Le SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers Europe)
Le haut commandement européen de l'OTAN
. Le traité qui crée l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), est signé à Washington le 4 avril 1949 par douze pays : Belgique, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Etats-Unis et Canada. L'objectif est de faire face à la menace du bloc communiste de l'Est mené par l'URSS. C'est l'entrée dans la guerre froide.
Quatorze mois après la signature du Traité de l'Atlantique Nord par les Alliés, la guerre de Corée éclata en juin 1950, faisant craindre une attaque soviétique contre l'Europe occidentale. L'Alliance possédait alors une structure extrêmement limitée. Aucun commandant militaire de l'OTAN n'avait été nommé, aucun quartier général ou commandement militaire de l'OTAN n'avait été établi et toutes les forces militaires des alliés restaient sous contrôle national.
À l'automne 1950, le secrétaire d'État américain a proposé aux alliés de l'OTAN d'établir une grande force militaire intégrée et efficace, composée d'unités fournies par des nations individuelles, dont l'Allemagne de l'Ouest, contrôlée par une organisation militaire centralisée qui administrerait et entraînerait ces forces sous la direction d'un commandant unique de l'OTAN.
. Plusieurs pays ont été envisagés pour l'implantation du siège permanent du Supreme Headquarters Allied Powers Europe (SHAPE). Les pays du nord et du sud de l'Europe étaient considérés comme trop isolés du reste du commandement, la Grande-Bretagne ne faisait pas partie de l'Europe continentale et l'Allemagne de l'Ouest n'était pas membre de l'OTAN et considérée comme trop proche des territoires contrôlés par les Soviétiques. La France, plus centrale, a finalement été retenue.
L’hôtel Astoria, situé sur l'avenue des Champs-Élysées, près de la place de l'Étoile, est mis à la disposition du commandement militaire et rapidement aménagé pour recevoir les officiers américains qui doivent constituer le groupe de planning du SHAPE arrivé le 1er janvier 1951, avec à sa tête le général Dwight David (Ike) Eisenhower. Ils seront bientôt rejoints par les représentants de huit autres pays membres.
. Le 2 avril 1951, le Grand quartier général des puissances alliées en Europe commence à fonctionner, et l'État-Major va quitter au mois de juin ses locaux trop exigus de l'hôtel Astoria, en haut de l'avenue des Champs Elysées (actuel Publicis) . Sous la direction du général Eisenhower, le siège permanent du SHAPE est implanté à Louveciennes (quartier de Villevert, en limite de Rocquencourt) sur un emplacement dont la France avait fait don à l'OTAN, tandis que les officiers et leurs hommes, vont s'installer un peu partout dans la banlieue Ouest de Paris (bureaux, bases, écoles, villages, infrastructures de transmission, ...) et en particulier sur le site de Voluceau à Rocquencourt (actuels INRIA et sapeurs-pompiers de Paris), qui fut de 1952 à 1967 un site support au Quartier général, et à Saint-Germain-en-Laye (quartier d’Hennemont).
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L’état-major s'installe dans des bâtiments préfabriqués, construits en trois mois environ par le génie militaire français. La construction coûta 733 millions de francs français de l'époque (1.1 million euros) et, à son inauguration le 23 juillet 1951, il abritait 183 officiers issus de 9 des 12 nations que comptait l’organisation : 100 Américains, 27 Français, 26 Britanniques, 10 Italiens, 7 Belges, 5 Néerlandais, 3 Danois, 3 Norvégiens et 2 Canadiens ; le Portugal et le Luxembourg enverront du personnel au SHAPE plus tard, et l'Islande n'a pas de forces armées.
L’EUCOM (United States European Command)
. Les membres de l'Alliance ont réalisé qu'une structure de commandement militaire était nécessaire pour assurer une meilleure intégration des forces de l'OTAN et des lignes de commandement appropriées en cas de crise ou de guerre. C'est ainsi qu'en décembre 1950 le général Dwight D. (Ike) Eisenhower a été nommé Supreme Commander Allied Forces Europe (SACEUR). En fait, dès le 14 décembre 1946, le président Harry S. Truman avait approuvé la formation de l’United States European Command (EUCOM), le Commandement des forces américaines en Europe. Toutefois, les États-Unis n'ont vraiment mis en place cette structure que six ans plus tard, le 1er août 1952, en raison des hésitations de Ike Eisenhower à adhérer à une responsabilité conjointe SACEUR-EUCOM.
