D'après : Herodote.net – Jeanne Laffont / Contrepoints - Nathalie MP / 04 jul 2016 / Geo - Marine Jeannin – 09 mar 2022
. La célébration de la fête nationale américaine, aussi appelée Independence Day, commémore la signature de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis le 4 juillet 1776 par les représentants des treize colonies britanniques d’Amérique du Nord, qui faisaient ainsi sécession avec la Grande-Bretagne de façon unilatérale.
Les treize colonies : New Hampshire, Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, New York, New Jersey, Pennsylvania, Delaware, Maryland, Virginia, North Carolina, South Carolina et Georgia.
. L’Indépendance effective ne sera signée qu’en 1783, mais la Déclaration d’Indépendance de 1776 a cependant pris rang de fête nationale car elle constitue le premier texte politique, issu des écrits des philosophes libéraux et des Lumières, qui institue officiellement les droits fondamentaux des hommes et les justes pouvoirs des gouvernements. Pourtant, le jour de l'indépendance n'a été officiellement déclaré jour férié fédéral qu'en 1941.
Thomas Jefferson (Britt Reins)
Le contexte : la fin de la guerre de Sept Ans(10 fév 1763)
. La Guerre de sept ans (1756-1763) explique l’enchaînement des événements historiques ainsi que les diverses alliances entre puissances européennes et colonies américaines. Principal affrontement armé du XVIIIème siècle, elle est considérée comme la première guerre d’ampleur mondiale car elle se déploie sur plusieurs continents et met aux prises deux alliances opposées.
. Les deux adversaires de premier rang sont la France et la Grande-Bretagne avec leurs premiers empires coloniaux respectifs, mais par le jeu des ententes et des opportunismes, le conflit englobe la Prusse aux côtés des Anglais, contre l’Autriche, la Russie et l’Espagne (et son empire colonial d’Amérique du Sud) aux côtés de la France.
Si l’enjeu européen porte sur la Silésie, dont la perte par l’Autriche en 1742 lors de la Guerre de succession d’Autriche sera confirmée, le centre du conflit tourne autour de la rivalité nord-américaine entre la France et l’Angleterre.
Par le Traité de Paris du 10 février 1763, la France, dont la marine a été décimée, perd entre autres ses deux grandes possessions américaines, c’est-à-dire la Nouvelle-France (sauf Saint-Pierre et Miquelon), rebaptisée Province de Québec par le Roi d’Angleterre et la Louisiane qui s’étendait des Montagnes Rocheuses à l’Atlantique.
L’esprit de revanche sur l’ennemi anglais de toujours ne va pas la quitter et une bonne occasion va se présenter, précisément en Amérique, avec les insurgés des colonies britanniques.
Sugar Act (05 avril 1764), Stamp Act (22 mars 1765)
. L’Angleterre, grand vainqueur diplomatique, militaire, territorial et culturel à l’issue de cette guerre de Sept Ans, bien qu’ayant récupéré les colonies nord-américaines de la France, et être devenue l’une des plus grandes puissances coloniales de l’époque, est lourdement endettée. D’autant, que selon le Traité de Paris, elle doit assurer la sécurité des colonies par une présence militaire de 10.000 hommes. Le coût financier est astronomique et la dette britannique, de 75 millions de livres en 1754, passe en 1763 à 133 millions.
Le remède à ce genre de situation est connu et n’échappe pas à la sagacité du Premier ministre anglais qui décide de taxer, sans les consulter, les habitants de ses Treize colonies d’Amérique, administrées et gouvernées par l'Empire britannique, qui ont été les principales bénéficiaires de la victoire.
. Entre 1764 et 1773, le Parlement anglais va donc voter une série de taxes visant les colons, afin de renflouer les caisses de l'État. D’abord, il vote le Sugar Act (ou Plantations Act) le 05 avril 1764, pour mettre fin aux fraudes, à la contrebande et à la corruption en réduisant les taxes douanières de 6 à 3 pence le gallon. Mais, en contrepartie, le texte renforce le contrôle et surtout étend les taxes à d'autres produits que les mélasses (sucre, certains vins, café, piments, batiste, indiennes) et renforce la réglementation sur les exportations de bois et de fer.
