17 ans une jeune et très riche héritière, Marie de Noailles. Cette alliance lui donne accès à la Cour de Versailles et au roi Louis XV.
. Assoiffé d’aventures, il rencontre en secret Benjamin Franklin, venu plaider à Versailles la cause des Insurgents américains et, malgré l’opposition de sa famille, quitte l’armée et décide de rejoindre l’Amérique.
Ayant soin de tromper la surveillance de ses proches et des Anglais, il se rend dans le Pays basque et embarque le 17 avril 1777 avec quelques fidèles à Pasajes de San Juan, près de San Sebastian, sur la Victoire, une frégate affrétée à ses frais, grâce à une avance sur sa fortune.
Dans une lettre à sa sœur, il explique son engagement : « Défenseur de cette liberté que j’idolâtre, libre moi-même plus que personne, en venant comme ami offrir mes services à cette république si intéressante, je n’y porte que ma franchise et ma bonne volonté, nulle ambition, nul intérêt particulier ; en travaillant pour ma gloire, je travaille pour leur bonheur. […] Le bonheur de l’Amérique est intimement lié au bonheur de toute l’humanité ; elle va devenir le respectable et sûr asile de la vertu, de l’honnêteté, de la tolérance, de l’égalité et d’une tranquille liberté » (Lettre du 7 juin 1777).
Il a 19 ans quand il débarque à Georgetown le 15 juin 1777. Un an plus tôt, les Insurgents, bien qu’en minorité dans les Treize Colonies anglaises d’Amérique du nord, ont proclamé unilatéralement leur indépendance.
Comme La Fayette, beaucoup de jeunes nobles européens ont pris fait et cause pour eux. Parmi eux le Polonais Kosciusko, le Prussien von Steuben, le Rhénan von Kalb …
La Fayette se présente à Philadelphie devant le Congrès américain et revendique humblement le droit de servir comme simple soldat. On lui attribue le grade de major général et il devient le proche collaborateur et l’ami du commandant en chef George Washington. Il considère celui-ci comme un père.
Comme les autres nobles européens, il va témoigner au combat d’une bravoure et d’un professionnalisme bien supérieurs à ceux des volontaires américains. Le jeune marquis est blessé à la cuisse à la bataille de Brandywine le 11 septembre 1777, puis, après quelques mois de repos, se distingue en plusieurs occasions, notamment en pénétrant au Canada avec une poignée d’hommes et en secourant deux mille insurgés assiégés par les Anglais.
Au printemps 1779, il revient en France, où il reçoit un accueil triomphal, et plaide la cause de l’insurrection. Il réclame l’envoi d’un corps expéditionnaire. Accédant à sa demande, le roi Louis XVI envoie un corps de 6.000 hommes outre-Atlantique sous le commandement du général de Rochambeau, avec le concours de la flotte du chef d’escadre François de Grasse.
La Fayette devance le corps expéditionnaire. Le 11 mars 1780, il embarque près de Rochefort-sur-mer sur la frégate L’Hermione que lui a donnée le roi et arrive à Boston le 28 avril suivant. À la tête des troupes de Virginie, il harcèle l’armée anglaise de lord Cornwallis et fait sa jonction avec les troupes de Washington et Rochambeau.
Les troupes anglaises sont bientôt coincées dans la baie de Chesapeake, dans l’impossibilité de recevoir des secours par mer du fait du blocus effectué par la flotte de De Grasse. C’est ainsi que les alliés franco-américains remportent la victoire décisive de Yorktown le 17 octobre 1781.
La reddition de lord Cornwallis à Yorktown (17 octobre 1781)
C’est pratiquement la fin de la guerre d’Indépendance. En attendant le traité de paix qui sera signé à Versailles, La Fayette peut s’en revenir en France, couvert de gloire et d’honneur.
Un libéral en avance sur son temps
. Le noble et fortuné marquis va dès lors cultiver son aura et se mettre au service des idées les plus généreuses de son temps. Le 17 février 1788, il crée avec Brissot et l’abbé Grégoire la « Société des Amis des Noirs », pour l’abolition de la traite et de l’esclavage.