. En 1952, le siège est temporairement installé à Francfort dans l'I.G. Farben Hochhaus (rebaptisé C.W. Abrams Building). Il y est resté pendant deux ans jusqu'à ce que des installations permanentes soient disponibles. En 1954, le Grand quartier général des forces américaines en Europe (United States European Command, USEUCOM) s'installe au camp des Loges dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye, à proximité du SHAPE.
Le SHAPE et l’EUCOM quittent la France
. Le 21 février 1966, le Président de Gaulle déclare publiquement son intention de modifier radicalement la participation de la France à l'Alliance atlantique. Peu après, le 10 mars 1966, le gouvernement français indique que la France se retirait de la structure de commandement militaire intégrée de l'OTAN. L’OTAN gardera son centre de commandement à Louveciennes jusqu’au 30 mars 1967, date à laquelle il sera transféré en Belgique.
Le 14 mars 1967, le général américain Lyman L. Lemnitzer, qui assure le double commandement du SHAPE et des forces américaines stationnées en Europe (EUCOM), préside au départ des forces américaines du camp de Saint-Germain-en-Laye. A 16 heures, les drapeaux français et américains sont descendus devant des détachements de militaires des deux pays et un groupe de soldats américains plie la bannière étoilée qui flottait sur le camp. Le 31 mars 1967, le siège du nouveau quartier général du SHAPE, est officiellement inauguré à Casteau, près de Mons en Belgique.
Cérémonie de départ des troupes américaines (Saint-Germain-en-Laye, 14 mars 1967)
Le château d’Hennemont
D’après : Saint-Germain Magazine n°34 – Martine Perrée - sep 2019 & « La forêt de Marly » de Roger Bertho _ https://lycee-international-stgermain.com/presentation/histoire-du-lycee-international/
. La colline d’Hennemont remonte à l’histoire pluriséculaire, voire millénaire, de l’Ile-de-France. Un culte païen se trouve avant la christianisation sur ce mont, (point haut de la commune de Saint-Germain-en-Laye, à près de 200 mètres, surplombant de 60 mètres le rû du Buzot), limite entre deux tribus gauloises : les Parisii et les Carnutes, près de Fourqueux. La route gallo-romaine Lutèce-Normandie passe au nord de cette colline. Sous les Mérovingiens, aux VIIe et VIIIe siècles, le mont, qui sera christianisé, disposait d’une tour de guet, érigée pour contrôler le passage étroit de l'ancienne route de Normandie qui sépare les deux forêts, vastes et presque impénétrables de Marly (alors appelée « forêt de Cruye » -jusqu’au XVIIIe siècle-) et de Saint-Germain. Cette tour faisait en outre partie, avec les châteaux de Bethemont, de la Montjoie, de Retz et de Feucherolles, de la ligne de défense de la forêt royale de Cruye.
. Vers le milieu du XI° siècle, et probablement avant, existait sur ce site à un quart de lieue de la ville de Saint-Germain-en-Laye, sur le bord méridional de la route de Mantes, un château royal, le plus ancien de la ville. En 1182, une chapelle y est construite par le chevalier d'Hennemont, précédant la construction en 1260 d'une chapelle gothique dédiée à Saint-Thibaut de Marly.
. A la fin du XIIIe siècle, le roi Philippe le Bel désire récompenser les longs et loyaux services de Peronelle de Gery, d'abord attachée à sa mère Isabelle d'Aragon, puis à sa femme, Jeanne de Navarre, en qualité de gouvernante des enfants royaux. Il lui donne, par acte de mai 1289, cette demeure qui porte le nom d'Hannemont (mont d'Hannus) et plus tard d'Hennemont. Le château royal est alors presqu'entièrement ruiné. Seules subsistent les ruines de la grosse tour de guet, qui resteront visibles jusqu'au XVlll° siècle, entourée de décombres.
