Les présidents, de Lincoln à FDR, ont perpétué la tradition de Thanksgiving

Smithsonianmag.com - Kat Eschner – 17 nov 2017 / Herodote.net - Alban Dignat - 20 nov 2018

 .          La guerre civile faisait rage quand Abraham Lincoln, en 1863, a fait de Thanksgiving une fête fédérale traditionnelle célébrée le quatrième jeudi de novembre, formalisant ainsi ce qui se faisait depuis l’époque des pèlerins.

.             Cinq jours après que les 102 « Pilgrim Fathers » ou Pères Pèlerins eurent défini les principes de gouvernement de leur future colonie dans le fameux pacte, par un jour froid, le 26 novembre 1620, leur voilier Mayflower aborde en un lieu baptisé Plymouth, près de Cape Cod, sur la côte sauvage du Massachusetts. Ce voilier amène d'Angleterre 102 colons. Parmi eux, 35 protestants anglais très pieux, chassés de leur pays par les persécutions du roi Jacques 1er.  Sitôt débarquée, la communauté conclut un traité de paix avec les Indiens des environs (Narrangans et Wampanoags). Elle n'aura dès lors à se plaindre que d'incidents de voisinage, nombreux mais sans gravité. Au cours de l'hiver, la famine et la maladie ont raison de nombreux colons. Les dindes sauvages et le maïs obligeamment fourni par les Indiens permettent toutefois au plus grand nombre de survivre. C'est ainsi qu'au terme de la première année, en novembre 1621, leur chef, William Bradford, décide d'organiser des festivités d'action de grâces.

.            Les Anglais avaient également une longue tradition d'action de grâce. Il y avait des jours de prière pour remercier Dieu lorsque quelque chose de bien arrivait. Par exemple, ils ont déclaré un jour d'action de grâce au cours de l'été 1623 lorsque la pluie a mis fin à une longue sécheresse. Les peuples du monde entier célèbrent et remercient depuis des milliers d'années. Dans ce pays, bien avant l'arrivée des colons anglais, les peuples autochtones célébraient de nombreux jours différents de Thanksgiving, dont, par exemple, un Strawberry Thanksgiving et un Green Corn Thanksgiving.

De même, à l'automne 1621, lorsque leurs efforts ont été récompensés par une récolte abondante après une année de maladie et de pénurie, les Pèlerins ont rendu grâce à Dieu. Ils ont également célébré cette abondance par une tradition appelée Harvest Home.

.            Le récit de la première action de grâces (Thanksgiving) est donné dans l'ouvrage connu sous le nom de Mourt's Relation (publié en 1622 et réédité en 1841) de Bradford et Winslow, un récit de la première année de la colonie, et dans l'ouvrage de Bradford intitulé Of Plymouth Plantation (publié en 1856). Le passage dans Mourt's Relation est plus détaillé :

Notre récolte étant rentrée, notre gouverneur envoya quatre hommes à la chasse au gibier, afin que nous puissions, d'une manière particulière, nous réjouir ensemble après avoir récolté le fruit de nos efforts. Ces quatre hommes tuèrent en une journée autant de volailles qu'ils le purent, qui avec un peu d'extra, servit à la compagnie pendant presque une semaine. À ce moment-là, parmi d'autres loisirs, nous avons pratiqué le tir, beaucoup d'Indiens sont venus parmi nous, et parmi eux, leur plus grand roi, Massasoit, avec quelque quatre-vingt-dix hommes, que nous avons accueillis et régalés pendant trois jours, et ils sont partis et ont tué cinq cerfs, qu'ils ont ramenés à la plantation et offerts à notre gouverneur, et au capitaine Myles Standish et à d'autres.

Il n'est pas fait mention ici, ni dans le document de Bradford intitulé Of Plymouth Plantation, que les Wampanoags ont été invités à la célébration. Il est fort probable que Massasoit et ses guerriers se trouvaient déjà dans les environs pour une autre mission lorsqu'ils ont entendu la décharge des mousquets et sont venus, conformément au traité, voir si les colons avaient besoin d'aide. Le premier repas de Thanksgiving était probablement composé de volaille sauvage (y compris de la dinde, comme Bradford le mentionne dans Of Plymouth Plantation, Book II. ch. 2), de maïs, de haricots, de courges, de poisson, de homard, d'anguilles, de moules, avec des baies et des noix pour le dessert et de la bière, du vin et de l'"eau forte" (liqueur) comme boisson. Il n'y avait pas de tartes car les pèlerins n'avaient pas encore de fours et n'avaient pas de beurre ni de blé pour la pâte.

.         On ne sait pas avec certitude quelles activités exactement se sont déroulées pendant ce premier Thanksgiving de l’histoire américaine On sait cependant que la célébration a eu lieu entre le 21 septembre et le 9 novembre 1621. Elle a réuni 50 pèlerins et 90 Indiens Wampanoag et a duré trois jours. Beaucoup d’historiens pensent que 5 femmes seulement étaient présentes à cette première célébration, car beaucoup n’ont pas survécu à cette année difficile sur un territoire encore inconnu.

Quelques semaines plus tard, les Indiens, qui commencent à s'inquiéter de l'enracinement des Blancs, envoient à ceux-ci une troupe de 50 guerriers porteurs d'une poignée de flèches liées par une peau de serpent. À ce signe évident d'hostilité, Bradford répond en renvoyant la peau bourrée de poudre et de balles. Les Indiens se le tiennent pour dit et la paix est préservée entre les deux communautés.

Les puritains du Mayflower et leurs compagnons d'aventure vont apprendre non sans difficulté les vertus de la tolérance et de la démocratie locale. Ces vertus nées de la cohabitation de différentes communautés de réfugiés sont devenues l'idéal nord-américain. C'est pourquoi le souvenir du Mayflower reste encore si vif aux États-Unis et au Canada. Plusieurs navires relèveront ce nom mythique. Dans les années 1840, l'un d'eux amènera d'Irlande à Boston de nombreux émigrants, catholiques ceux-là, chassés par la famine.

.            Les présidents prédécesseurs de Abraham Lincoln avaient déjà fait des déclarations au sujet de Thanksgiving. George Washington avait déclaré le premier Thanksgiving national officiel en 1789 sous le régime de la nouvelle Constitution. Depuis le premier Thanksgiving officiel, selon les Archives nationales, « les présidents successifs ont publié des proclamations de Thanksgiving, mais les dates et même les mois des célébrations variaient ». « Les premiers Américains ont célébré Thanksgiving non comme un événement annuel fixe, mais comme une occasion de congé supplémentaire à l’occasion d’événements spécifiques ", écrit Paul Quigley pour le New York Times. « C'étaient des occasions religieuses, destinées à invoquer l'aide de Dieu pour faire face aux difficultés, ou à remercier Dieu pour des évènements heureux. »

Le 12 avril 1861, des soldats sudistes ont ouvert la guerre civile en tirant sur Fort Sumter, un fort fédéral situé dans le port de Charleston, et Lincoln lui-même avait alors publié des déclarations aux printemps de 1862 et 1863, bien qu’il s’agissait alors de journées d'action de grâce pour les victoires militaires. Les premières années de guerre ne sont pas favorables aux États-Unis. À la fin de l'année 1862, les armées tiennent toujours, mais la population sur le front intérieur perd confiance. Les dirigeants se doivent de reconnaître les souffrances du peuple pour garder les Américains fidèles à la cause. Et en novembre et décembre 1862, dix-sept gouverneurs d'État vont déclarer des fêtes d'action de grâce.

Le président Lincoln a alors fixé au jeudi 6 août 1863 la journée nationale de Thanksgiving. Ce jour-là, les pasteurs de tout le pays énumérèrent les victoires éclatantes de l'armée et de la marine américaines au cours de l'année écoulée et rassurèrent leurs fidèles en leur disant que ce n'était qu'une question de temps avant que le gouvernement des États-Unis mette fin à la rébellion sudiste. Leurs prédictions rendaient hommage aux morts et renforçaient l'idée que leur sacrifice n'avait pas été vain.

