Armée fédérale, police, FBI et NSA, Garde nationale : le maintien de l’ordre aux Etats-Unis.

D’après Ouest France – 2018 & 03 jun 2020 (Valentin Biret) / Les Echos 03 juin (Claude Fouquet) / Le Figaro - 05 jun 2020 (André Rakoto)

.            Garde nationale, police d’État, police de comté, FBI, six armées… Aux États-Unis, le maintien de l’ordre est organisé de manière tout à fait différente de celui de la France. Une particularité due, notamment, à celle du pays, divisé en 50 États. Avec des lois fédérales, qui valent sur tout le territoire, et des lois propres à chaque État.

La Garde nationale américaine comptait environ 460 000 réservistes en 2014, qui s’engagent à s’entraîner un week-end par mois, par exemple. (Photo : Kyle Grillot / AFP)

Au total, on compte 18 000 forces de police distinctes suivant l’échelon territorial (fédéral, État, comté ou municipalité) ou le domaine (enquête, drogue, protection, explosifs, intervention, transports, frontières).

L’armée américaine, 3e du monde

.            Avec 1.430.000 membres actifs et 848.000 réservistes, c’est la troisième plus grande armée du monde après l’Inde (3.773.000 combattants en 2008) et la Chine (2 millions de soldats actifs et 800.000 réservistes).

L’armée américaine se compose en réalité de six corps : l’US Army (l’armée de terre, le plus important), la Navy (marine), l’US Air Force (armée de l’air), l’US Marine Corps, l’US Coast Guard (Garde-côtes) et l’US Space Force.

Cette dernière branche des Forces armées des Etats-Unis, créée le 20 décembre 2019, est destinée à la conduite d'opérations militaires dans l'espace. Elle dépend du Département de l'US Air Force, qui au départ, n’était pas enthousiaste à l’idée de perdre le contrôle des quelque 77 satellites qu’elle gère (l’US Navy en gère 12) –chiffres de 2018-.

Si elle n’est pas la première armée mondiale en termes de troupes, c’est bien la championne en termes de budget consacré à la défense. En 2020, il s’élève à 704 milliards de dollars, soit 40 % du budget officiel dédié à ce secteur dans le monde et 18% du budget de la nation. Les USA sont aussi numéro 1 en matière de force de frappe et de capacité de déploiement.

Des soldats de l’US Marine corps en exercice en Irak. (Photo : Jack Guez / AFP)

Police d’État, de comté ou de ville

.            Aux États-Unis, la police est très « territorialisée ». A petite échelle, on trouve la police du comté, placée sous l’autorité d’un shérif, chef local de la police, généralement élu.

.            Les USA étant organisés en États, ils disposent également de polices d’État. Placées sous l’autorité du gouverneur, elles sont chargées de faire appliquer les lois propres à chacun (port d’arme, consommation de cannabis, contrôles de vitesse, …)

Les polices d’État, qui n’existent en fait que dans 31 d’entre eux, vont s’occuper par exemple des infractions routières ou des crimes graves ne relevant pas des polices de comté. Composée de policiers en uniforme qui répondent au doux nom de State Troopers, elles prennent le pas sur les polices locales en cas de conflits d’intérêts ou lorsqu’elles sont mises en cause. La plus célèbre d’entre elles : la Texas Ranger division.

.            La plupart des villes, des plus petites aux plus grandes, ont aussi leur police. On dénombre environ 17.000 départements de police dans le pays. Parmi les plus célèbres, la NYPD de New York, qui emploie plus de 36.000 agents (où, en particulier, la majorité des policiers sont noirs), ou la LAPD de Los Angeles.

Ces polices sont souvent accusées de racisme anti-noir. Pourtant, les cités où les policiers tuent le plus de gens, sont en général les cités où il y a le plus faible pourcentage de Noirs, et ce sont toutes des cités situées dans l’ouest du pays, comme Albuquerque ou Oklahoma City dans lesquelles les policiers américains tuent beaucoup de Blancs et d’Hispaniques, ce qui est en général ignoré. En revanche, à New York, les policiers tuent très peu de gens.

Des officiers de la New York City Police Department (NYPD) montent la garde devant la Trump Tower sur la 5e Avenue de New York, en avril 2018. (Photo : Brendan McDermid / Reuters)

FBI et NSA, la crème des « fédéraux »

.            Au niveau fédéral (le plus grand), là aussi, il existe plusieurs services de police (Law enforcement agencies) dépendant du gouvernement.

La plus célèbre : le FBI, ou Federal Bureau of Investigation, la police judiciaire qui gère les crimes fédéraux et le service de renseignement intérieur. Mais on peut également citer la DEA (Drug Enforcement Administration), qui lutte contre le trafic de stupéfiants, l’USSS (US Secret Services), qui lutte contre la fausse monnaie et les fraudes financières, tout en veillant à la protection du Président et du vice-président des États-Unis, et la NSA, la National Security Agency, chargée du renseignement.