. En 1299, Mlle de Gery forme le projet de créer une fondation religieuse en utilisant cette propriété. Philippe le Bel, par lettres patentes de mai 1299 approuve ses intentions. C'est ainsi qu'est fondé, en mars 1308, un prieuré d’une vingtaine de moines de l'ordre du Val-des-Ecuyers. Par testament, en 1324, la fondatrice confirme ses donations et en ajoute de nouvelles. Moyennant quoi, elle est enterrée dans la chapelle.
. Au début de la guerre de Cent Ans, en août 1346, le monastère est dévasté par le Prince Noir. Le 20 août 1377, Charles V fait un don de 100 francs-or pour réparer les dommages. Les moines prient et ont la charge de la chapelle royale du château de Poissy, puis du château de Saint-Germain-en-Laye, jusqu’au règne de Louis XIII. De nombreux moines et seigneurs y seront enterrés, comme Antoine de Buade-Frontenac, ami d’Henri IV, gouverneur de Saint-Germain-en-Laye, grand-père du comte Louis de Frontenac, un des plus célèbres français créateurs de la Nouvelle-France au Québec.
Puis après une période de relâchement, durant laquelle les prieurs, séculiers, négligent quelque peu le petit monastère, en 1662, l'abbé de Conches-Longueil reconstruit le prieuré et redresse la situation avec cinq ou six religieux. En 1789, les biens de l'abbaye constitués par une ferme et deux ou trois maisons sont en partie affectés à la cure de Port-Marly et d'autres (une vingtaine d’hectares) vendus comme bien nationaux à 10 propriétaires, dont au XIXe siècle : une anglaise Howatson en 1820, Charles Gosselin l’éditeur d’Honoré de Balzac, également président de la Société d’horticulture de Saint-Germain-en-Laye et Paul Baron-Larcanger qui construira le premier château.
. Dans ce lieu privilégié, sur le site du petit prieuré médiéval d’Hennemont à peu de distance de son lointain prédécesseur disparu, l'architecte Duchampt construit en 1907 un grand château à l'architecture très éclectique, fait de pierres, de briques et d’ardoises, avec un escalier en vis à jour à noyau creux (qui, même s’il ne comporte pas de double révolution, semble inspiré de celui de Chambord), pour le pharmacien Henri-Edmond Canone (1867-1961), inventeur de la pastille Valda. Un vaste parc est aménagé tout autour.
. En 1928, Yeshwant Rao Holkar II (1908-1961), maharadjah de la principauté indienne d’Indore, capitale commerciale et la plus grande ville de l'État indien du Madhya Pradesh, achète le château d'Hennemont où vit son père, et l'appelle le château Holkar, dont il restera propriétaire jusqu’en 1951. Il s’y installe avec son épouse et 25 domestiques et y donne des réceptions brillantes mais parfois étranges. Lors d'une soirée, le chemin qui conduit au château est couvert de pétales de roses, et chaque dame découvre sous sa serviette de table une pierre précieuse !
. Le château et la propriété voient la venue de deux ministres en 1939. Le premier est Jean Zay, ministre de l’Education nationale, qui, à l’invitation du maire Jean Seignette, imagine un « Oxford français » à Saint-Germain-en-Laye, avec un grand projet de lycée de garçons pour tout l’Ouest parisien. Le deuxième est George Mandel, ministre des Colonies, lors de la « Drôle de Guerre », quand le château tient lieu d’hôpital des troupes coloniales. Dès la mi-1940, il est réquisitionné par l’armée allemande.
. L’unité qui organise l’occupation allemande de tout le Nord-Ouest français y rassemble plusieurs centaines de soldats et d’officiers. Le personnel français (femmes de ménage, cuisiniers, jardiniers, chauffeurs) pratique la résistance passive et informent la Résistance. Des graffiti anti-hitlériens sont écrits sur les murs de la propriété dans la nuit du 24 au 25 juillet 1942. Fin 1943, des abris anti-bombardements sont construits ; un avion américain, abattu par la DCA allemande, s’écrase le 28 mai 1944, très près du château : 6 Américains sont tués. Lors de l’attentat raté contre Hitler le 20 juillet 1944, la confusion règne dans ce château parmi les Allemands, partagés sur la tenue à suivre ; une répression s’ensuit. Enfin dans la nuit du 5 au 6 août 1944, la Gestapo, la Feldgendarmerie, des auxiliaires français y organisent l’attaque du maquis d’Orgerus à partir du château : 32 résistants dans ce maquis de l’ouest de la Seine-et-Oise sont pris et déportés, deux seulement reviennent.