Quelques semaines plus tard, le président Lincoln déclara une deuxième journée nationale d'action de grâce. Il invita les Américains "dans toutes les parties des États-Unis, ainsi que ceux qui sont en mer et ceux qui séjournent dans des pays étrangers" à observer comme un jour de Thanksgiving, le dernier jeudi de novembre (le 26 novembre cette année-là, 243ème anniversaire de l’accostage du Mayflower) . Cette proclamation d'octobre 1863 était la première où un président choisissait une date précise - le dernier jeudi de novembre – pour Thanksgiving, en faisant un jour férié spécifique.

.            En 1841, la publication des premiers journaux et lettres de la colonie de Plymouth avait remémoré le récit de cette fête de trois jours, cette histoire de paix et de bonne volonté entre des hommes qui, dans les années 1840, seront plus souvent ennemis qu'autrement. Sarah Josepha Hale, qui a publié et a partiellement écrit le poème « Mary a un petit agneau », la ‘ Lady Editor’ du magazine féminin à grand succès Godey's Lady's Book, avait proposé qu’une loi institue une célébration nationale qui pourrait atténuer les tensions qui se développaient entre le Sud esclavagiste et le Nord libre. Cette fête, largement inconnue dans le Sud des Etats-Unis, était alors surtout célébrée en Nouvelle-Angleterre, où chaque État fixait son propre jour férié. Hale a pensé que la célébration, qui était déjà largement observée à défaut d’être inscrite dans la loi, "devait être un festival national, observé par tout le peuple, ... pour mettre en valeur nos institutions républicaines." Usant de sa voix éditoriale, Hale a œuvré dans ce sens et a lancé en 1846 une campagne d’envoi de lettres aux officiels du gouvernement. En écrivant à Abraham Lincoln lui-même, Hale a plaidé pour le dernier jeudi de novembre, au motif que George Washington a déclaré le premier Thanksgiving national officiel le dernier jeudi de novembre 1789.

.            Signé le 3 octobre 1863, quelques mois après la victoire de l'Union à l’issue de la sanglante bataille de Gettysburg (1-3 juillet 1863), le décret de Lincoln, aboutissement d'une campagne de 17 ans lancée par Hale, soulignait que l'année où la nation a été ravagée par la guerre avait néanmoins « aussi connu la bénédiction des champs fertiles et des cieux salutaires. A ces bienfaits, continua-t-il, si constamment appréciés que nous sommes enclins à en oublier l’origine, d'autres ont été ajoutés, qui sont d'une nature si extraordinaire, qu'ils ne peuvent manquer de pénétrer et d'adoucir même le cœur qui est habituellement insensible à la providence toujours vigilante du Dieu Tout-Puissant. "

Malgré les affres d'une « guerre d'une ampleur et d'une sévérité inégalées », la population du pays grandissait, les affaires prospéraient et la paix était préservée même avec des puissances étrangères (comme la Grande-Bretagne) qui avaient pourtant rejoint la cause confédérée. Cette année-là, selon la Société historique de la Maison Blanche, le président a lancé la tradition de gracier une dinde, sur l’insistance de son fils Tad Lincoln. La célébration de Thanksgiving, l'année suivante, en ce même jour du « dernier jeudi de novembre » perpétua la tradition.

.            La proclamation de Lincoln de 1863 a initié une chose, selon Le Pilgrim Hall Museum : une « chaîne ininterrompue de proclamations présidentielles annuelles de Thanksgiving » qui dura jusqu'à Franklin D. Roosevelt en 1941, quand le Congrès a adopté une loi fixant la date de Thanksgiving le quatrième jeudi de novembre (simplement pour ne pas empiéter sur la préparation des étrennes !). Les proclamations de Thanksgiving des présidents après Roosevelt ont continué mais ce n’étaient plus que des formalités, le congé de cette fête étant désormais légal. Mais la déclaration de Lincoln de 1863 ayant tout déclenché, elle est « considérée comme le véritable début de la fête nationale de Thanksgiving », selon le musée.

.            « L’Action de grâce », qui est une reconnaissance envers Dieu, n’est bien évidemment pas née en Amérique. Et des fêtes de Thanksgiving y avaient été célébrées avant celle-ci, déjà, par exemple, au siècle précédent par les Français ou les Espagnols dans leurs colonies de Floride. Mais après Plymouth cette fête se perpétua. Elle devint pour la première fois une fête officielle pour les « Continentaux » en décembre 1777 sur décret d’un chef révolutionnaire du nom de … George Washington. Une fois devenu président du nouveau pays, Washington perpétua en 1789 la tradition, tout comme ses successeurs. Une cérémonie officielle sera ultérieurement créée pour présenter la dinde au président des Etats-Unis. Mais en 1963, oh surprise, le président John Kennedy déclare qu’il ne la mangera pas. Et c’est sur cette base qu’en 1989 George H.W Bush ajoute une seconde tradition, celle de la « dinde graciée », renouant ainsi avec le geste de Lincoln : l’une d’entre elle sera chaque année remise en liberté sur ordre du président.

.            La commémoration du « Thanksgiving Day » demeure de nos jours encore très vivante : chaque 4e jeudi de novembre, les familles des États-Unis savourent de la dinde aux airelles avec des patates douces et de la tarte au potiron au dessert, à l'imitation des Pères Pèlerins.

.           Au Canada, cette commémoration porte le nom de « Fête de l'Action de Grâces » et elle est célébrée le deuxième lundi d'octobre... avec un menu identique à celui des Américains.


Quatre choses à savoir sur Thanksgiving

National Geographic - Becky Little - 25 nov. 2020

.            Le quatrième jeudi de novembre, les États-Unis fêtent Thanksgiving, célébrant les Pères pèlerins et le repas qu'ils auraient partagé en 1621 avec les Wampanoag. Point historique sur un repas qui relève en grande partie du mythe.

Cette gravure représente les pèlerins débarquant du Mayflower à Plymouth Rock, en 1620. En réalité, la première mention écrite de Plymouth Rock remonte à 1835. Photographie de Kean Collection, Getty Images

.            Lorsque les pèlerins descendus du Mayflower et les Wampanoag se réunirent pour le premier Thanksgiving en 1621, ce n'était pas vraiment un événement. Sans doute tout au plus la traditionnelle célébration anglaise paysanne durant laquelle on remerciait le ciel pour les bienfaits que l’on avait pu recevoir pendant l’année. Le traité de paix que les parties avaient conclu sept mois plus tôt, et qui fut observé cinquante ans durant, est lui plus important - et pourtant on s'en souvient moins. 

« Il y a en fait très peu de documents historiques sur le premier Thanksgiving, c'est pourquoi Thanksgiving n'a pas été vraiment célébré comme un jour férié jusqu'au 19e siècle », indique Charles C. Mann, auteur de 1491: Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb. « Pour les historiens, il est ironique que la réunion soit maintenant plus importante que le traité lui-même. »

Le président Abraham Lincoln fit de Thanksgiving une fête nationale pendant la guerre de Sécession, et depuis, c'est une tradition américaine très observée. Pourtant, l'histoire des Wampanoag et des pèlerins rompant le pain pour la première fois n'est pas connue. 

Retour historique sur un repas qui relève en grande partie du mythe.