. Puis le Parlement anglais vote le Stamp Act (ou Duties in American Colonies Act) le 22 mars 1765 qui stipule que dans les Treize colonies américaines tous les documents, permis, testaments, contrats commerciaux, journaux, testaments, livres et cartes à jouer devront être munis d’un timbre fiscal.
Il devient assez vite évident que ces recettes alimentent surtout les caisses de la métropole. Et puis, en fait de protection, il est clair qu’il s’agit plus de protéger le commerce des peaux et fourrures que d’assurer la sécurité des colons. Ces derniers ressentent ainsi une grande animosité envers le nouvel impôt et refusent, pour la plupart, de s’y plier.
. Le juriste américain Patrick Henry, fortement opposé au roi Georges III qu’il qualifie de tyran, présente à la Chambre des Bourgeois de Virginie une série de résolutions dans lesquelles il conteste le droit du Parlement britannique à taxer les colonies dans la mesure où celles-ci n’ont pas de représentants élus en son sein. « No taxation without representation. (Pas d’impôt sans représentants au Parlement) », proclament-ils …
Comme la couronne anglaise fait la sourde oreille, les tensions entre les colons et le gouvernement se cristallisent. Patrick Henry appelle à la désobéissance civile, et un peu partout des percepteurs subissent la colère des colons qui revendiquent désormais leur représentation politique. Il n’est pas rare qu’ils finissent enduits de goudron et de plumes. Londres annule le Stamp Act, en réalité peu appliqué, en mars 1766, mais revient à la charge avec des droits sur les importations prisées des colons, dont le thé (1768).
À la fin des années 1760, le spectre d'une révolution opposant les indépendantistes aux forces anglaises commence à hanter sérieusement les élites du pays. Puis les populations insatisfaites entreprirent de boycotter les produits importés d'Angleterre. Elles fomentent ensuite des émeutes, plus ou moins belliqueuses, et commencent à adhérer ouvertement à l'idée d'une Amérique indépendante.
Le “massacre” de Boston (05 mars 1770)
. C’est le début d’une escalade d’incidents et de manifestations. Dans ce climat explosif, une sentinelle britannique stationnée à Boston est prise à partie par la foule le 5 mars 1770. Huit autres soldats armés le rejoignent alors et, craignant d’être lynchés par la foule hostile, ouvrent le feu. Sept civils sont tués. Malgré ce petit nombre de victimes, le “massacre” de Boston marque l’opinion publique : pour la première fois dans l’Histoire du continent, l’armée britannique a tiré sur des citoyens américains. L’épisode est abondamment repris et amplifié par la propagande indépendantiste des Patriots, et alimente la haine des colons envers les autorités britanniques.
Boston Tea Party (10 mai 1773)
. Le thé, avec sa taxe d’importation exorbitante, était depuis longtemps une des pommes de discorde entre la métropole anglaise et ses colonies. Pour sauver de la faillite la Compagnie anglaise des Indes orientales, le gouvernement britannique adopte le 10 mai 1773 le Tea Act, qui autorise celle-ci à vendre son thé en Amérique sans s’acquitter de cette taxe. Ce nouveau monopole, qui ruine les importateurs indépendants et les contrebandiers, rend fous de rage les Patriots.
Dans la nuit du 16 décembre 1773, des révolutionnaires grimés en Amérindiens s’infiltrent sur les trois navires de la Compagnie stationnés dans le port de Boston et jettent leur cargaison de thé à la mer. Pour le Parlement londonien et le roi George III, c’est un affront terrible, une attaque presque personnelle. Ce n’était plus des colons qui ne voulaient pas payer d’impôts, c’était une rébellion… voire une révolution. Londres adopte alors une série de lois pour punir Boston, fermant le port et plaçant directement le Massachusetts sous la coupe de l’armée. Mais à la surprise des Britanniques, les colonies se révèlent solidaires de Boston.