. Réquisitionné par les Alliés en septembre 1944, le château devient le quartier général de l’amlral Ramsey, (l’organisateur du rembarquement à Dunkerque en juin 1940, puis second du Débarquement du 6 juin 1944), commandant des forces navales alliées, y organise son état-major. Le château prend le nom de « H.M.S. Liberty » du nom du vaisseau amiral le jour du Débarquement. L’amiral Ramsay meurt le 2 janvier 1945 dans un accident d’avion à Toussus-le-Noble et est enterré au pied de la colline d’Hennemont, au nouveau cimetière de Saint-Germain, en présence des généraux Eisenhower et Koenig, le 8 janvier 1945. En janvier 1945, les Américains remplacent les Britanniques.
. A la Libération, il accueille en effet des hauts responsables des forces alliées, puis connaît une nouvelle période d’abandon, de 1948 à 1951, durant laquelle il sert toutefois de décor au tournage d’un film.
. La volonté conjointe du général Eisenhower, Supreme Allied Commander Europe (SACEUR) et des autorités françaises de développer dans un même esprit une véritable communauté internationale donne naissance sur la colline d’Hennemont à une résidence pour les officiers, à une chapelle (le général, très croyant, avait toujours une bible sur son bureau, dit-on) et à une école installée dans les communs du château.
Le 17 janvier 1952, l’école du SHAPE (sa dénomination jusqu'en 1965) accueille ses 18 premiers élèves, enfants de militaires. Ils sont déjà 400 à la rentrée 1952-1953. La majorité des élèves sont Américains, Britanniques et Français (200 de Saint-Germain), et un quart des effectifs est composé de Hollandais, de Danois, de Norvégiens, de Belges, d'ltaliens, de Turcs, de Grecs et de Canadiens. L’établissement accueillera jusqu’au départ de l’OTAN en 1965 les enfants des familles de quelques 1.500 militaires de 13 nationalités différentes ainsi que des enfants français résidant à proximité, en respectant la règle 50% d'étrangers 50% de français. À cette époque, le turnover est important, le personnel restant rarement au-delà de 2 ans aux services du SHAPE.
Les premiers élèves sont accueillis dans deux bâtiments très modestes, constitués de dépendances du château d'Hennemont qui avaient dû être une ferme, de poulaillers, et d'une grande volière, aménagés en salles de classe. Puis des enseignements seront dispensés dans le château, sans que celui-ci s'y prête : pièces en enfilade, parfois minuscules, salles à manger au-dessus des cuisines installées au sous-sol. Une douzaine de préfabriqués, dont l'accès est difficile en hiver, chauffés à l'aide de poëles à mazout dans les premières années, accueillent une vingtaine de classes. C'est la période héroïque !
L'école est rebaptisée successivement École internationale de l'OTAN en 1954, puis Lycée international de l'OTAN en 1962. Elle sera couramment nommée Lycée du SHAPE jusqu'en 1966.
Ecole du SHAPE, 1965. Visite du commandant suprême (SACEUR), le Général Lyman Lemnitzer
. En mars 1966, avec le départ de l’OTAN pour Mons en Belgique, l'école se trouve brutalement amputée des deux tiers de ses élèves. Le nouveau proviseur opère la reconversion du lycée en s'appuyant sur les deux sections restantes (civiles), allemande et néerlandaise. Le lycée attire des « expatriés économiques ». Le lycée international sera créé par un arrêté de ministre de l’Education Nationale, Christian Fouchet, le 30 mars 1967. En 1968, il comprendra six sections (allemande, néerlandaise, anglaise, américaine, danoise et italienne).
Le statut d'« établissement public à sections privées » a été créé spécifiquement pour le lycée international. Depuis, d'autres établissements ont adopté ce statut. Désormais le lycée est séparé en deux entités juridiques distinctes : l'école et le collège-lycée. Cependant, l'appellation traditionnelle « lycée international » perdure pour la totalité des structures.