1 - Ce n’était pas vraiment un « Thanksgiving »

.            En 1841, l'éditeur Alexander Young fit imprimer un livre contenant une lettre du 11 décembre 1621 du pèlerin Edward Winslow, qui décrivait ainsi la fête :

« [Notre] moisson étant entamée, notre gouverneur a envoyé quatre hommes chercher des volailles, afin que nous puissions, d'une manière plus festive, nous réjouir ensemble... [Il y avait] beaucoup d'Indiens qui venaient nous rejoindre, dont leur plus grand chef Massasoit, avec quelque quatre-vingt-dix hommes, que nous avons divertis et avec qui nous avons festoyé pendant trois jours. » 

Chez les pèlerins du XVIIe siècle, « Thanksgiving » était en fait une période de jeûne et de prière, et Winslow n'utilisa le mot nulle part dans sa lettre. Mais quand Young publia la lettre, il l'appela le « premier Thanksgiving » dans une note de bas de page, et le nom est resté. 

Le pèlerin Edward Winslow rend visite à Massasoit, le Sachem des Wampanoag. Photographie de Universal History Archive, UIG via Getty Images

2 - Un an avant le premier Thanksgiving, les pèlerins avaient profané des tombes amérindiennes.

.            Lorsque les pèlerins sont arrivés à Cape Cod, ils étaient incroyablement mal préparés. « Ils étaient convaincus que la Nouvelle-Angleterre étant au sud des Pays-Bas et de l'Angleterre, il y ferait plus chaud », explique Mann. « Mais ils sont arrivés six semaines avant l'hiver avec très peu de vivres. »

Désespérés, les pèlerins volèrent le maïs entreposé dans les tombes et réserves amérindiennes peu après leur arrivée. Cela ne suffit pas, leur manque général de préparation causa leur perte : la moitié d'entre eux moururent l'année suivante. Pour apprendre à cultiver de manière durable, ils eurent besoin de l'aide de Tisquantum, un Amérindien anglophone qui vivait avec les Wampanoag.

3 - Les pèlerins n’ont pu s’installer à Plymouth que parce que des milliers d’Amérindiens ont été décimés par des épidémies.

.            Si les pèlerins étaient arrivés à Cape Cod trois ans plus tôt, ils n'auraient peut-être pas trouvé ces tombes et ces entrepôts abandonnés … en fait, ils n'auraient peut-être pas trouvé assez de terres pour s'installer.

Les Européens qui naviguèrent vers la Nouvelle-Angleterre du début au milieu des années 1610 rencontrèrent de nombreuses communautés le long de la côte et n'eurent que peu de place pour installer leurs campements. Pourtant en 1620, lorsque le Mayflower jeta l'ancre, la zone semblait abandonnée.

« Quelques années auparavant, il y avait eu une épidémie qui avait anéanti la majeure partie de la population côtière de la Nouvelle-Angleterre, et Plymouth était au sommet d'un village qui avait été décimé par la maladie », dit Mann. « Les pèlerins ne le savaient pas, mais ils ont emménagé dans un cimetière », ajoute-t-il.

4 - Le traité qui a conduit au premier Thanksgiving avait pour base le commerce et les rivalités tribales.

.            Avant que les Wampanoag ne soient décimés par la maladie, ils avaient chassé des Européens comme John Smith (note). Selon Charles Mann, « les Wampanoag [étaient] très affaiblis par la maladie, et beaucoup plus faibles que leurs ennemis, les Narragansett ».

Ann McMullen, conservatrice au National Museum of the American Indian, institution américaine consacrée à l'histoire, la culture et les arts des Indiens nord-américains, indique que les Wampanoag ne cherchaient pas nécessairement à faire des alliances contre les Narragansett, mais « parce que les Wampanoag étaient dans une position de faiblesse », ils réalisèrent qu'une alliance avec les pèlerins « pourrait les mettre en position de force.

Les Européens étaient de précieux partenaires commerciaux pour les Wampanoag et d'autres Amérindiens de la région, car ils échangeaient des couteaux et des haches en acier contre des peaux de castors, que les Wampanoag, dans la Nouvelle-Angleterre qui abritait beaucoup de castors, considéraient comme sans valeur.

« C'est un peu comme si quelqu'un venait à votre porte et disait "Je vous donnerai de l'or si vous me donnez une pierre" », dit Mann. De plus, « les Wampanoag pensaient : si nous nous lions à ces hommes, tout le monde hésitera à nous attaquer. »

Note : John Smith de Jamestown fut le capitaine des colons, en Virginie et assura la survie et la prospérité de la colonie (1608-1609). En avril 1614, il retourna au Nouveau Monde, dans le Maine et dans la baie du Massachusetts. Avec l'accord du prince Charles (le futur Charles 1er), il nomma la région Nouvelle-Angleterre.

 


Thanksgiving : la fête américaine qui célèbre la propriété et la prospérité.

Contrepoints - Max Falque – 21 nov 018

.            Peu d’Américains penseront en dégustant leur dinde qu’ils honorent l’institution de la propriété privée aux États-Unis !

President Reagan attending ceremony to receive the 36th annual Thanksgiving Turkey from representatives of the National Turkey Federation on the South Lawn. By: The U.S. National Archives.

.            Thanksgiving, les familles américaines dégustent la dinde traditionnelle, célébrant ainsi l’abondance dont bénéficièrent la centaine de passagers britanniques du Mayflower, débarquant en 1622 à proximité de Boston. En fait, ces puritains animés par les sentiments communautaires, avaient prêté serment « Nous ferons ensemble pousser nos récoltes et en partagerons les fruits équitablement ».

Bien entendu, conformément à l’expérience séculaire du comportement des hommes, certains membres de la communauté (notamment les adolescents) travaillèrent moins que d’autres et même, la disette survenant, volèrent les aliments.

De toute évidence cette situation ne pouvait qu’aboutir à la famine et à la disparition de la petite communauté dont le chef, le gouverneur Bradford dans son journal de bord, (anticipant Hardin et sa « Tragedy of the Commons ») notait « Nous commençâmes à réfléchir sur les moyens de produire le plus de maïs possible afin d’échapper à la famine ». La réponse fut aussi simple qu’efficace « Attribuer à chaque famille une parcelle de terre ».

L’institution de la propriété

.            Certes la collaboration technique et sociale avec les indiens facilita la production abondante de maïs mais, alors que ceux-ci avaient des droits de propriété tribaux mal définis, les pilgrims réinventèrent l’institution de la propriété, concept importé du Royaume d’Angleterre et consacré par la Magna Carta de 1215, fondement de la Common Law.

Dans son remarquable ouvrage Civilization, The West and the Rest (2011) Niall Ferguson insiste sur la portée symbolique de cet évènement car il place les droits de propriété parmi les principes fondateurs de la civilisation à savoir :

  • la concurrence, la science, la médecine, la société de consommation, l’éthique du travail, la propriété.

À ce sujet, Ferguson fait longuement référence à John Locke, inspirateur de la future constitution américaine, pour lequel « Le grand et principal objet des hommes formant une communauté est la préservation de leur propriété », ce qui suppose des institutions dans le cadre d’un état de droit (rule of law). Pour démontrer le rôle essentiel des institutions, Ferguson imagine le destin opposé de deux groupes d’immigrants :

– vers l’Amérique du nord de pauvres sujet du roi d’Angleterre cherchant la liberté et moins de misère, mais imprégnés des institutions lentement mûries depuis la Magna Carta ;

– vers l’Amérique du sud des soldats chargés de piller les richesses en or et en argent sous les ordres d’un gouverneur nommé par le roi d’Espagne.

Ces deux groupes vont par leurs comportements sceller les destins divergents des deux Amériques. En effet « Lorsque le capitaine du navire anglais mit le pied sur la plage de la Caroline, il apportait avec lui un modèle institutionnel pour le Nouveau Monde, à savoir le rôle essentiel de la terre. Ceci fut immédiatement inclus dans la Constitution de la Caroline dont John Locke était l’auteur et avait pressenti le lien entre la représentation politique et le droit de propriété. »

Là se trouve l’origine des principes des constitutions des divers États américains, puis de la Fédération : droits de propriété, liberté individuelle, liberté religieuse, gouvernement limité et consentement à l’impôt.