En septembre 1774, les représentants des Treize se réunissent en Congrès continental à Philadelphie. Cette assemblée politique indépendante, embryon du fédéralisme américain, exige la reconnaissance des libertés des colons et ordonne le boycott des produits britanniques. Pour la première fois, les Treize colonies sont appelées “États”.
Début de la guerre, escarmouches (avril 1775)
. La guerre qui couvait éclate en avril 1775 : organisés en milices, les Patriots lancent des escarmouches à Lexington et Concord, à l’ouest de Boston. Le 19 avril, un détachement anglais tombe dans une embuscade à Lexington, au Massachusetts, en allant détruire un dépôt d'armes clandestin. 200 soldats trouvent la mort dans l'échauffourée (1). Ce fait d'armes marque le début de la guerre civile d'Indépendance, ou périront 2.500 français, et conduira à la naissance des États-Unis d'Amérique.
Les hostilités ouvertes avec la métropole anglaise commencent. Les « Patriots –Patriotes- » ou « Insurgents –Insurgés- » encore très minoritaires, décident de créer une armée et de réunir des armes. Le 15 juin 1775, le second Congrès continental place cette armée sous le commandement en chef de George Washington, un ancien officier de l’armée anglaise et futur premier Président des États-Unis.
Profession de foi républicaine
. Dans ses débuts, la révolution était particulièrement difficile pour les colons insurgés, car en plus de se battre contre les soldats britanniques, ils devaient affronter leurs confrères loyalistes restés fidèles à la couronne anglaise. Il manque également à ces combattants à donner forme à leur révolte. Ce sera chose faite avec la publication, le 10 janvier 1776, d'un pamphlet intitulé Common Sense. L'auteur, Thomas Paine, un ami de Benjamin Franklin, appelle ses concitoyens des Treize Colonies anglaises d'Amérique du nord à s'unir, au nom du Bon Sens, dans une grande nation libérée des servitudes et de la monarchie.
Son livre est un plaidoyer pour la rupture avec la Grande-Bretagne et aurait inspiré George Washington. En effet, Paine estime ridicule qu’un pays si petit que la Grande-Bretagne gouverne et impose des lois à l’immense et lointaine Amérique. « Un seul honnête homme est plus précieux à la société et au regard de Dieu que tous les bandits couronnés qui ont jamais existé », écrit-il en guise de profession de foi républicaine. L’ouvrage remporte un vif succès, se vend à 100.000 exemplaires et rallie beaucoup d’hésitants à la cause patriote. Ce succès fabuleux n’est pas sans annoncer celui de la Déclaration d’indépendance qui sera publiée par le Congrès continental de Philadelphie le 4 juillet suivant.
La genèse de la Déclaration d’Indépendance
. La couronne anglaise envoyait régulièrement des renforts aux loyalistes, qui connurent tout de même quelques succès. Cependant, en 1775, un épisode joua un rôle décisif dans ce conflit : la bataille de Bunker Hill. Connue pour avoir été extrêmement sanglante, les forces britanniques y connurent une victoire particulièrement peu avantageuse. En effet, les coûts humains et économiques de cette offensive furent si importants du côté anglais, qu'il devint de plus en plus évident que l'armée britannique n'aurait probablement pas les moyens de poursuivre cette guerre. Dans son journal, le célèbre général britannique Henry Clinton déclara même que "quelques victoires semblables auraient sûrement mis fin à la domination britannique en Amérique".
La fièvre de l’émancipation gagne peu à peu les Treize colonies et l’idée d’une proclamation d’indépendance commence à germer dans les esprits des représentants. Au point qu’à la fin de l'année 1775, plus personne ne doutait que la domination de l'Europe aux États-Unis touchait à sa fin.
. Le 12 juin 1776, la Virginie se dote d’une Déclaration des droits (Virginia Declaration of Rights). Le Second Congrès continental, composé de délégués des Treize colonies réunis à Philadelphie, décide de rédiger la Déclaration d’indépendance. Le projet est confié à un comité de cinq représentants (Committee of Five : John Adams -futur second Président des États-Unis-, Roger Sherman, Benjamin Franklin -futur ambassadeur des États-Unis en France-, Robert Livingston et Thomas Jefferson -futur troisième Président des États-Unis-).