Le village d’Hennemont
D’après Pss-archi.eu / Cité de l’Architecture et du Patrimoine / Pascal Perris - Editions de la Sorbonne
1949 2018
. Avec la création en 1951 du Quartier général suprême des forces alliées en Europe (SHAPE), des troupes américaines et alliées s’installent dans l’ouest parisien pour assurer une mutuelle alliance, dans le contexte international de la guerre froide. Au mois de mai 1951, le SHAPE pose au gouvernement français les conditions de son installation. Il s'agit de construire un village susceptible d'accueillir les 300 familles des officiers et sous-officiers des 12 nations de l'état-major du SHAPE. Les délais impartis pour la réalisation des 100 premiers logements étaient de cinq mois, la totalité de l'opération, soit 263 logements devait être livrée en moins d'un an.
. Le souhait du général Dwight David Eisenhower, commandant en chef des forces de I’OTAN est de constituer une communauté internationale, de faire réellement vivre ensemble les diverses nationalités, ce qui n’allait pas de soi pour les douze nations alliées. Les officiers doivent non seulement travailler ensemble, mais leurs familles doivent se connaître, s’apprécier, former une collectivité cohérente et sentimentale ! Il confie cette mission à Guillaume Le Bigot, contrôleur général de la Marine et chef de la division Budget et finances du SHAPE. « Je voudrais que vous trouviez une île sur la Seine pour installer le village du SHAPE ». « Je n’ai pas trouvé d'île sur la Seine, mais j’ai trouvé quelque chose qui y ressemble : le domaine d’Hennemont où l’on a l’impression d'être dans un îlot au milieu de la verdure, dans la campagne. »
. Le 13 Juin 1951, le général Eisenhower choisit le site du parc du château d'Hennemont à Saint-Germain-en-Laye à l'abandon depuis 1939, le château devant accueillir pour sa part l'école destinée aux enfants de militaires, sur les fonds du plan Marshall. Le « Village SHAPE », aujourd'hui " Résidence d'Hennemont " émerge des frondaisons.
. Contrairement aux lotissements américains que l'on retrouve à proximité d’autres bases militaires, le modèle retenu pour SHAPE village rejoint plutôt celui des habitations de type canadien, composées de barres d'immeubles, cela sans doute en raison de l'environnement urbain et du manque de place. Il a cependant été conçu en application des principes de la Charte d’Athènes.
La charte d’Athènes est l’aboutissement du IVe Congrès international d'architecture moderne (CIAM), tenu lors d'un voyage maritime entre Marseille et Athènes en 1933 sous l'égide de Le Corbusier. Le thème en était « la ville fonctionnelle ». Urbanistes et architectes y ont débattu d’une extension rationnelle des quartiers modernes et ont défini un urbanisme fonctionnaliste selon lequel la ville est réduite à quatre fonctions : travailler, circuler, se loger et cultiver le corps et l’esprit. C’est une vision très simpliste et surtout une vision non-politique, technocratique, de la ville. La ville n’est plus considérée comme le lieu de l’échange, de la politique, de l’agora… C’est une ville où il faut travailler et dormir.
Claudius Petit, ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme, totalement partisan de cette charte, et désireux de mettre en application ses thèses sur l'industrialisation du bâtiment, saisit l'opportunité de la construction du SHAPE village. Dans le contexte difficile d’après la Seconde Guerre mondiale, le ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme (MRU) entreprend des essais d'industrialisation de nouvelles techniques de construction, aboutissant en particulier à un premier concours avec le projet du SHAPE village, réalisation phare des années 1950, dont l’une des gageures sera la durée imposée extrêmement réduite du chantier.
14 septembre 1951, le général Eisenhower et le ministre Claudius-Petit devant le plan des constructions de SHAPE-Village (archives privées Mary J. Allen)
. L’un des deux architectes retenus, Jean Dubuisson, remarqué au concours de Strasbourg, devra mettre en oeuvre le principe de construction faisant appel intégralement aux techniques de la préfabrication lourde, selon le procédé du havrais Raymond Camus développé par Auguste Perret.
