18 juin 1812 – Les États-Unis en guerre contre les Anglais
Herodote.net - Fabienne Manière – 01 jul 2017
. Le 18 juin 1812, le Congrès des États-Unis vote une déclaration de guerre. L’ennemi n’est autre que l’ancienne métropole, l’Angleterre.
Cette guerre reste dans l’Histoire sous le nom de « Seconde guerre d’Indépendance » ou plus simplement « guerre de 1812 ». C’est la première qu’aient livrée les États-Unis. C’est aussi la seule de l’Histoire moderne qui ait mis aux prises deux démocraties.
La faute à Napoléon
. La guerre de 1812 est la conséquence directe du conflit qui oppose en Europe Napoléon 1er à l’Angleterre et à ses alliés.
Les deux belligérants font fi de la neutralité des États-Unis et arraisonnent les navires de commerce américains sous prétexte qu’ils traitent avec le camp adverse. Comme si cela ne suffisait pas, il arrive que les Anglais se saisissent de marins américains et les enrôlent sur leurs propres navires.
Le président Thomas Jefferson tente de surmonter le dilemme en faisant voter en décembre 1807 la loi sur l’embargo (Embargo Act) qui interdit à tout navire de faire voile d’un port des États-Unis vers un port étranger. Mais la loi ruine les armateurs de Nouvelle-Angleterre sans pour autant faire plier l’Angleterre, avide de céréales américaines, et l’on doit la rapporter le 1er mars 1809.
Le successeur de Jefferson est son ami James Madison, lui aussi du parti républicain démocrate. Ce Virginien de 61 ans se montre à la Maison Blanche autrement plus médiocre qu’il ne l’a été dans la rédaction de la Constitution.
Une guerre entreprise à la légère
. Dans un premier temps, le président Madison interdit le commerce avec la France et l’Angleterre. Puis il décide que cette interdiction ne jouera plus à l’encontre de celui des deux pays qui cessera de porter atteinte au commerce des neutres !
Le 5 août 1810, Napoléon 1er assure Washington qu’il cessera de contrarier le commerce des neutres. Il s’agit d’un mensonge éhonté car cela signifierait la fin du Blocus continental destiné à asphyxier l’Angleterre. Il n’empêche que les États-Unis font semblant de croire l’Empereur.
C’est que nombreux, dans les cercles dirigeants, sont les partisans d’une guerre avec l’ancienne puissance coloniale. À la Chambre des représentants, Henry Clay, porte-parole des « War Hawks » («Faucons de guerre») fait miroiter l’annexion du Haut-Canada anglophone, du Bas-Canada francophone et de la Floride espagnole.
Les relations avec l’Angleterre se tendent et les heurts se multiplient à la frontière avec le Canada.
Finalement, le président convainc le Congrès de voter (à une courte majorité) la déclaration de guerre à l’Angleterre. L’opposition fédéraliste tente de s’y opposer. Elle dénonce la « guerre de M. Madison » (« Mr. Madison’s War ») mais ne réussit pas à l’empêcher et cet échec va amorcer son déclin et sa disparition. Le parti fédéraliste, si influent dans les décennies antérieures, ne va plus conserver que quelques représentants en Nouvelle-Angleterre.
Offensives peu convaincantes
. Dans un premier temps, les volontaires américains, au nombre d’à peine 5 000, se regroupent sous la conduite du général William Hull à Detroit. Le 12 juillet 1812, ils traversent la rivière qui sépare la ville du Haut-Canada et, à défaut d’attaquer le fort Amherstburg, solidement défendu, s’en prennent au village de Sandwich, dont les habitants prennent la fuite.
Le général américain lance un rude avertissement à l’adresse des ennemis, coupables de s’allier aux Indiens : « Aucun Blanc pris à se battre aux côtés d’un Indien ne sera fait prisonnier. La mort immédiate, tel sera son lot ». S’ensuivent dès lors pillages et destructions à tout va. Les Étasuniens vont jusqu’à brûler le parlement du Haut-Canada, à York, qui sera rebaptisée plus tard Toronto. Sur mer, pendant ce temps, les Américains, avec trois frégates, remportent quelques succès d’estime sur les navires anglais.