Mais c’est finalement Thomas Jefferson (homme des Lumières, il est également le riche propriétaire d’une grande plantation de Virginie sur laquelle travaillent de nombreux esclaves) qui élabore une ébauche en trois semaines. Il devient de fait le principal auteur du texte. Il finit son travail le 21 juin 1776 et le soumet au comité qui fait quelques modifications.
. L’Acte de La Haye, rédigé par les États généraux des Pays-Bas le 26 juillet 1581, proclamant de facto l’indépendance des Provinces-Unies, fut l’une des sources d’inspiration de cette Déclaration. Thomas Jefferson s’appuya également sur le Second Traité sur le Gouvernement de John Locke où il remplaça le droit de propriété par celui de la recherche du bonheur. Le texte reprend aussi la tradition anglaise républicaine, qui s’était exprimée au cours des révolutions du XVIIe siècle. Thomas Jefferson fut aussi influencé par la Ligue des Iroquois, confédération pacifique organisée autour d’une constitution, la « Gayanashagowa, Grande loi de l’Unité »; en 1787, Jefferson déclarait à propos des Iroquois : « Je suis convaincu que les sociétés indiennes qui vivent sans gouvernement jouissent globalement d’un degré de bonheur bien supérieur à ceux qui vivent sous les régimes européens ».
. L’idée centrale du texte est la liberté : pour la première fois, les idées des philosophes des Lumières sont mises en application, en particulier celles des deux Traités du gouvernement civil (1690) de John Locke. Il ne s’agit plus des libertés collectives des époques précédentes, mais de libertés individuelles qui sont proclamées haut et fort. La Déclaration est donc un texte universel, qui pose des droits naturels : « Tous les Hommes sont créés égaux. » Ainsi la Déclaration d’Indépendance est universelle car elle s’adresse à l’opinion de l’humanité.
Déclaration d’Indépendance (04 juillet 1776)
. La Déclaration est encore amendée au cours des débats du Congrès. Le document définitif, écrit sur du parchemin, est approuvé et signé le 4 juillet 1776 par 56 délégués réunis à l’Independence Hall à Philadelphie (2). La Déclaration est ensuite envoyée à l’imprimerie pour être largement diffusée. Elle est lue en 1776 dans les églises de Boston, et placardée dans les villes et les villages. Le texte servira bien évidemment de propagande aux patriotes américains tout au long de la guerre d’indépendance.
. Ainsi, alors que les combats font toujours rage, les Treize déclarent officiellement leur souveraineté vis-à-vis de la Grande-Bretagne pour former les “États-Unis d'Amérique”. Cette Déclaration est unilatérale, l'indépendance des Treize colonies n'étant en aucune façon admise par la métropole. Il faut dire que les deux tiers des 2,5 millions de colons restent fidèles au roi George III ou au moins indifférents aux revendications des insurgés. Les treize Etats se doteront, de 1776 à 1780, de constitutions écrites, substituant progressivement la démocratie à la monarchie et instituant presque partout le suffrage censitaire. Mais il faudra encore sept années de guerre contre les Anglais pour aboutir à l’indépendance définitive, formalisée par la signature du Traité de Versailles de 1783.
. La Déclaration d’indépendance américaine est le premier texte constitutionnel de l’Histoire à énoncer des droits universels et inaliénables. Elle fait partie des textes fondateurs de la nation américaine, aux côtés de la Constitution et de la Déclaration des Droits.