Breveté en 1948, le procédé de construction (« préfabrication lourde » en béton armé) inventé et mis au point par l’ingénieur des Arts et Manufactures Raymond Camus est un symbole de la préfabrication à la française qui s’exportera dans le monde entier ; il connaîtra un succès phénoménal. Il compta parmi les moyens qui permirent au gouvernement français au sortir de la guerre d’atteindre l’objectif très ambitieux de 20.000 logements par mois.
Dubuisson accepte de relever le double défi délai / technique, cette dernière devant en outre servir l’esthétique du projet. La proposition de Dubuisson (ensemble des huit bâtiments 2 à 9 : 163 logements), avec le procédé de préfabrication intégrale lourde de Camus, mise en œuvre au Havre et à Amiens par Auguste Perret, est acceptée. La préfabrication béton se fera en usine à Colombes avec 200 ouvriers ; le transport des panneaux de l'usine au chantier nécessitera l'emploi de 200 camions. Le montage sur site en période de pointe occupera 370 ouvriers. Ce cahier des charges pour le moins restrictif aurait pu avoir pour conséquence de dépersonnaliser le travail de l’architecte, mais avec audace Dubuisson va contourner l’obstacle : les murs porteurs préfabriqués ne seront pas disposés en façades comme au Havre mais en perpendiculaire comme murs de refend, ce qui lui laisse une entière liberté dans l’ordonnancement des façades composées de grandes baies vitrées, de balcons ou de loggias.
Vue du chantier lors du levage des refends préfabriqués (procédé Camus).
. De son côté et à des fins de comparaison, Félix Dumail, le second architecte expérimenté retenu, est chargé de la réalisation, selon des méthodes traditionnelles de construction évoluées, de deux bâtiments accolés formant un serpentin de 344 mètres de long (bâtiments 1 et 10 : 100 logements), sur 3 niveaux desservis par 16 cages d’escalier. 500 ouvriers interviendront pour la construction. L’usage de la standardisation et de la préfabrication sur place de différents éléments, ainsi qu’une bonne coordination du chantier vont permettre d’achever la construction en un temps record.
Dumail étudie également un ensemble comprenant un stationnement / garage couvert et un "shopping center" comprenant pompe à essence, marché volant et de nombreuses boutiques.
. Le financement de l'opération intervient par décret le 5 juillet 1951, accordant à titre d'avance 1.400.000.000 Frs (2,1 millions € équivalents), pour un coût prévisionnel estimé à 20.000 Frs (30 € équivalents) le m2. Le caractère urgent de l'opération autorisa la passation des marchés sur commande, c’est-à-dire sans appel d'offre.
. Les délais impartis pour la réalisation des 100 premiers logements étaient de cinq mois, la totalité de l'opération, soit 263 logements, devait être livrée en moins d'un an. En dépit d’un climat exceptionnellement détestable, les fondations sont entreprises le 15 juillet 1951 (Dumail) et le 24 juillet (Dubuisson), bien que les études de sol (pas très bon d’ailleurs) ne seront réalisées que le 21 août. Les livraisons de l’ensemble Dumail se feront du 15 octobre 1951 (18 logements) au 15 janvier 1952 (le solde de 82). Les premiers logements Dubuisson seront livrés fin janvier 1952 et la totalité des 163 logements fin mai 1952. Soit moins de 11 mois après l’ouverture du chantier, une véritable prouesse..
. Si le Shape a quitté les lieux en 1967, la résidence abrite toujours principalement des familles du personnel militaire. C’est le Bureau du Logement en Région Ile-de-France (BLRIF) du ministère de la Défense qui gère les attributions de logements. Aujourd’hui, cette réalisation, renommée Village d'Hennemont, est labellisée patrimoine du XXe siècle.
Fonds Tournon, Paul (1881-1964) - Documentation professionnelle : vue aérienne du Shape village, Saint-Germain-en-Laye, 1951-1952 - (Félix Dumail et J. Dubuisson, arch.), n.d. (cliché anonyme).
En lire plus sur la construction du "SHAPE Village"
Les carrières du "PC de l'OTAN"
D’après Boreally.org et diverses sources.