Le clivage entre les deux Amériques

.            Que sont devenus nos Espagnols sans principes ni modèles concernant la répartition des terres ? Le recours à la violence imitée de la mère patrie a contraint le développement économique et la liberté. Ferguson conclut : « Ces profondes différences entre les sociétés civiles des deux Amériques coloniales auront des conséquences durables lorsque viendra le temps de leur indépendance. »

Ferguson, familier de l’histoire contrefactuelle, imagine alors une situation inverse : les Anglais débarquant au sud et les Espagnols au nord !

Peu de familles américaines, probablement, évoqueront ces évènements et ces concepts en dégustant la dinde et pourtant, en choisissant Locke plutôt que Rousseau, les États-Unis ont choisi de donner la priorité à la Liberté dont les droits de propriété sont la condition sine qua non.


The American Thanksgiving story (vidéo)


L’histoire vraie et sanglante derrière les origines de Thanksgiving

Cultura colectiva - Oliver G. Alvar

.            Cette fête n'a pas une histoire aussi amicale que beaucoup le croient. Bien au contraire : les origines de Thanksgiving sont entourées d'histoires de sang, de brutalité et de massacres.

.            Nous savons tous que Thanksgiving est une fête américaine destinée à célébrer et à être reconnaissants des bienfaits et de l'amitié d’autrui. Ce que beaucoup ignorent, cependant, c'est que derrière cette occasion apparemment joyeuse se cache une sombre histoire pleine de conflits, de sang et de génocide.

Les origines de l'Action de grâce, comme pour la plupart des autres fêtes traditionnelles, sont enracinées dans les anciens rites païens. La fête a sa source la plus ancienne dans les coutumes ancestrales qui ont eu cours dans le monde entier qui ont alloué un jour pour rendre grâce pour les récoltes abondantes et les fortunes ou les bénédictions de l'année précédente. Plus précisément, cependant, on dit souvent que la tradition américaine actuelle de Thanksgiving remonte à l'établissement de la colonie de Plymouth dans ce qui est aujourd'hui le Massachusetts, en 1620.

Problèmes avec l'histoire officielle

.            La plupart des écoles enseignent que Thanksgiving est né lorsque des dissidents religieux anglais, les pèlerins, luttant durement pour s'installer à Plymouth ont été chaleureusement accueillis par des Amérindiens de la tribu Wampanoag, qui leur ont appris comment survivre dans le Nouveau Monde. Pour célébrer leur succès et s'honorer les uns les autres, tous se sont réunis et ont organisé une fête amicale où les pèlerins ont montré leur gratitude. Ceci est une belle histoire, mais loin d'offrir une vue d'ensemble de la situation.

Les célébrations destinées à rendre grâce pour la saison des récoltes (qui se déroulent pour la plupart aux mêmes dates) étaient nombreuses et variées bien avant l'histoire des pèlerins, et il est difficile d'identifier un seul événement qui eut donné naissance à la version contemporaine de la fête. D'autres colons de Virginie ont célébré leur arrivée en célébrant chaque année l'Action de grâces depuis 1619, par exemple. Des décennies auparavant, quelques colons espagnols dans les colonies se réunissaient chaque année avec la tribu Seloy pour une fête amicale. D'autres encore croient que l'Action de grâces a véritablement commencé lorsque, en 1637, le gouverneur de la colonie du Massachusetts, John Winthrop, a dédié une journée au remerciement des soldats coloniaux pour  avoir récemment … massacré plus de 700 membres de la tribu Pequot au Connecticut, dont des femmes et des enfants.

Ce n'est pas une histoire d'amitié

.            Il est assez bien documenté que les Anglais, et plus tard les Américains, ne s'entendaient pas avec leurs voisins indigènes. En fait, c'est un euphémisme. Les Amérindiens ont été chassés de leurs terres, chassés et pratiquement exterminés par les colons au cours des siècles qui ont suivi l'arrivée de ces derniers, il n'est donc pas étonnant que l'histoire entourant Thanksgiving implique un conflit sanglant.

S'il est vrai qu'au départ, les colons de Plymouth entretenaient d'assez bonnes relations avec la tribu Wampanoag - en fait, ils avaient une alliance officielle contre les Français et d'autres rivaux -, cette amitié s'est érodée. Peu à peu, les colons de Plymouth, bien que redevables aux Wampanoags, prirent possession de leurs terres, mettant à rude épreuve le mode de vie des habitants. Et comme si cela ne suffisait pas, la maladie, propagée par les nouveaux arrivants, a décimé la population autochtone.

La triste vérité : la guerre de King Philip

.           En plus de la famine et de la maladie, les raids sont devenus de plus en plus fréquents. Les enlèvements, les massacres, les razzias et les pillages sont devenus monnaie courante et, des deux côtés, les victimes ont été nombreuses. Mais alors que les colons ont eu le privilège de s'installer dans des villages plus fortifiés, les Wampanoag ont été contraints de quitter leurs villages et de fuir vers des régions éloignées.

.            Après avoir subi beaucoup d'oppression et d'injustice, un nouveau chef est arrivé au pouvoir parmi les Wampanoags. Metacomet, fils de Massasoit, grand sachem des Wampanoags, savait que son peuple en avait assez et était prêt à se défendre. Connu par les Anglais sous le nom de "King Philip", le nouveau chef a ordonné des raids contre les colonies après l'exécution de plusieurs de ses hommes pour le meurtre d'un interprète Punkapoag. En 1675, le conflit conduisit à une guerre dévastatrice et totale, la "guerre du Roi Philip" (King Philip's War). Elle opposa donc les Amérindiens Wampanoag et Narraganssett aux colons anglais et leurs alliés amérindiens de Nouvelle-Angleterre. Les combats eurent lieu entre 1675 et 1676, dans le sud de l’actuelle Nouvelle-Angleterre. Près d'un dixième des Amérindiens et des Anglais furent tués ou blessés. Le conflit se termina par la victoire des colons anglais qui finirent, grâce à leurs alliés Iroquois, par tuer Metacomet.  Le 12 août 1676, Metacomet rentre chez lui après une tentative ratée de recruter des alliés à New York. Un groupe de rangers sous le commandement du capitaine Benjamin Church le pourchassait depuis un certain temps, et alors qu’il traverse le Miery Swamp à Bristol, il est finalement abattu. Son corps fut découpé et pendu aux arbres, sa tête étant accrochée l'entrée de Plymouth, où pendant plus de vingt ans, elle a servi d'avertissement à ceux qui se soulevaient contre l'ambition conquérante des colonies. La femme du chef et son fils de neuf ans ont ensuite été vendus comme esclaves.

En 1676, à l’issue de ce que l'on a appelé la "guerre du roi Philippe", les colons avaient perdu environ 30 % de leur peuple, tandis que près de la moitié de la population amérindienne avait été anéantie. Un lourd tribut.

L'Action de grâce en ode à l'immigration

.            Dire que les Amérindiens ont beaucoup souffert de l'arrivée de conquérants ambitieux, c'est le moins qu'on puisse dire. Leurs maisons ont été détruites, leur mode de vie a été sacrifié et leur communauté a été massacrée. Il n'y a pas de mérite à ce génocide colonial si ce n'est une mise en garde contre l'avidité d'une civilisation technologiquement supérieure qui émigre sur des terres exploitables, où les communautés vulnérables ont peu de chances de s'opposer à cette puissance étrangère. S'il y a quelque chose à apprendre de cette histoire, c'est que l'immigration en soi peut être une grande chose : le problème se pose lorsque ceux qui prétendent s'installer dans un nouveau pays sont si avides et puissants qu'ils feront tout pour obtenir ce qu'ils veulent indûment.

.            Quoi qu'il en soit, l'Action de grâce est, en son centre, une ode aux merveilles de la migration, de la bonté humaine et de l'amitié mutuelle. Bien plus que de célébrer la fortune impersonnelle d'une bonne récolte, l'Action de grâce américaine est une célébration de l'humanité elle-même. Après tout et par-dessus tout, elle commémore intrinsèquement les immigrants et l'immigration dans son ensemble.