. Le texte a cependant ses limites, que l‘on peut comprendre, à défaut de les admettre, dans le contexte du XVIIIe siècle : une partie de la population ne jouit pas de tous ces droits universels. Ainsi les femmes n’étaient pas conviées au débat politique, pas plus que les migrants récemment installés dans l’arrière-pays, les natives et les milliers d’esclaves et de noirs libres. De même, si l’égalité est proclamée, elle n’est pas appliquée dans les faits, car, en particulier, l’esclavage n’est pas aboli, les passages sur la traite et l’esclavage ayant été supprimés, afin de ne pas mécontenter les régions du Sud. Les Pères Fondateurs avaient en réalité une vision très restrictive de la liberté “universelle”, qui ne concernait qu’une élite masculine blanche, et excluait de facto une grande partie de l’humanité. Ces révolutionnaires, avant-gardistes en philosophie politique, étaient en fait très conservateurs. La question de l’esclavage reviendra toutefois rapidement au centre de la politique américaine, avec la Guerre de Sécession (1861-1865) et l’abolition concrétisée par Abraham Lincoln (seizième Président des États-Unis) en 1865.
La bannière étoilée
La nouvelle fédération s'est donnée un drapeau le 24 juin 1777. La « bannière étoilée » (surnommée en anglais « Stars and Stripes, (Étoiles et bandes) » compte 13 étoiles sur fond bleu, autant que de colonies, et autant de bandes horizontales rouge et blanc.
Depuis l'accession des îles Hawaï au rang de 50e État, en 1959, le drapeau compte 50 étoiles (mais toujours 13 bandes, qui rappellent les États fondateurs).
Retentissement européen
. L’insurrection et la déclaration d’indépendance ont un très grand retentissement dans la noblesse libérale d’Europe.
. Toutefois, rien n'est encore joué pour le nouveau pays : l’Angleterre, loin de consentir à cette décision, multiplia les offensives. Et la guerre ne fait que commencer entre les armées loyalistes et anglaises, renforcées par de nombreux allemands et l'armée des insurgés. Celle-ci forte de 20.000 hommes assiège Boston. Les soldats anglais devront évacuer la ville le 17 mars 1776. Toutefois, les premiers combats ne sont pas favorables aux insurgés. George Washington est battu à Long Island le 27 août 1776. La ville de New York repasse aux mains des Anglais en octobre suivant.
. En désespoir de cause, les indépendantistes envoient le populaire Benjamin Franklin à Paris afin de négocier d’urgence l’appui de la France.
En 1776, contre l'avis du jeune roi Louis XVI, le marquis de La Fayette (19 ans) arme, aux frais du comte de Broglie ancien chef du « cabinet secret » de Louis XV, La Victoire, une frégate de 200 tonneaux, avec 30 hommes d’équipage et une cargaison de 5 à 6.000 fusils. Il rejoint les Insurgents le 13 juin 1777. D'autres officiers se joignent au mouvement comme le commandant Pierre L'Enfant, qui jettera les plans de la future capitale, le général Louis Duportail, mais aussi le Prussien von Steuben, le Polonais Kosciusko ou l'Allemand de Kalb. Leur expérience militaire sera précieuse aux insurgés.
Le marquis de la Fayette
Beaumarchais, homme de théâtre et aventurier exalté, organise des envois d'armes clandestins à destination des insurgés, via une société-écran (Roderigue Hortalze et cie, à l'hôtel Amelot de Bizeuil), avec l'approbation du ministre des Affaires étrangères, Vergennes, désireux de favoriser tout ce qui pourrait affaiblir l'ennemie héréditaire de la France, l'Angleterre.
Consciente de la position de faiblesse dans laquelle se trouvait son grand adversaire européen, la France en profita pour accentuer son soutien militaire et envoyer des troupes dans le pays. Les nobles libéraux d'Espagne et des provinces unis des Pays-Bas apportèrent également leur soutien à la jeune nation. Ce soutien permet aux insurgés de retourner la situation en leur faveur. Ils remportent un premier succès à Saratoga le 17 octobre 1777. Un point culminant, qui marquera la plus grande victoire des Américains face aux forces britanniques. La position américaine devint si avantageuse que l'Angleterre n'eut plus d'autre choix que d'abandonner ses ambitions colonisatrices sur le continent.