. Pour compléter son dispositif militaire de surface, le SHAPE aménage à partir de 1956 une base souterraine dans les 40 hectares des anciennes carrières de calcaire situées sur les territoires de Mesnil-le-Roi (la carrière des Champs-Fleuris) et Carrières-sous-Bois, sous la forêt de Saint-Germain-en-Laye. L'objectif était de réaliser un ensemble pour installer en autonomie complète, de manière sécurisée et protégée, environ 1.000 militaires. La base fut équipée d'installations radio très puissantes pour l'époque afin de pouvoir remplir son rôle de centre d'écoute et de poste de commandement des installations de surfaces. L’OTAN installe également dans cette carrière un vaste bunker anti-atomique capable d’accueillir et isoler le haut commandement européen de l’OTAN, en cas de nécessité de déplacement et de mettre à l’abri le quartier général implanté à Louveciennes.
. Elle restera opérationnelle durant la période de la guerre froide, entre 1952 et 1967.
. Comme pour toutes les carrières de calcaire des boucles de la Seine, les carriers ont utilisé les voies navigables à proximité pour délivrer leur pierre tendre et leurs moellons. La pierre du Mesnil-le-Roi fût utilisée dans la construction d’immeubles à Paris, de maisons à Saint-Germain-en-Laye et dans le village même du Mesnil-le-Roi.
Lorsque l’exploitation de la pierre s’arrête en 1880, ce sont les champignonnistes qui prennent possession des lieux.
. Après l’arrivée de l’OTAN à Louveciennes, pour la construction du bunker de l’EUCOM l’activité de culture des champignons sera limitée au réseau nord de la carrière. Les deux réseaux de carrières souterraines étaient reliés entre eux par un tunnel, percé en 1898 par les carriers, qui fût muré pendant l’occupation par les militaires.
Le PC de l’Otan s’articule autour d’un axe principal goudronné afin de pourvoir se déplacer avec des véhicules lourds, type chars, renforcé aux murs et plafonds par boulonnage. Il court sur 3 km de l’entrée principale au fond de la carrière où se trouve un escalier en béton armé d’une vingtaine de mètre de hauteur. De cet escalier part une galerie avec un sas de sécurité et des portes blindées pour rejoindre, dans la forêt, un bunker de surface. Ce bunker équipé d'une mitrailleuse lourde servait de poste surveillance mais également de sortie de secours.
. Après le retrait des forces de l’OTAN, l’armée française, qui n'en avait pas une réelle utilité, reprend les lieux. Aujourd'hui, la base est obsolète au vu des armes actuelles et les installations intérieures sont dans un état de délabrement avancé. L’occupation de la carrière par les forces françaises n’a pas conduit à des changements au niveau des installations. La seule trace de leur passage est leur insigne gravée dans la roche à côté de celle de l’Otan. On apprend donc que le 2ème régiment du génie a pris possession des lieux, mais aucune archive sur le régiment ne parle de cette occupation.
. A présent la carrière du PC de l’Otan appartient à un propriétaire privé, un militaire à la retraite qui souhaitait y placer un serveur informatique ! Après s'être rendu compte que c'était trop humide, il loue le site à une association militaire qui y entrepose des véhicules militaires et à un maraicher qui utilise une partie de cette carrière.
L’aqueduc de Retz
D’après Pierre-Emile Renard – Histoire de Chambourcy et de Retz & Wikipedia
Copié par : http://ruedeslumieres.morkitu.org/
. Le château vieux de Saint-Germain-en-Laye est le fruit d’un contre-sens urbanistique, construit pour la chasse, malgré l’absence d’eau si l’on excepte quelques sources aux environs du ru de Buzot. Le « Grand Cours », un ancien aqueduc de 15 cm de diamètre, a donc été construit avant 1530, en grès vernisssé, pour satisfaire les besoins en eau de Saint-Germain-en-Laye. Il canalisait sur la colline de Chambourcy qui domine Poissy, les eaux de source qui s’écoulaient ainsi gravitairement du sud-ouest vers le nord-est.