Derrière la fête de famille de Thanksgiving se cache un génocide

Daily Geek Show - Matthieu Garcia,23 novembre 2017 (Traduction libre)

.            En cette fin d’année, les Américains croulent sous les festivités : Halloween, Thanksgiving Black Friday, Cyber Monday annoncent en grande pompe les prochaines célébrations de Noël et du Nouvel An. Au pays de l’Oncle Sam, tout le monde se prépare pour Thanksgiving : les maisons sont décorées, les dindes attendent d’être fourrées, et les bambins se déguisent en pèlerins et en Natifs pour honorer la mémoire de ces grands héros. Ça, c’est la version tous publics servie sur un plateau d’abondance à chaque écolier des États-Unis pour entretenir le mythe du gentil colon blanc-européen. Mais Thanksgiving est aussi une fête qui « célèbre » le génocide amérindien.

Le mythe fédérateur 

.            Il était une fois les pauvres puritains anglais persécutés par le méchant Roi Jacques Ier. Bien décidés à fuir la tyrannie de l’Église d’Angleterre, ils embarquèrent sur le Mayflower, un navire hollandais qui devait les emporter vers les lointaines contrées du Nouveau Monde. Les pèlerins accostèrent à Cape Cod en décembre 1620 et y fondèrent la colonie de Plymouth. Les colons n’étaient ni des chasseurs téméraires, ni des pêcheurs émérites, et encore moins d’astucieux agriculteurs : perdus dans cette immensité sauvage et offerts en pâture aux vents hivernaux, la moitié d’entre eux périt. Au cours de l’année 1621, les puritains rencontrèrent les Wompanoags, une tribu amérindienne qui partagea ses connaissances avec ces étranges envahisseurs : ils leur apprirent la chasse et la pêche, les sensibilisèrent aux bienfaits des plantes, et leur expliquèrent comment faire pousser des cultures.

Grâce aux enseignements des Natifs (Native Americans), les Pilgrim Fathers étaient fin prêts à affronter l’hiver mordant de la Nouvelle Angleterre. Pour fêter leur toute première récolte – et accessoirement remercier leurs hôtes de leur avoir sauvés la vie – ils organisèrent un gigantesque festin où se disputèrent parties de chasse, ripailles et divertissements en tous genres ! Pendant ces 3 jours de célébrations, Natifs et Européens oublièrent leur différence pour former un seul peuple, uni par le partage et la charité « chrétienne ». Trop beau pour être vrai ? Vous n’êtes pas loin…

.            L’histoire des États-Unis d’Amérique reposent sur 2 mythes fédérateurs : Thanksgiving et la signature de la Déclaration d’indépendance par les Pères Fondateurs le 4 Juillet 1776 à Philadelphie. Si la commémoration du 4 juillet prit instantanément racine chez le peuple, Thanksgiving mit un certain temps avant de s’imposer comme fête nationale … Ce n’est que le 26 novembre 1789 que George Washington, alors président des États-Unis, inaugura la toute première fête de Thanksgiving. Un début prometteur qui n’emballa pas les foules… Jusqu’à l’arrivée de Sara Joseph Hale.

La fameuse dinde de Thanksgiving … Les pélerins et les Natifs n’ont pourtant jamais mangé de dinde ensemble.

.            L’illustre auteur de la comptine Mary had a Little Lamb s’inspira du journal du gouverneur Bradford pour écrire Northwood – A tale of New England, où elle narre le premier repas que les colons partagèrent avec les Natifs. Suite à la publication de son roman, elle battit la campagne pour que les autorités politiques reconnaissent Thanksgiving comme fête nationale, allant même jusqu’à publier des recettes de plats devenus aujourd’hui la norme : dinde farcie, tarte à la citrouille, purée de pommes de terre, sauce de canneberge … Et tant pis si les pèlerins et les Natifs n’ont jamais mangé de dinde – mais du gibier – ni de pommes de terre – qui firent leur apparition un siècle plus tard. L’écrivain obtint finalement gain de cause en 1863, quand Abraham Lincoln, empêtré en pleine Guerre civile, annonça que la fête nationale de Thanksgiving serait célébrée chaque quatrième jeudi de novembre. Symbole de partage et d’union nationale, cette commémoration est un affront perpétuel aux yeux des descendants d’Amérindiens, l’encensement irraisonné d’un odieux carnage oublié des manuels scolaires américains : le massacre des Pequots.

Colère divine et génocide

.            Les premiers pas des colons sur le continent américain ne furent pas dirigés par le traditionnel rais de lumière divine illuminant la terre promise, mais jalonnés de squelettes, de crânes et de ruines. N’importe qui, normalement constitué, aurait vu là un sinistre présage, un funeste avertissement… Mais pas le gouverneur Bradford qui loua le Seigneur de les avoir guidés sur ces terres délestées des leurs propriétaires légitimes. Le timing était parfait : ils posaient le pied sur une Nouvelle Angleterre débarrassée de la quasi-totalité de sa population amérindienne. Contrairement aux croyances populaires, les Pilgrim Fathers n’étaient pas les premiers hommes blancs à côtoyer les Natifs : les explorateurs, commerçants et missionnaires européens étaient déjà partis à leur rencontre au XVIe siècle. Motivés par la conquête de ce Nouveau Monde vierge de toute cupidité, marchands de fourrure et pêcheurs firent bientôt de cette terre de cocagne une de leurs destinations privilégiées. Les allers-retours entre le vieux continent et l’Amérique se multiplièrent, les contacts avec les populations indigènes explosèrent, et la maladie apparut.

Des pèlerins protestants à bord d’un navire hollandais

.            De 1616 à 1619, l’ensemble des tribus amérindiennes de la façade Atlantique furent décimées par un mystérieux fléau qui n’avait aucune emprise sur les Blancs… Du Massachussets au Maine en passant par la Nouvelle Angleterre, les tribus Pennacook, Nauset, Abenaki et Wompanoag perdirent 75 à 90 % de leur population. À titre de comparaison, l’Europe pleura 30 à 50 % de ses habitants quand sévit la Peste Noire au XVIe siècle. Cette « peste » apportée par les Européens dont nous ignorons encore l’origine exacte – variole, hépatite, méningite, typhus ? – permit aux envahisseurs d’étendre leur domination sur toute la côte Est, et d’enclencher le processus d’expropriation des peuples autochtones. Malgré d’innombrables pertes, les Wompanoags demeuraient toujours plus nombreux que les pèlerins du Mayflower. Il ne leur aurait suffi que d’un assaut pour venir à bout de la colonie et détruire ces calamités génocidaires. Ils n’en firent rien. Ils les aidèrent même à survivre. Une pitié que ne connaîtront pas les Anglais.

La guerre entre les Pequots et les colons anglais

.            À l’automne 1636, les Pequots entrèrent en guerre contre l’envahisseur anglais. L’épidémie de variole de 1633 avait emporté la moitié de la tribu, leur rivalité avec les Narragansetts et les tentatives de colonisation de leur terre par les colons ne leur laissèrent pas le choix… Le conflit se solda par une amère défaite des Pequots et la signature du Traité de Hartford en 1638, qui enterra définitivement l’existence des insurgés. Si la lutte émancipatrice des Pequots a été passée sous silence et même oubliée de beaucoup d’Américains, le Massacre de Fort Mystic est resté ancré dans bien des mémoires, surtout chez les Natifs. Le 26 mai 1636, la garnison du capitaine John Mason, épaulée de guerriers Niantics, Mohegans et Narragansetts, attaqua le village fortifié des Pequots en bordure de la Mystic River. Ils brûlèrent le village, bloquèrent les sorties, et mirent le feu aux palissades. Dévorés par les flammes, les Pequots étaient faits comme des rats : quiconque escaladait les portes finissait fusillé. Ce 26 mai 1636, 500 hommes, femmes et enfants furent exterminés à cause de la couleur de leur peau.