Enfin survient la Révolution. La Fayette est élu député de la noblesse de Riom aux états généraux. Dès le 11 juillet 1789, à l’Assemblée nationale, il présente un projet de Déclaration européenne des droits de l’homme et du citoyen (dont s’inspirera le Bill of Rights américain de décembre 1791).
Le serment de La Fayette à la fête de la Fédération, 14 juillet 1790, inconnu, Musée Carnavalet, Paris.
Le 13 juillet, il est élu vice-président de l’Assemblée et le 15 juillet, prend la tête de la garde nationale. Le 17 juillet, il invite ses troupes à arborer une cocarde tricolore (est-ce un hasard si l’on y retrouve les trois couleurs de la bannière américaine ?).
Quatre ans plus tard : la Convention « décrète qu’à compter du 1er prairial An II [20 mai 1794], le pavillon sera formé des trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales posées verticalement » pour mettre fin à la fantaisie des couleurs dans la Marine française, sujette à confusion dans les combats.
Mais il ne tarde pas à être tiraillé entre son obligation de protéger le roi et son désir de faire progresser les idées libérales de la Révolution.
Lorsque les Parisiennes vont chercher le roi à Versailles le 5 octobre 1789, il se montre maladroit dans la défense du château. Il n’en promet pas moins au roi et à sa famille de les défendre quoi qu’il arrive. Cela n’a pas l’heur de rassurer la reine Marie-Antoinette, qui le déteste.
Le marquis de La Fayette, surnommé « Héros des Deux Mondes », tient son heure de gloire le 14 juillet 1790, à l’occasion de la Fête de la Fédération, quand il prête serment devant le roi au nom de la garde nationale.
Son étoile se ternit lorsque le roi et sa famille tentent de s’enfuir et sont rattrapés à Varennes le 21 juin 1791, sans qu’il ait pu soupçonner quoi que ce soit. Un mois plus tard, le 17 juillet 1791, sur le Champ-de-Mars, La Fayette et ses gardes sont violemment pris à partie par des centaines de sans-culottes venus signer une pétition du club des Cordeliers réclamant l’instauration de la République. La garde nationale tire. Une cinquantaine de manifestants sont tués. C’est la première fracture entre le marquis libéral et la Révolution.
Après la chute de la monarchie, le général de La Fayette, menacé d’arrestation, prend la fuite avec une partie de son état-major. Il est incarcéré par les Autrichiens qui ne goûtent pas particulièrement sa geste révolutionnaire.
Libéré cinq ans plus tard grâce à une clause particulière du traité de Campoformio négocié par Bonaparte, il revient en France sous le Consulat mais se tient à l’écart de la vie politique jusqu’à la chute de l’Empire, en 1814.
Nostalgie, quand tu nous tiens …
. Pendant les Cent-Jours qui suivent le retour de Napoléon 1er de l’île d’Elbe, La Fayette prend fait et cause pour l’empereur et se fait élire député à la Chambre des représentants. Mais après Waterloo, il intervient pour obliger l’empereur à un retrait définitif.
En 1818, sous le règne de Louis XVIII, La Fayette, encore auréolé par son passé américain et révolutionnaire malgré la soixantaine bien sonnée, se fait élire député de la Sarthe. Toujours à la pointe du libéralisme, il participe aux manigances de la Charbonnerie (en Europe, sociétés secrètes à vocation politique préparant dans la clandestinité une série de conspirations militaires). et, en 1825, s’offre un voyage triomphal aux États-Unis.
Lorsque la révolution des Trois Glorieuses chasse Charles X du pouvoir, La Fayette retrouve à près de 73 ans le commandement de la garde nationale. Le 31 juillet 1830, il accueille à l’Hôtel de ville de Paris le duc Louis-Philippe d’Orléans, qui est comme lui un noble libéral attaché à la Révolution.
Le « Héros des Deux Mondes » convainc les insurgés parisiens de porter le duc sur le trône comme roi des Français en le présentant comme la « meilleure des républiques ». Chacun veut alors croire qu’avec un monarque constitutionnel tel que Louis-Philippe, la démocratie et la paix civile seront aussi bien assurées, sinon mieux, que sous un régime républicain.