Alliance franco-américaine (06 février 1778)
. Les succès militaires remportés par Washington amènent la France à être la première nation à reconnaître l’indépendance des Etats-Unis et à se ranger du côté des Patriots. Grâce à l’action diplomatique de Benjamin Franklin, Louis XVI et Vergennes concluent avec les nouveaux États-Unis représentés par Franklin, Deane et Lee, le 06 février 1778 à Paris, un double traité de commerce et d'alliance qui marque l’entrée de la France en guerre contre l’Angleterre. Ils seront rejoints par l’Espagne en mai 1779 ; le conflit s’internationalise, la Grande-Bretagne se retrouve isolée diplomatiquement.
. L'engagement maritime de la France débute le 17 juin 1778 avec la rencontre, au large de Brest, de la frégate La Belle Poule et de l'Aréthuse, un puissant navire anglais. Les Français l'emportent au terme de 22 heures de combat et l'Aréthuse, mal en point, s'enfuit.
Combat La Belle Poule / Aréthuse
Cette victoire navale, la première depuis très longtemps, a un immense retentissement à la Cour de Versailles. Elle suscitera chez les extravagantes femmes de la haute aristocratie la mode de la coiffure à la Belle Poule : rien moins qu’une frégate en réduction posée sur la tête !
Bataille de Yorktown (19 octobre 1781)
. Après une série de combats tendus dans le Sud de mai 1780 à septembre 1781, la contribution des troupes et de la flotte française permet aux insurgés de remporter enfin une victoire décisive à Yorktown en Virginie, le 19 octobre 1781, qui signe la victoire franco-américaine contre les Britanniques et la fin de la guerre.
La bataille de Yorktown, par van Blarenberghe
L’aide de la France a été décisive dans la victoire américaine. Consistant d’abord en fourniture de matériel, elle est devenue militaire par l’engagement de troupes terrestres et maritimes à partir de 1778 (Rochambeau et ses 6.000 hommes).
(Cette guerre, longtemps décrite comme smooth, a été en réalité violente. Ce n’est que ces deux dernières décennies que les historiens ont accordé plus d’importance à cette violence complètement occultée par le roman national états-unien dès le début du XIXème siècle).
. Le sort de l’Angleterre est scellé. Elle conserve de solides positions au nord du pays et au Canada. Mais, à Londres, les partisans de la négociation prennent le pas sur les jusqu’auboutistes. Durant l’été 1782, Franklin rédige les grandes lignes d’un traité qui fera autorité : il réclame l’indépendance totale, l’accès aux zones de pêche des nouveaux territoires, l’évacuation des forces anglaises des zones occupées et l’établissement d’une frontière occidentale sur les rives du Mississippi.
Traité de Paris (03 septembre 1783)
. Le roi anglais se résigne à des négociations de paix. Celles-ci s’ouvrent officiellement à Versailles mais les plénipotentiaires américains, parmi lesquels le rusé Benjamin Franklin, mènent des négociations parallèles à Londres, en cachette de leurs alliés français.
L’indépendance des États-Unis est officiellement reconnue à Versailles, le 3 septembre 1783, avec la signature d’un nouveau traité de Paris. Préparé dans l'ambassade de la Grande-Bretagne de l'époque (l'actuel l'Hôtel d'Angleterre, au 44 rue Jacob, dans le 6e arr.), il est signé dans l'hôtel d'York (actuellement un immeuble du 56 rue Jacob, dans le 6e arr.), Benjamin Franklin ayant refusé de signer sur le sol britannique. Il met fin aux hostilités et reconnait officiellement l’indépendance et la souveraineté des États-Unis.
Parade dans les rues de New York après l’indépendance, le 25 novembre 1783 (illustration de 1884). Emilio Ereza.
A qui gagne perd !