L’armée américaine attaque un village amérindien au XIXe siècle

.            Cet événement dramatique, déclencheur d’un génocide étalé sur 3 siècles serait le socle sur lequel repose véritablement la fête de Thanksgiving, c’est en tout cas l’avis de l’Université du Connecticut selon Republic of lakotah, qui nous rappelle que William Bradford, le gouverneur de la Baie de la colonie du Massachussets, déclara plusieurs jours après la tuerie qu’il s’agissait là d’un « jour de gratitude, remerciant Dieu que leurs hommes aient éliminé pas moins de 700 hommes, femmes et enfants. […] Dorénavant, ce jour sera un jour de fête et de remerciement pour la défaite des Pequots ».

« Le coût humain et social dépasse l’entendement. Un tel trauma déchire tous les liens qui existent au sein d’une culture. Dans toutes les annales de l’histoire humaine, il n’existe aucune catastrophe démographique comparable » - Charles C. Mann, écrivain

La question de l’origine véritable de Thanksgiving continue de diviser l’opinion publique : les descendants de Natifs restent convaincus que cette fête est associée à un odieux massacre de population indigène, tandis que la grande majorité des Américains voient en cette fête de novembre une célébration des valeurs humanistes et chrétiennes qui unirent – le temps d’un festin – colons et Natifs. Dans un cas comme dans l’autre, les Amérindiens demeurent les éternels oubliés des commémorations nationales, comme si le premier génocide de l’Histoire moderne valait moins que tous ceux survenus au XXe siècle…


Un peuple, deux Thanksgiving  

Daily Geek Show - Matthieu Garcia,23 novembre 2017 (Traduction libre)

.            À New-York, on ne blague pas avec Thanksgiving. Comme à chaque fois, c’est l’enseigne américaine Macys qui est en charge du défilé annuel de Thanksgiving, sobrement intitulé : Macys’ Thanksgiving Day Parade. Au programme : un énorme cortège long de 4 km en plein Manhattan avec des chars, des fanfares, des pom-pom girls – ou cheerleaders pour les connaisseurs – et les célèbres ballons géants à l’effigie des héros préférés de nos bambins – Hello Kitty, Sonic et bien d’autres. Chaque année, ce sont 3 millions d’Américains qui se pressent dans les rues de New-York pour assister à l’événement, tandis que 50 millions préfèrent le suivre chez eux bien au chaud, les yeux rivés sur leur écran TV.

Barack Obama gracie une dinde pour Thanksgiving

.            Thanksgiving est une affaire sérieuse, qui relève du sacré : les citrouilles rescapées du massacre d’Halloween sont réquisitionnées pour la confection de délicieuses tartes, les élevages de dindes se vident et les canneberges deviennent le fruit le plus consommé du pays ! Non content d’alimenter la filière agro-alimentaire comme aucune autre fête, Thanksgiving permet aussi aux professeurs des écoles de lâcher du lest et d’imposer des travaux créatifs à leurs petits élèves : fabrication de coiffes de chef amérindien, dessins de dindes – cuisinées ou sur 2 pieds, au choix – production de chapeaux de pèlerins en papiers, spectacles live… Tout le pays vit à l’heure du mythe Thanksgiving, qui prône les repas en famille et les bons sentiments. Mais quid du peuple Wompanoag qui vint au secours des puritains en ce rugueux hiver 1621…

.            Plymouth, c’est le berceau historique de Thanksgiving. La première colonie de la Nouvelle Angleterre fondée par les Pilgrim Fathers est un lieu de pèlerinage pour tous les inconditionnels de la 2e fête nationale. Les commémorations qui s’y déroulent sont à des années lumières de l’exubérance et du mercantilisme ostentatoire de la parade new-yorkaise : elles respirent l’authenticité. Enfin, à condition qu’on aime les défilés en habits d’époque qui dépeignent le festin de Thanksgiving comme étant une gigantesque fiesta où colons et Natifs sont devenus les meilleurs amis du monde… Si ces réjouissances vous écœurent, vous pouvez toujours rejoindre les United American Indians of New England qui, comme chaque année depuis 1970, se réunissent au sommet de Cole’s Hill pour célébrer « le Jour du Deuil ». Minorité invisible par excellence, les descendants d’Amérindiens voient dans ce recueillement une manifestation pacifique contre le racisme et l’oppression qu’ils continuent de subir tous les jours.

Le mont Rushmore a été construit sur une montagne sacrée

En novembre, CNN s’était emparé des chiffres du Disease Control and Prevention pour montrer que le « taux de Natifs américains tués lors de contrôles de police dépassait celui de tout autre groupe ethnique ». Les affronts envers les Natifs sont si nombreux qu’il nous serait impossible de tous les lister : le génocide amérindien, les violations des traités signés avec les États-Unis, la construction du Mont Rushmore sur une montagne sacrée, le massacre de Wounded Knee… Et leur situation actuelle n’est guère plus enviable : ils présentent 770 % de risques en plus de mourir d’alcoolisme et leur taux de chômage et de suicide atteignent des records inégalés dans les autres communautés du pays.

 

 Des Sioux photographiés avant un numéro de cirque en Allemagne en 1947

.            Presque 400 ans ont passé depuis le premier repas de Thanksgiving, et les Natifs sont passés de maîtres des lieux à minorité fantôme, encombrants vestiges d’une époque peu glorieuse que l’Amérique préfère oublier à coup de dindes farcies et de purée de pommes de terre. Dans son article Occupation et génocide en guise de « découverte », Jérôme Duval estime qu’entre 1492 et 1600, près de 95 % de la population amérindienne aurait péri sous les maladies européennes (fièvre jaune, malaria…), les conflits armés et le travail forcé. Nous parlons de la mort de plusieurs dizaines de millions de femmes et d’enfants ! Et chaque quatrième jeudi de novembre, les descendants de ce noble peuple exterminé par la volonté suprême des chrétiens européens sont ramenés à leur triste condition de survivants désavoués, abandonnés, humiliés par ceux-là mêmes qui ont tué leurs ancêtres et pris possession de leurs terres.


Dinde et farce, une célébration du génocide ?

Lakotah community forum - - John K. Wilson – 26 décembre 2009 (Traduction libre)

.            Thanksgiving est un jour férié où les familles se réunissent pour raconter des histoires, regarder les matchs de football à la télévision et partager un grand festin. C'est aussi la période où l'on parle des Amérindiens. Mais se demande-t-on jamais pourquoi les Américains célèbrent cette fête nationale ? Pourquoi tout le monde est-il reconnaissant ?

.            L'histoire n'est jamais simple. L'histoire traditionnelle de Thanksgiving ne dit-elle pas que les "Pèlerins et Indiens" ont festoyé pendant trois jours ? La plupart des Américains croient qu'il y a eu de magnifiques et abondantes récoltes. Dans l'histoire de Thanksgiving, les "Indiens" sont-ils même reconnus par leur tribu ? Non, parce que tout le monde suppose que tous les "Indiens" sont les mêmes. Alors, qui étaient ces Indiens en 1621 ?

.            En 1620, les pèlerins arrivèrent sur le Mayflower en nommant la terre Plymouth Rock. Pourtant un élément est toujours occulté : le village s'appelait déjà Patuxet et les Indiens Wampanoag y vivaient depuis des milliers d'années. Pour beaucoup d'Américains, Plymouth Rock est un symbole. Beaucoup de gens pensent : "C'est le rocher sur lequel notre nation est née." En 1621, les pèlerins ont partagé un festin, mais il n'a pas été renouvelé. Ce ne fut donc pas le début d'une tradition d'action de grâces et d’ailleurs les pèlerins n'appelaient pas cela une fête d’action de grâces. Les pèlerins percevaient en effet les Indiens en relation avec le diable, et la raison pour laquelle ils furent invités à cette fête fut en réalité dans le but de négocier un traité qui attribuerait les terres aux pèlerins. La raison pour laquelle il y a tant de mythes au sujet de Thanksgiving est que c'est une tradition inventée. Elle est davantage basée sur la fiction que sur les faits.