« La Fayette, nous voici ! »
. Le « Héros des Deux Mondes » meurt à 77 ans en pleine gloire. Il est inhumé à Paris dans le petit cimetière de Picpus, près d’une fosse commune où furent ensevelis de nombreuses personnes guillotinées sous la Révolution, y compris des membres de sa famille. Devant sa tombe se recueilleront en 1917 les premiers Américains venus soutenir l’effort de guerre français et l’un d’eux aura ce cri du coeur : « La Fayette, nous voici ! »
La Fayette, était-il un grand homme ?
Le Figaro - Jacques de Saint Victor – 23 mai 2019
En 1777, à dix-neuf ans, La Fayette embarque pour l’Amérique afin de participer à la guerre d’Indépendance américaine. Granger NYC/Rue des Archives
. Chez les historiens, La Fayette (ou Lafayette) n’a pas bonne réputation, sauf en Amérique (« La Fayette nous voilà ! »). Le héros de la guerre de l’Indépendance américaine fait figure en France d’esprit fat et sans saveur, seulement avide de popularité, « une idole médiocre, nous dit Michelet, que la Révolution a élevée bien au-dessus de ses maigres talents ». Ainsi était-ce avec un réel intérêt que nous nous sommes précipités sur cette nouvelle biographie du « héros des Deux Mondes ». On la doit à un journaliste, Laurent Zecchini, correspondant du Monde à Washington, qui a fait un travail important et bien documenté.
L’auteur ne cache pas son ambition : réhabiliter cette figure de la République libérale. Changer l’image qu’on peut avoir du général n’est pas une mince affaire. Ce peut même être un enjeu politique.
. La Fayette, ami de Washington, est en effet une des personnalités connues de la Révolution ayant une authentique sensibilité à la fois « libérale » et républicaine. C’est suffisamment rare pour être salué. On connaît les grandes figures jacobines de la Convention qui, à l’instar d’un Robespierre ou d’un Carnot, ont sauvé la nation, mais à quel prix ! Une Terreur impitoyable qui a réduit la nation française au rang d’une tyrannie antique et conduit nombre de Français à associer la fondation de la République à ce triste bilan.
La Fayette représente au contraire un versant plus modéré de la République naissante, qui convient mieux à notre époque. D’où l’importance du général : mais l’homme est-il à la hauteur de ce qu’il incarne ?
. Malheureusement, la lecture de cet intéressant travail de Laurent Zecchini ne parvient pas, et il faut saluer son honnêteté, à nous faire changer d’avis sur le caractère superficiel du grand héros des Deux Mondes. Qu’il ait été le premier à avoir saisi l’importance des médias pour se construire une « stature », cela ne fait aucun doute. Mais il n’y a rien derrière. Vaniteux et habile, mais n’ayant ni la stature d’un homme d’État ni même celle d’un théoricien, toujours un peu dépassé par les événements, il a compris l’intérêt de se placer au service des Américains pour les libérer du joug anglais. Il se taille une belle popularité. Mais cela s’arrête là. Au moins l’homme trouve-t-il outre-Atlantique un sens à sa vie : il sera conquis par l’idéal républicain. Mais il ne parviendra pas à l’incarner. Il restera toujours en dessous de sa tâche. L’histoire lui offrira pourtant à plusieurs reprises des occasions sur un plateau.
Il passe à côté de la Révolution. En 1789, après avoir déstabilisé la monarchie, il ne cesse de se dérober, tout en briguant la place de « maire du Palais ». Chateaubriand dira qu’il « rêvasse » à la Révolution. Il gagne durant les journées d’octobre 1789 le surnom bien mérité de « général Morphée », s’étant levé trop tard pour éviter l’invasion du château royal. Zecchini le reconnaît : il a fait preuve de « négligence ». Ensuite, il ne fait pas le poids devant l’intelligence d’un Mirabeau ou d’un Danton. Ayant déserté en 1792, il se montre courageux dans le malheur. Il va passer le reste de la Révolution dans une geôle autrichienne, puis refuser de servir Bonaparte.