Des agents du FBI lors de l’enquête qui a suivi la fusillade de San Bernardino, le 3 décembre 2015 en Californie. (Photo : Mike Blake / Reuters)

La Garde nationale, soldats « à temps partiel », déployée en cas d’urgence

.            Elle est née le 13 décembre 1636, dans le Massachusetts. Cette milice comportait alors trois régiments chargés de la défense de la colonie. Les milices et les régiments seront par la suite développés pour la défense des premières colonies britanniques. Aujourd’hui, la Garde nationale est une force militaire qui rassemble deux composantes majeures, l’une terrestre (l’Army National Guard) et l’autre aérienne (l’Air National Guard, née en 1947).

Son nom est plus récent. Il a été utilisé, pour la première fois, en 1842 par la milice de l'Etat de New York, qui voulait ainsi rendre hommage au marquis de La Fayette, qui fut commandant de la Garde nationale française. Un nom qui a été officiellement adopté outre-Atlantique en 1903. Sa devise : « Always Ready, Always There » (« Toujours prête, toujours là »).

Quatre de ses régiments : les 101st Engineer Battalion, 101st Field Artillery Regiment, 181st Infantry Regiment et 182nd Infantry Regiment, se partagent l’honneur d’être les plus anciens régiments de toute l’armée américaine puisqu’ils sont les descendants des trois régiments initiaux du Massachusetts.

.            Cette ancêtre de l’armée américaine, est désormais constituée de soldats « à temps partiel », réservistes, présents dans tous les États des Etats-Unis et aussi dans certains districts, dont celui de Columbia où se situe la capitale Washington. Ils s’entraînent fréquemment et sont tout aussi régulièrement engagés sur divers théâtres d’opérations, tant sur le territoire métropolitain qu’à l’étranger.

L’Army National Guard est forte de 343 000 soldats et l’Air National Guard de 107 000. Soit une force de quelque 450 000 hommes et femmes, dont 13 ,3% de Noirs, qui constituent 40 % des forces de combat du DoD (Département de la Défense) et arment 27 brigades de combat.

.            Dans les rangs de cette force constituée à plus de 80 % de réservistes, on trouve de nombreux policiers et pompiers, d’anciens soldats d’active qui poursuivent une carrière militaire dans la réserve ou encore des professeurs, agriculteurs, ingénieurs... qui s'engagent à servir « un week-end par mois et deux semaines dans l'année » dans des camps. Ils sont alors rémunérés en fonction des journées consacrées à ces activités.

.            Chaque Garde nationale est placée sous le commandement du gouverneur de l’État concerné (ou du DoD dans le cadre des opérations extérieures). La Constitution américaine donne en effet le pouvoir à ce dernier de « mobiliser la milice pour faire respecter les lois de l'Union, réprimer les insurrections et repousser les invasions ». Il ne peut faire appel qu'aux gardes nationaux de son Etat, ce dernier supportant la charge financière de son déploiement. La Garde nationale peut être amenée à remplir tout type de mission, pour des secours aux populations en cas de catastrophe naturelle, et aussi pour des missions de maintien de l’ordre. (en cas de troubles, ce que craignent de nombreux Américains) sur le sol de son État respectif.

.            La Garde nationale est une force locale présente sur place toute l’année. Dans le cadre d’un déploiement ordonné par le gouverneur, la mobilisation des policiers, pompiers et autres fonctionnaires membres de la Garde nationale, dont les missions civiles sont elles aussi nécessaires, fait l’objet d’un compromis entre les autorités locales militaires et civiles. Certains policiers rendent alors momentanément leur badge et retournent dans la rue revêtus d’un uniforme militaire.

.            Les gardes nationaux convoqués par leur gouverneur sont les seuls militaires habilités à intervenir dans des missions de police. Une loi dite Posse Comitatus Act, adoptée en 1878 dans le contexte de l’après-guerre de Sécession, interdit formellement toute intervention des armées fédérales comme forces de l’ordre sur le sol des États-Unis. Cette loi est un pilier de la démocratie aux États-Unis. Le Posse Comitatus Act connaît une seule exception : lorsqu’un État refuse d’appliquer les lois de la République, le Congrès peut permettre l’usage de la force militaire fédérale. Complémentairement, l’Insurrection Act de 1807 prévoyait que le président puisse envoyer des troupes fédérales soit à la demande d’un gouverneur menacé par des troubles graves, soit, sans l’avis du gouverneur, pour protéger des citoyens américains en péril. C’est sur ce fondement juridique que le président Eisenhower envoya en 1957 les parachutistes de la 101e division aéroportée à Little Rock, Arkansas, pour contraindre le gouverneur à mettre fin à la ségrégation raciale dans les écoles et protéger les étudiants noirs.