. Si la France a gagné la guerre avec les « Insurgents », elle n’a rien gagné en retour. Pis, elle sort exsangue économiquement de cette entreprise onéreuse qui endette définitivement la monarchie, ce qui va accélérer sa chute. Les gagnants exclusifs de ce conflit sont ceux que l’on appellera bientôt les Américains. Le traité de Paris confère aux États-Unis un avantage de taille. Son territoire est étendu jusqu’au Mississippi, englobant une longue partie des Grands Lacs …
Et par conséquent les grands perdants de ce conflit sont les Amérindiens. Pour eux, du nord au sud, c’est l’annonce d’une immense catastrophe. Bientôt leurs terres seront envahies par les spéculateurs et les colons américains. Les Indiens hurons ou abénaquis des Grands Lacs ou choctaws du Sud-Est qui avaient noué avec les Français des alliances du temps de la Louisiane, créée sous Louis XIV, ne sont pas les seuls perdants. Les loyalistes qui combattaient pour le roi Georges vont s’enfuir au Canada, où les colons français vont devenir minoritaires …
Quant aux Noirs serviles, près de 500.000 sur une population globale de 2 millions, ils verront leur droit « à la recherche du bonheur » proclamé par la Constitution des Etats-Unis, repoussé aux calendes grecques. Jefferson et Washington, propriétaires d’esclaves eux-mêmes, mais favorables en principe à l’abolition de l’esclavage, ne pouvant aller à l’encontre des États du Sud comme la Georgie dont les économies cotonnières sont fondées sur la honteuse institution.
Naissance d’une nation : la Constitution à Philadelphie (17 septembre 1787)
. Les années 1780 voient un moment de flottement constitutionnel dans la nouvelle fédération américaine, marqué par des révoltes de vétérans et un mouvement de grogne fiscale. Les Treize Colonies, devenues autant d’États indépendants tout juste unis par un mince lien confédéral, vont devoir apprendre à vivre ensemble. Une première ébauche de constitution, les Articles de la Confédération, mettent en place dès 1781 une ligue d'États sans gouvernement central, ni président fédéral, ni système judiciaire commun. Les Articles de la Confédération qui régissent les relations des nouveaux Etats offrent donc un cadre institutionnel beaucoup trop lâche qui, de surcroit, ne peut être amendé que par un vote unanime. C'est ainsi que la Confédération se révèle impuissante à garantir la libre circulation des marchandises à l'intérieur du pays ou encore à défendre les intérêts commerciaux américains à l'étranger.
Pour y remédier, les États conviennent de réunir leurs délégués à Philadelphie le 25 mai 1787. Ceux-ci adoptent la forme d’un Congrès d’États européens (en anglais « Convention ») plutôt que celle d’un Parlement afin de mieux souligner l’autonomie de leurs États respectifs. Les États-Unis d’Amérique se doteront le 17 septembre 1787 d’une Constitution toujours en vigueur aujourd’hui. Inspirée des travaux de Montesquieu, elle entend créer des institutions fédérales fortes à même de gouverner, institue la séparation des trois pouvoirs et donne pour la première fois au monde la charge exécutive à un Président élu.
. Commence alors la campagne de ratification de cette Constitution. Il faut que les rédacteurs de la Constitution, Hamilton notamment, s’échinent à prouver la légitimité de cette Constitution, censée sauver les États-Unis et leur permettre de survivre en tant que pays. Les Pères Fondateurs obtiennent de haute lutte la ratification de trois quarts des États, et la Constitution entre en vigueur le 21 juin 1788.
. L’année suivante, George Washington, le héros de la guerre d'Indépendance, est choisi à l'unanimité par le Congrès pour devenir le premier président des États-Unis : il entre en fonction le 30 avril 1789 ; le pays nouveau-né entre dans l’ère du fédéralisme.
. Un peu plus tard, le 15 décembre 1791, la Constitution sera complétée par une Déclaration des Droits (The Bill of Rights) de 10 articles. Tout est désormais en place pour l'avènement d'une grande nation à nulle autre pareille.
. La Déclaration d’Indépendance servit de modèle à la Déclaration des Sentiments (Declaration of Sentiments) en 1848, signée par les délégués de la première convention sur les droits des femmes, à Seneca Falls, New York.