Les Anglais, piqués au vif, rapatrient des Antilles des troupes aguerries qui ont combattu contre les Français. Bien qu’avec des effectifs moindres, ils lancent une violente contre-offensive, repoussent les Américains jusqu’à Detroit et s’emparent de la ville dès le 16 août 1812. Coupable d’avoir rendu la ville, le général Hull sera déféré devant une cour martiale mais échappera à la sentence capitale en raison de ses états de service antérieurs, pendant la véritable guerre d’Indépendance.
La contre-offensive anglaise ne s’arrête pas à la frontière. Après plusieurs mois de piétinement, un corps expéditionnaire anglais débarque près de Washington. Il remporte un succès à Bladenburg avant de marcher sur la capitale.
La garde nationale qui protège celle-ci se débande et, le 24 août 1814, les Anglais entrent sans coup férir à la Maison Blanche, que le président a dû quitter en catastrophe.
Le général anglais n’a plus qu’à se mettre à table et finir le dîner présidentiel. En partant, il a soin de faire brûler l’auguste palais ainsi que le Capitole, qui contient à ce moment-là la librairie du Congrès. C’est une revanche sur l’incendie du Parlement canadien… et une profonde humiliation du côté américain !
Londres hésite à en finir… Une armée éprouvée de 10 000 soldats britanniques quitte Montréal en direction de New York, sous le commandement de Sir George Prevost. Mais la flotte chargée de son ravitaillement est défaite le 11 septembre 1814 sur le lac Champlain par le capitaine Thomas Macdonough. Du coup, Prevost renonce à son offensive.
Lassée par cette guerre sans enjeu véritable, Londres entame des négociations à Gand, aux Pays-Bas, où la paix est signée le 24 décembre 1814. Il est convenu d’un retour à la situation antérieure, sans prise de guerre. La frontière entre les États-Unis et les possessions britanniques d’Amérique du Nord est prolongée vers l’Ouest suivant le 49e parallèle.
Naissance du patriotisme américain
. La nouvelle de la signature du traité de Gand n’arrive à Washington que le 14 février 1815. Entre temps, dans le Sud, les Américains jouent les prolongations. C’est ainsi que le 8 janvier 1815, l’impétueux Andrew Jackson (47 ans) reprend La Nouvelle-Orléans aux Anglais, ce qui lui vaut une immense popularité.
En 1828, Andrew Jackson accèdera à la Maison Blanche, comme d’autres généraux vainqueurs, de George Washington à Dwight Eisenhower en passant par Ulysses Grant.
La guerre de 1812 n’a pas été une guerre pour rien. Outre qu’elle a donné un héros aux États-Unis en la personne d’Andrew Jackson, elle a aussi éveillé le patriotisme américain et contribué à forger une conscience nationale. C’est à cette époque que naît le personnage de l’Oncle Sam, qui est à la République américaine ce que Marianne est à la République française.
Ayant renoncé à s’agrandir aux dépens du Canada, les États-Unis tournent désormais leurs ambitions vers les espaces vierges du Far West (le Grand Ouest). De leur côté, les Anglais vont mettre en valeur les territoires qui s’étendent à l’ouest du Haut-Canada, le Rupert’s Land, une concession de la Compagnie de la baie d’Hudson.
Une mélodie héroïque
. Le 14 septembre 1814, Francis Scott Key est détenu sur un navire anglais face à Baltimore et au fort McHenry. Avocat de 35 ans et poète amateur, Key l’a écrit après avoir assisté, pendant la guerre anglo-américaine de 1812, au bombardement du fort McHenry à Baltimore, dans le Maryland, par des navires britanniques de la Royal Navy entrés dans la baie de Chesapeake. Le poème « O, say can you see… ? » rend hommage à la résistance héroïque de ceux qui défendirent le fort et qui furent en mesure de faire flotter le drapeau américain au sommet en dépit de l’acharnement de l’ennemi à y planter le leur. Il écrit.
Mis en musique, son poème sera publié après la guerre à Philadelphie sous le titre : « Star Spangled Banner » (« La bannière semée d’étoiles »). Depuis 1889, il est joué (et chanté) à chaque lever de drapeau. Il a été reconnu pour un usage officiel par la marine américaine en 1889 et par la Maison-Blanche en 1916. Il a été finalement adopté comme hymne national par une résolution du Congrès en date du 3 mars 1931.