Les besoins s’avérant de plus en plus importants, Nicolas Le Jongleur, fontainier du roi, fut chargé de conduire les travaux de la construction d’un nouvel aqueduc. Cet aqueduc « de Retz » est un ouvrage souterrain, réalisé à partir de 1685, qui apportait l'eau des sources de la vallée du ru de Buzot, jusqu'au château de Saint-Germain-en-Laye. Il chemine en suivant les courbes de niveau sur près de 6 km. L'eau s'y écoulait de façon gravitaire.
Aqueduc de Retz - Tracé approximatif.
. En 1798, un réservoir est construit sur la place du marché de Saint-Germain afin de régulariser le débit. En 1855, un nouvel étang est creusé parmi les étangs de Retz. Un peu plus tard, on construit le réservoir de Montaigu et le réservoir de Saint-Germain sera remplacé, en 1866, par un « château d’eau » carré de 276 m3 (12,66 m x 6,66 m x 3,43 m). Il était surélevé de 3,60 m, via des poutrelles métalliques et des piliers en pierres. Le tout était placé dans un bâtiment en pierre de taille accolé au marché couvert. Ce réservoir ne fut pas inauguré, du fait des tensions au sein du conseil municipal, par rapport à son utilité. Il a été équipé, en 1895, d'une tourelle de surpression afin d'alimenter les étages supérieurs des bâtiments de la ville.
Réservoir de la place du marché au début du 20ème siècle, avec sa tourelle de surpression.
. L'aqueduc va ensuite subir un certain nombre de travaux afin de répondre à la demande en eau. Ces travaux, qui se déroulent sur une cinquantaine d'années, visent à régulariser le débit de l'aqueduc. Cependant, un projet de pompe à vapeur permettant de puiser l'eau de la Seine, en complément de celle de l'aqueduc, voit le jour en 1836. Ce sont, donc, trois pompes qui seront mises en place successivement au niveau du Pecq. Elles finissent par remplacer quasi totalement l'aqueduc. Le 22 janvier 1910, l'eau de l'aqueduc de Retz va servir à irriguer le golf de Saint-Germain-en-Laye à raison de 90 m3/j. Une convention précise qu'en dehors des heures d'arrosage du golf, l'eau servira à alimenter, sans garantie de débit, ni de potabilité, 3 bornes fontaines en ville, une bouche d'incendie et quelques riverains.
. Enfin, la mise en place progressive (1930 à 1942) de plusieurs puits artésiens, permet à la ville de se dispenser de plus en plus de l'aqueduc de Retz. Outre l’arrosage du golf, l’aqueduc sera dès lors utilisé pour irriguer les champs de Chambourcy. Le 1er janvier 1943, une convention est signée avec la Lyonnaise des eaux qui prend en charge l'entretien de l'aqueduc.
Pompe à vapeur construite en 1836
Usine de pompage du puits artésien du Pecq
. En 1951, un dernier évènement coupe définitivement l'aqueduc de Retz du centre ville de Saint-Germain-en-Laye. La mise en place d'un nouveau lotissement dans le parc d'Hennemont, destiné aux officiers du SHAPE, va nécessiter de faire monter l'eau sur cette colline. L'écoulement de l'eau en direction de St Germain sera définitivement coupé. L'eau sera amenée au Village par surpression depuis le réservoir de Saint-Germain, et les ingénieurs décident alors de réutiliser l'ancienne conduite en fonte de l'aqueduc de Retz. L'eau y circule donc en sens ascendant inverse puisqu'elle va désormais du centre de Saint-Germain en direction de Hennemont.
. A noter que, dans un premier tronçon de galerie, sur la commune de Chambourcy, allant des sources jusqu'au "Regard Neuf", l'eau circule librement dans la cunette. Cette portion active en fait le plus vieil aqueduc actif de France.
. L'eau libre finit son trajet en s'engouffrant dans la conduite forcée qui mène au réservoir de Montaigu. Le surplus d'eau non utilisée pour l’irrigation du golf s'écoule, via le réservoir de Montaigu, dans le ru de Buzot. La Lyonnaise des eaux vidange le bassin tous les trois ans, afin de le nettoyer.
. Il est la propriété de la ville de Saint-Germain-en-Laye et classé à l'inventaire des monuments historiques depuis 1988.