Mais, après 1815, il passe encore une fois à côté de son destin, faisant preuve au minimum de « légèreté ». Et le sommet est atteint en 1830. Alors qu’il est devenu la grande figure de l’opposition républicaine, il se fait « manipuler », dit Zecchini, par le duc d’Orléans, et c’est lui qui permet l’avènement de la monarchie bourgeoise. « La meilleure des Républiques », aurait-il dit. Bref, son bilan est nul en 1830. Il reste un grand nom pour les livres d’enfants et les réceptions à l’ambassade de France à Washington.
“Lafayette in America in 1824 and 1825”
http://www.lafayetteinamerica.com (2022)
. Alan R. Hoffman a obtenu un BA en histoire au Yale College, avant d’obtenir un JD à la Harvard Law School ; il pratique le droit à Boston depuis 40 ans. Passionné par l’histoire des débuts de l’Amérique, il a « découvert » Lafayette en 2002 et a passé deux ans – de 2003 à 2005 – à traduire Lafayette in America in 1824 and 1825 d’Auguste Levasseur, le récit de première main du voyage d’adieu de Lafayette en Amérique écrit par son secrétaire particulier. Auguste Levasseur, écrivain et diplomate français, accompagna La Fayette lors de son dernier voyage en Amérique. Cette traduction en américain a été publiée en 2006 et en est à sa troisième impression. A.R.. Hoffman a donné de nombreuses conférences sur Lafayette – environ 150 – et s’est exprimé dans chacun des 24 États que Lafayette a visités au cours de son voyage d’adieu. Hoffman est président de l’American Friends of Lafayette et président de la Massachusetts Lafayette Society.
Titre et description des conférences Lafayette
Lafayette et la tournée d’adieu : Odyssée d’une idole américaine
. Le général Lafayette, né Marquis de Lafayette en Auvergne, France, était véritablement une idole américaine au 19ème siècle. La preuve en est que 80 comtés, villes et villages ont été baptisés de son nom, ainsi que, partout, des rues et des routes. L’extraordinaire réputation de Lafayette reposait sur ses états de service pendant la Révolution, son amitié avec Washington, sa défense constante des intérêts américains, sa vie romanesque et, peut-être, surtout, son voyage d’adieu en Amérique, au cours duquel il a visité les 24 États et la ville de Washington, en qualité de dernier général de l’armée continentale encore en vie. Partout un accueil grandiose lui fut réservé par le peuple américain.
Lafayette : Symbole de l’amitié franco-américaine
. Lafayette a été le symbole de l’amitié franco-américaine, de son vivant bien sûr, principalement de 1777 à 1792, mais qui perdurera après sa mort. Dans la mesure où le peuple américain se souvient de Lafayette, il se rappelle son rôle au XVIIIe siècle dans la Révolution américaine et ses actions en faveur des intérêts américains dans les années 1780. Cependant, Hoffman met l’accent sur le rôle de la tournée d’adieu de Lafayette en 1824-1825, au cours de laquelle il a visité les 24 États de l’Union, en tant qu’invité de la nation, imprimant son nom et sa réputation dans la psyché américaine. Ce programme de conférences explorera cette période initiale de l’amitié franco-américaine, mais se concentrera sur le rôle symbolique posthume de Lafayette, notamment son rôle d’inspirateur de la Statue de la Liberté, de facilitateur de l’entrée et de la participation de l’Amérique à la Grande Guerre en 1917.
Lafayette et les droits de l’homme
. La première incursion de Lafayette dans le domaine des droits de l’homme a eu lieu lors de la Révolution américaine, qu’il considérait comme une cause importante pour toute l’humanité. Il a écrit ceci alors qu’il s’embarquait pour l’Amérique quelques mois avant son 20ème anniversaire : « Le bien-être de l’Amérique est intimement lié au bonheur de toute l’humanité ; elle deviendra l’asile respectable et sûr de la vertu, de l’intégrité, de la tolérance, de l’égalité et de la liberté pacifique. » Il continue à promouvoir les droits naturels – ce qu’il appelle « les droits de l’homme et du citoyen » dans sa déclaration de 1789 en France – en soutenant les révolutions en Europe et en Amérique du Sud.