.            Alors, quelle vérité faut-il enseigner ? La fête officielle de Thanksgiving telle que célébrée aujourd'hui a vu le jour en 1637. (Certains prétendent qu'elle a officiellement pris forme pendant la guerre civile, en 1863, lorsque le président Lincoln l'a proclamée, cette même année où il a fait pendre 38 Sioux la veille de Noël). William Newell, un Indien de Penobscot et ancien président du département d'anthropologie de l'Université du Connecticut, affirme que le premier Thanksgiving ne fut pas "un rassemblement festif d'Indiens et de pèlerins, mais plutôt une célébration du massacre de 700 hommes, femmes et enfants pequots".

.            En 1637, la tribu Pequot du Connecticut se réunit pour la cérémonie annuelle de la danse du maïs vert. Des mercenaires anglais et hollandais attaquent et encerclent le village, brûlant tout et tirant sur tous ceux qui tentaient de s'échapper. Le lendemain, note M. Newell, le gouverneur de la colonie de la baie du Massachusetts a déclaré : "Un jour d'action de grâce, remerciant Dieu d'avoir éliminé plus de 700 hommes, femmes et enfantsCe jour sera un jour de fête et d'action de grâces pour avoir vaincu les Pequots."

.            La plupart des Américains croient hélas que Thanksgiving ne fut que ce merveilleux dîner et cette fête de la moisson. …


Les Pequots

.            Les Pequots sont un peuple amérindien qui, au XVIIe siècle, était établi dans la région du Connecticut au nord-est des États-Unis. Ils appartenaient au groupe linguistique des Algonquiens.

Ils furent quasiment tous décimés lors de la guerre des Pequots (1637) et notamment lors du massacre de Mystic qui les opposait aux colons anglais. Quelques descendants de cette tribu vivent toujours au Connecticut en tant que Mashantucket Pequots et Eastern Pequot Tribal Nation (ou Paucatuck Pequot).

Les membres de la Eastern Pequot Tribal Nation disposent d'une réserve dénommée Lantern Hill à Ledyard.

La tribu a été reconnue par le gouvernement fédéral en 1983 par le Mashantucket Pequot Land Claims Settlement Act au prétexte que la tribu avait été illégalement privée de ses terres par des actions de l'État non ratifiées par le Sénat. Dans le cadre du règlement de cette poursuite, le Congrès a accordé une reconnaissance fédérale à l'Eastern Pequot Tribal Nation en 1983, et approuva une compensation financière afin que la tribu puisse racheter les terres perdues (réserve de Ledyard). L'appartenance tribale est basée sur l'ascendance de 11 familles Pequot dont les ancêtres ont été répertoriés dans le recensement américain de 1900.

La tribu Mashantucket Pequot est l'une des deux tribus reconnues par le gouvernement fédéral au Connecticut, l'autre étant la tribu indienne Mohegan.

Les Wampanoags

.            En 1600, les Wampanoag, "peuple oriental", étaient probablement au nombre de 12 000, avec 40 villages répartis entre 8 000 sur le continent et 4 000 autres sur les îles au large de Martha's Vineyard et Nantucket. Les trois épidémies qui ont balayé la Nouvelle-Angleterre et les Canadian Maritimes entre 1614 et 1620 ont été particulièrement dévastatrices pour le Wampanoag et le Massachuset voisin, la mortalité atteignant 100% dans de nombreux villages du continent (par exemple Patuxet). Lorsque les pèlerins débarquèrent en 1620, moins de 2 000 Wampanoags avaient survécu sur le continent. Les Wampanoag des îles, quelque peu protégés par leur isolement relatif, étaient encore environ 3 000. Au moins 10 villages continentaux avaient été abandonnés après les épidémies, faute d’habitants. Après la colonisation anglaise du Massachusetts, les épidémies ont continué à réduire le Wampanoag continental jusqu'à ce qu'il n'y en eut plus que 1 000 en 1675. Seuls 400 d'entre eux survécurent à la guerre du roi Philip (1). Toujours concentrés dans les comtés de Barnstable, Plymouth et Bristol, dans le sud-est du Massachusetts, les Wampanoags survivants se sont développés lentement pour atteindre leur nombre actuel de 3 000.

Les communautés insulaires de Wampanoag sur Martha's Vineyard et Nantucket étaient près de 700 habitants jusqu'à ce qu'une fièvre en 1763 tue les deux tiers du Nantucket. La tribu ne s'est jamais rétablie, et le dernier Nantucket est mort en 1855. La communauté de Martha's Vineyard s'est maintenue en ajoutant des peuples autochtones du continent et par des mariages mixtes, mais en 1807, seulement 40 d'entre eux étaient de sang pur.

Le Massachusetts a divisé les terres tribales en 1842 et a mis fin au statut tribal en 1870, mais les Wampanoags se sont réorganisés en 1928 pour devenir la Wampanoag Nation. Il y a actuellement cinq tribus organisées : Assonet, Gay Head, Herring Pond, Mashpee et Namasket. Toutes ont demandé la reconnaissance du gouvernement fédéral et des États, mais seul Gay Head (600 membres mais sans réserve) a obtenu gain de cause (1987). La demande des Mashpee (2 200 membres) a été rejetée par les tribunaux fédéraux en 1978.

Lakotah

.            Le 20 décembre 2007, un mouvement prônant l'affirmation amérindienne nommé Freedom Lakota et dirigé par Russell Means a proclamé à Washington l'indépendance des Lakota par rapport aux États-Unis. Dans une note remise au Département d'État des États-Unis ils ont dénoncé l'ensemble des trente-trois traités signés au cours du temps avec les États-Unis (un certain nombre de traités ont plus de 150 ans), parce que les colons jusqu'à maintenant ne les ont jamais respectés. Cette République de Lakota engloberait une partie du Nebraska, du Dakota du Sud, du Dakota du Nord, du Montana et du Wyoming. Les autonomistes n'ont jamais indiqué qu'elle serait leur capitale ; leur siège se trouverait à Porcupine, une localité de la Réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud.

Le traité de Hartford (1638)

.            Le traité de Hartford a été signé le 21 septembre 1638 à Hartford dans l'État actuel du Connecticut entre les colons anglais de la colonie de la rivière et les nations amérindiennes qui ont combattu à leurs côtés lors de la guerre des Pequots, à savoir les Narragansetts et les Mohegans.

Le traité met officiellement un terme à la guerre et marque la fin de l'existence des Pequots en tant qu'entité politique indépendante. Les Pequots survivants sont répartis entre les Narragansetts et Mohegans et ne doivent plus désormais être appelés Pequots, tandis que leurs terres reviennent aux Anglais.

Le traité inclut également des dispositions visant à maintenir la paix entre les différentes parties signataires. Il stipule que les Narragansetts et les Mohegans doivent s'en remettre aux Anglais en cas de différend.


Une leçon de Thanksgiving Day

Contrepoints – 28 nov 2019

.          Les Pèlerins du Mayflower n’eurent besoin que deux années pour se rendre compte que le socialisme ne fonctionne pas. Même pas un peu. Même pas une fois. Même pas par hasard. Pas du tout. Jamais.

Ce jeudi 24 novembre, comme chaque quatrième jeudi du mois de novembre, les familles des États-Unis fêtent le Jour d’Action de Grâces en dînant d’une dinde, avec une sauce à la canneberge, des patates douces et de la tarte au potiron pour dessert. Tout le monde connaît l’origine de ce menu : la commémoration de la survie des colons du Mayflower, après une première année de famine et de maladie, grâce aux dindes sauvages et au maïs fournis par les Indiens Narranganset et Wampanoag.