. Pendant la Guerre de Sécession, dans son discours de la Gettysburg Address (1863), le Président américain Abraham Lincoln mit en valeur l’importance de la Déclaration dans l’histoire du pays : « Four score and seven years ago our fathers brought forth on this continent, a new nation, conceived in liberty, and dedicated to the proposition that all men are created equal. »
. Le texte fut également repris par Martin Luther King, dans son fameux discours « I have a dream ».
. Le texte original est conservé aux Archives nationales des États-Unis, à Washington, D.C.
(1) Echauffourée de Lexington
. Le 19 avril 1775, un détachement anglais tombe dans une embuscade à Lexington, au Massachusetts. Ce fait d’armes marque le début de la guerre d’Indépendance.
Victoire surprise. Peu de temps avant, quelques Insurgents réunis en congrès à Philadelphie ont décidé de créer une armée et de réunir pour cela des armes !
Le général anglais Cage apprend que des vivres et des armes sont rassemblés à Concord (à une vingtaine de miles au nord-ouest de Boston). Dans la nuit du 19 avril 1775, avec 800 soldats de Boston, il s’en va les détruire. Au passage, à Lexington, sur la route, il tue ou capture quelques insurgés américains (Insurgents). Des colons surgissent alors de partout (1a) et les Anglais s’enfuient malgré l’arrivée de renforts. Au total, ils laissent sur le terrain 273 morts ou blessés.
L’affaire a un grand retentissement chez les insurgés, encore très minoritaires dans les Treize Colonies. Vingt mille d’entre eux s’arment et, sous le commandement de Georges Washington, un ancien officier de l’armée anglaise, assiègent l’armée anglaise de Boston.
(1a) Les « Minutemen »
. « Minutemen » est le nom donné aux membres de la milice des Treize colonies qui jurèrent d’être prêts à combattre dans les deux minutes.
Dès 1645, au sein de la colonie de la baie du Massachusetts, quelques hommes furent sélectionnés parmi les troupes locales pour être prêts à un déploiement rapide. Quelques villes du Massachusetts ont très tôt organisé une partie de leur milice pour en faire des minutemen alors que d’autres préféraient maintenir la leur en une seule et même unité. Après la Powder Alarm, fin 1774, les leaders patriotiques au sein du tout nouveau congrès du Massachusetts, par crainte de l’occupant anglais, recommandèrent que toutes les milices comprennent des compagnies de minutemen (des unités spéciales dont les membres suivraient un entraînement complémentaire, se tenant prêts à l’action en cas d’urgence), seules quelques villes suivirent cette recommandation.
Les minutemen avaient le plus souvent moins de 25 ans et étaient sélectionnés pour leur enthousiasme, leur fiabilité et leur force. Ils étaient la première force armée à rejoindre le champ de bataille ou à se tenir prête pour un quelconque conflit. Les officiers étaient élus par leurs hommes et chaque unité rédigeait une convention qui devait être signée au moment de l’enrôlement. En règle générale, ils se rassemblaient pour l’entraînement quatre fois par an, en temps de paix. Il n’était pas rare de voir les officiers, en plein milieu d’une bataille, consulter leurs hommes à propos d’une décision à prendre, au lieu de donner des ordres qui devaient être suivis sans discuter.
La plupart des milices coloniales ne fournissant ni armes ni uniformes, les hommes devaient s’équiper eux-mêmes. Nombre d’entre eux portaient simplement leurs vêtements de ferme ou de travail, d’autres disposaient d’habits de chasse faits de peaux de daim. Quelques-uns se paraient même d’attributs indiens, allant jusqu’à mettre des peintures de guerre sur leur visage, afin d’intimider l’ennemi. La majorité des minutemen utilisaient des fusils de chasse, dépourvus de baïonnette, mais précis à longue distance.Ils sont symbolisés encore aujourd’hui sur les pièces d’un quarter du Massachusetts, par un homme armé coiffé d’un chapeau.
(1778 est l’année de la première convention constitutionnelle tenue au Massachusetts pour rédiger une nouvelle constitution de l'État après la déclaration d'indépendance de l'État en 1776 ; après son rejet par les électeurs, une deuxième convention a été acceptée en 1779).
Lexington Minute Man