Lafayette utilise son prestige et son influence pour défendre des causes visant à étendre et à renforcer les droits de l’homme pour les opprimés. Il a fait pression avec succès en faveur des protestants de France qui n’avaient pas pu pratiquer leur religion publiquement depuis la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Il s’est opposé à l’isolement cellulaire et à la peine de mort. Il préconise le suffrage universel pour les hommes en France.
. L’abolition de l’esclavage américain est la cause qui a mobilisé Lafayette le plus intensément et continuellement, de 1783 à sa mort en 1834. Un biographe récent le décrit comme le premier abolitionniste international. Il parla vrai aux hommes de pouvoir, à Washington, son ami « paternel » dans les années 1780, comme à Jefferson dans les années 1820. Lafayette plaida pour l’éducation des esclaves et leur émancipation progressive. Dans les années 1780, après que Washington eut hésité à se joindre à lui pour acheter une plantation abolitionniste expérimentale en Amérique, Lafayette en acheta une à Cayenne, la française, et demanda à son contremaître de pourvoir à l’éducation des travailleurs et de leur verser un salaire jusqu’à ce qu’ils puissent acheter leur liberté.
Lafayette était un ami proche de Thomas Clarkson, l’abolitionniste britannique qui, en 1845, 11 ans après la mort de Lafayette, le citait comme suit : « Je n’aurais jamais tiré mon épée pour la cause de l’Amérique, si j’avais pu concevoir que par là je fondais une terre d’esclavage. » Après la publication de la lettre de Clarkson dans le Liberator en janvier 1846, les abolitionnistes utiliseront la « complainte de Lafayette » pour faire avancer leur cause.
Pourquoi la clé de la Bastille est-elle conservée aux États-Unis ?
La clé de la Bastille est toujours conservée… à Mount Vernon, aux États-Unis.
. Si l’édifice, après avoir été pris d’assaut les émeutiers le 14 juillet 1789, a aujourd’hui entièrement disparu, une des clés subsiste. Mais bien loin de la France : elle se trouve à Mount Vernon, aux États-Unis.
Tableau représentatif de la prise de la Bastille – Anonyme, vers 1790.
Le 17 mars 1790, soit près d’un an après avoir pris la Bastille, les révolutionnaires présentent la clé du bâtiment à Gilbert du Motier, marquis de La Fayette. Surnommé le « héros des deux mondes », le général est en effet une figure emblématique de la Révolution française.
. Nommé général à l’âge de 19 ans par le président américain George Washington, il avait auparavant joué un rôle décisif dans la guerre d’indépendance des États-Unis (1775-1783) contre la Grande-Bretagne. La Fayette accepte la clé de la Bastille et … l’envoie à George Washington à New York, aux États-Unis, en signe de son amitié : « C’est un hommage que je dois en tant que fils à mon père adoptif, aide de camp à mon général, missionnaire de la liberté à son patriarche ».
La Fayette confie l’imposante clé, qui mesure plus de 18 centimètres et pèse près d’un kilo, à l’intellectuel et révolutionnaire français Thomas Paine, avec mission de la remettre à George Washington. Le voyage de Paine aux États-Unis est finalement annulé. C’est donc entre les mains de John Rutledge JR, avocat de Caroline du Sud, que tombe la clé de la Bastille. Il a pour mission de la ramener à bon port.
. George Washington reçoit le présent au début du mois d’août 1790, et s’empresse d’envoyer à La Fayette une lettre de remerciements… et des boucles de chaussures. Cadeau étonnant, mais qui n’est pas offert par George Washington « pour sa valeur, mais parce qu’elles représentent un mémorial, car elles sont issues des usines de cette ville », soit New York, comme il l’explique au général dans sa lettre.
. La célèbre clé, dont les dents ont la forme des fleurs de lys, le symbole royal français, a été exposée par George Washington lors d’une réception à New York (alors capitale des États-Unis), au mois d’août de la même année. Elle n’est jamais revenue ensuite au pays envoyeur. Elle est aujourd’hui accrochée dans le hall d’entrée du premier étage de la maison de George Washington, à Mount Vernon en Virginie (États-Unis). Elle est un symbole d’amitié entre les deux pays… Et un rappel que l’histoire des révolutions françaises et américaines est mêlée.