Ce qu’on sait moins c’est qu’il s’agit là également d’une histoire qui oppose la propriété privée à la propriété collective. En décembre 1620, les Pèlerins débarquaient à Plymouth Rock. Ils pensaient que la propriété privée était à la base de l’avarice, de l’égoïsme et de la désunion. Pour cette raison, ils décidèrent que tout le travail se ferait en commun et que les fruits de celui-ci seraient répartis de manière égale. Tout cela devait conduire à la prospérité et à l’amour fraternel.

Cependant, le gouverneur de la colonie William Bradford explique comment cette expérience communautaire réalisée au sein d’une communauté pourtant « idéale » composée d’hommes sobres et pieux, illustrait la vanité de la prétention de Platon et d’autres de ses illustres successeurs à vouloir fonder une société heureuse et florissante sur la communauté des biens.

Bradford décrit clairement comment la réalité de l’expérience d’une égalité forcée des conditions et des récompenses du travail entre tous se traduisit par la confusion, le mécontentement et l’inefficacité au sein de la colonie.

L’expérience fut donc un échec complet.

Ce que les colons obtinrent ce fut la pauvreté, l’envie et la rancune. Et la famine en prime. Après deux ans, ils décidèrent de diviser la terre et de donner à chaque famille sa parcelle correspondante. Chacun devenait libre de disposer de sa récolte et de la commercer comme il l’entendait. La production augmenta de manière significative et la joie revint dans la communauté. (Note).

Les récoltes de 1623 furent excellentes, et en novembre les colons célébrèrent une grande fête où ils invitèrent les Indiens qui les avaient aidés dans la détresse et avec qui ils entretenaient désormais des relations commerciales. À cette occasion, ils rendirent grâce à Dieu pour la récolte.

CHAPTER 16 - Document 1 - William Bradford, Of Plymouth Plantation 120--21

.            All this while no supply was heard of, neither knew they when they might expect any. So they began to think how they might raise as much corn as they could, and obtain a better crop than they had done, that they might not still thus languish in misery. At length, after much debate of things, the Governor (with the advice of the chiefest amongst them) gave way that they should set corn every man for his own particular, and in that regard trust to themselves; in all other things to go on in the general way as before. And so assigned to every family a parcel of land, according to the proportion of their number, for that end, only for present use (but made no division for inheritance) and ranged all boys and youth under some family. This had very good success, for it made all hands very industrious, so as much more corn was planted than otherwise would have been by any means the Governor or any other could use, and saved him a great deal of trouble, and gave far better content. The women now went willingly into the field, and took their little ones with them to set corn; which before would allege weakness and inability; whom to have compelled would have been thought great tyranny and oppression.

.            The experience that was had in this common course and condition, tried sundry years and that amongst godly and sober men, may well evince the vanity of that conceit of Plato's and other ancients applauded by some of later times; that the taking away of property and bringing in community into a commonwealth would make them happy and flourishing; as if they were wiser than God. For this community (so far as it was) was found to breed much confusion and discontent and retard much employment that would have been to their benefit and comfort. For the young men, that were most able and fit for labour and service, did repine that they should spend their time and strength to work for other men's wives and children without any recompense. The strong, or man of parts, had no more in division of victuals and clothes than he that was weak and not able to do a quarter the other could; this was thought injustice. The aged and graver men to be ranked and equalized in labours and victuals, clothes, etc., with the meaner and younger sort, thought it some indignity and disrespect unto them. And for men's wives to be commanded to do service for other men, as dressing their meat, washing their clothes, etc., they deemed it a kind of slavery, neither could many husbands well brook it. Upon the point all being to have alike, and all to do alike, they thought themselves in the like condition, and one as good as another; and so, if it did not cut off those relations that God hath set amongst men, yet it did at least much diminish and take off the mutual respects that should be preserved amongst them. And would have been worse if they had been men of another condition. Let none object this is men's corruption, and nothing to the course itself. I answer, seeing all men have this corruption in them, God in His wisdom saw another course fitter for them.

.            Pendant tout ce temps aucun approvisionnement n'était annoncé, pas plus qu'ils ne savaient s’ils pouvaient s'attendre à en recevoir. Ils commencèrent donc à se demander comment ils pourraient réussir à cultiver le maïs nécessaire, et obtenir une meilleure récolte qu'ils n’avaient eue auparavant, et ainsi échapper à la misère. Après de longues discussions, le gouverneur (après avis des chefs du groupe) concéda, après de longues discussions, que chacun pour son compte gèrera son propre maïs et de ce fait ils se devront mutuelle confiance ; toutes les autres choses continueront au profit de la communauté comme avant. Et ainsi, à cette fin, fut assignée à chaque famille une parcelle de terre, en proportion de leur nombre, seulement pour une utilisation immédiate (sans aucune division sujette à héritage), après que les garçons et les jeunes aient été répartis dans des familles. Cela fut un grand succès, car chacun fut motivé pour travailler plus intensément et s’organiser, de sorte qu’il fut planté beaucoup plus de maïs qu'il ne l’aurait été par quelque autre moyen qu’aurait pu proposer le gouverneur ou mis en oeuvre par quiconque. Beaucoup de troubles furent évités, pour une bien plus grande production. Les femmes allaient maintenant volontiers dans les champs, et emmenaient leurs petits avec elles pour semer du maïs ; alors qu’auparavant, elles auraient allégué la faiblesse et l'inaptitude ou fait état de tyrannie et d’oppression.

.            L'expérience qui a été vécue dans ce programme et ces conditions communautaires, durant plusieurs années par des hommes pieux et sobres, montre la vanité du concept de gouvernance de Platon défendu par d'autres anciens ultérieurement : que l'enlèvement des biens et leur mise en partage dans une communauté rendraient les hommes heureux et prospères ; comme s'ils étaient plus sages que Dieu. Car cette mise en communauté (dans la mesure où elle en était une), a montré qu'elle engendrait beaucoup de confusion et de mécontentement et qu'elle retardait sensiblement le travail à leur détriment et à celui de leur confort. En effet, les jeunes hommes, qui étaient les plus aptes au travail et au service, étaient conscients que leur temps et leur énergie servaient également les femmes et les enfants des autres hommes sans aucune compensation. L’homme fort ou serviable n'avait pas droit à plus de victuailles et de vêtements que celui qui était faible et incapable de faire un quart de ce que l'on pouvait attendre de lui, ce qui était considéré comme une injustice. Les hommes expérimentés et plus sérieux mis sur le même plan quant au travail, aux victuailles, aux vêtements, etc, que les plus novices et piètres, considéraient cela comme une indignité et un manque de respect à leur égard. Et que des épouses reçoivent l'ordre de servir d'autres hommes, comme préparer leur viande, laver leurs vêtements, etc., était considéré comme une sorte d'esclavage, servitude que beaucoup de maris ne pouvaient admettre. Dès lors qu’ils étaient similaires et qu’ils faisaient les mêmes choses, ils se considéraient avec le même statut et une égale valeur; et ainsi, si elle n'a pas rompu les relations que Dieu avait établies entre les hommes, la communauté a au minimum beaucoup diminué et supprimé le respect mutuel qui aurait dû être maintenu parmi eux. Et encore, cela aurait été pire s'ils avaient été des hommes d'une autre condition. Que personne ne s'y trompe, c'est la corruption des hommes, et rien d’autre. J’en réponds, voyant que tous les hommes ont succombé à cette corruption, Dieu, dans sa sagesse, a un autre destin pour eux.

The Founders' Constitution
http://press-pubs.uchicago.edu/founders/documents/v1ch16s1.html
The University of Chicago Press

Bradford, William. Of Plymouth Plantation, 1620--1647. Edited by Samuel Eliot Morison. New York: Modern Library, 1967.


Squanto, Thanksgiving raconté .... (vidéo)