Les gardes nationaux ne peuvent intervenir qu'en soutien des forces de police. La Garde nationale n'a pas le pouvoir de procéder à des arrestations, une prérogative des policiers. Quant à leurs armes, tout comme les forces de l'ordre, les gardes nationaux ne peuvent normalement les utiliser qu'en cas de légitime défense.

.            La Garde nationale peut être mobilisée sous contrôle fédéral ou pour venir en aide à un État pour répondre aux urgences comme les catastrophes naturelles (lors de l’ouragan Katrina, près de 42.000 gardes nationaux ont été déployés dans le golfe du Mexique) mais aussi pour faire du maintien de l’ordre lorsque des troubles civils se produisent.

On l’a ainsi vue être déployée en mars 2020 dans tous les États américains dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Fin mai 2020, avec les émeutes et manifestations engendrées par la mort de George Floyd, au moins 17.000 membres de la Garde nationale des États-Unis ont été appelés en renfort, et plus de 50.000 autres sont en état d’alerte pour être déployés en cas de besoin.

.            Ces unités de réservistes peuvent aussi être réquisitionnées au service de l’État fédéral pour des missions de guerre aux côtés de leurs camarades d’active sur tous les théâtres d’opérations. Pour la seule année 2005, la Garde nationale représentait la moitié des effectifs des troupes terrestres engagées dans la guerre d’Irak. En 2020, 30.000 d’entre eux servent en opérations dans les zones du CENTCOM (de l’Irak à l’Afghanistan) et du commandement Indo-Pacifique. D’autres sont déployés en Afrique dans le cadre de partenariats bilatéraux.

Lorsque la Garde nationale passe sous commandement fédéral pour être envoyée en opération extérieure, comme en Afghanistan ou en Irak, des petites villes perdent parfois pour un an bon nombre de leurs policiers et de leurs pompiers.

 

Juin 2020, les soldats de la Garde nationale déployés autour du siège de la chaîne de télévision américaine CNN, à Atlanta (Georgie). (Photo : Erik S. Lesser / EPA/MAXPPP)

Alors que la communauté noire représente aujourd’hui presque 14 % de la population des États-Unis, 13,3 % des plus de 800 000 policiers que compte le pays sont Noirs. Le nombre de policiers noirs a doublé entre 1987 et 2013. Ils sont parfois plus nombreux que leurs collègues blancs dans certaines villes, ce qui a conduit par exemple, à Détroit, à un procès contre la municipalité pour discrimination envers les candidats blancs à ces fonctions. Des recherches menées en Floride et dans l’Indiana tendent à démontrer que les policiers noirs usaient plus souvent de la force que leurs collègues blancs en cas de tension, et qu’ils arrêtaient plus de suspects noirs.

Il y a eu, en réalité statistiquement selon les données précises du FBI et de la police, relativement très peu de meurtres de jeunes hommes noirs désarmés commis par la police. Il s’agit d’une vérité dérangeante, mais les jeunes hommes noirs périssent essentiellement sous le feu des gangs noirs. (Wilfred Reilly du projet « 1776 », en réaction au projet « 1619 »). En 2019, pour 10 000 Blancs désarmés arrêtés pour crime violent, 4 étaient tués ; pour 10 000 Noirs, 3 étaient tués.

 90 % des Blancs qui vivent aujourd’hui aux États-Unis ont des ancêtres qui n’étaient pas dans le pays quand l’esclavage était en cours ; ce chiffre s’élève à 50 % pour les Noirs.

Les flics de New York ne sont plus armés de revolvers

.            Les 36.000 flics du NYPD, le New York Police Department, conserveront peut-être leur mentalité de cow-boys mais ils ont perdu leurs "six coups". En effet, les derniers revolvers qui équipaient encore quelques dizaines d’agents ont été retirés du service et remplacés par des pistolets de calibre 9 mm (Glock 17 ou 19, ou bien Sig Sauer P226).

Adieu les "six coups" (le barillet ne contenait que six cartouches) qui donnaient un air de cow-boys aux agents de police new-yorkais (en 1993, le NYPD a été équipé d’armes dont le chargeur avait une capacité plus grande). En novembre 2017, leur retrait a été annoncé et les 29 derniers "cops" ont alors dû rendre leurs revolvers. Cet ultime carré a été doté de pistolets, après un entraînement de trois jours. Le lieutenant James Darcy, cité par le blog TFB (The Fire Arm Blog), assure que les gens le respectaient désormais davantage à cause de ce pistolet.

Le retrait de ces armes marque la fin d’une époque qui a commencé le 7 mai 1844, lors de la création du NYPD. À l’époque chaque agent disposait d’une arme personnelle et la ville n’équipait pas ses "cops" en armes de service.

Il faudra attendre 1895 pour que la situation change et que les agents soient dotés de pistolets de calibre.32. 4.500 de ces Colt New Police ont alors été achetés et remis aux agents.

Le Colt New Police Revolver -.32 S&W Long, premier revolver en dotation au sein du NYPD. | DR

  Le SIG SAUER P226 en 9mm. | SIG SAUER