.            L’histoire est-elle toujours écrite par les vainqueurs ? Un siècle et demi et 60.000 ouvrages plus tard, la guerre de Sécession (1861-1865) fait de toute évidence exception à la règle, tant la vision idéalisée et romantique du « vieux Sud » a perduré dans la société américaine, avec ses grands capitaines barbus (Lee et Jackson) quasiment sanctifiés, leurs faits d’armes magnifiés et le « Dixie Flag » toujours brandi avec fierté par les nostalgiques de cet éphémère Etat confédéré. Des chefs-d’œuvre comme les Invaincus de Faulkner ou Autant en emporte le vent à la pathético-comique série télévisée Shérif fais-moi peur, en passant par les récentes manifestations entourant le déboulonnage des statues de généraux esclavagistes, la « civil war » reste l’une des grandes fractures du pays, et le « premier grand conflit contemporain ».

Siège de la ville confédérée de Charleston, 1863. (Coll Christophe L)

Les Etats confédérés

.            Les États confédérés d'Amérique (Confederate States of America, CSA), appelés également ‘la Confédération’, (the Confederacy) constituaient un État autoproclamé indépendant, né de la sécession des États du Sud des États-Unis avec les États-Unis eux-mêmes, alors appelés l'Union.

Cet État a existé de 1861 à 1865 dans le Sud de l'Amérique du Nord avant d'être réintégré à l'issue de la guerre de Sécession. À cause de la guerre entre les CSA et l'Union, il n'y eut jamais de délimitation définitive de la frontière nord de ette confédération, mais la limite sud du territoire fut le Mexique.

L’antagonisme grandissait en fait depuis l'indépendance en raison de la coexistence de deux cultures aux États-Unis :

  • celle du Nord, attaché au fédéralisme et plus industrialisé, qui progressait rapidement (tarifs douaniers protectionnistes, textiles, transports, ...) sous l'influence de la culture puritaine et des immigrés en grande partie protestants ou bien aventuriers. Ce Nord jugeait plutôt archaïque
  • celle du Sud, favorable à l'autonomie des Etats, s'appuyant sur les petits propriétaires terriens et les planteurs, dominé par la culture essentiellement du coton (vendu aux manufactures britanniques). Avec uniquement 10% du potentiel industriel du pays, ce Sud dont l'agriculture est basée principalement sur l'esclavage, craignait en outre que l'arrivée massive des immigrés dépossède les "natifs" de leur Amérique.

Le tarif douanier voté en 1789, avec des taux de 5 à 50 %, générait 80 à 95 % des revenus du pays. En 1816, le Congrès votait son premier texte explicitement protectionniste pour éviter le déferlement des produits manufacturés venant d'Angleterre. Les Etats du sud, et en premier lieu la Caroline du Sud, s'y opposèrent avec force. Les aristocrates des plantations du Sud n'y virent qu'une manoeuvre visant à favoriser l'industrie du Nord. Et en effet les matières premières essentiellement agricoles pouvaient maintenant entrer en totale franchise sur le sol américain, constituant une concurrence insupportable pour les plantations du Sud, aggravée par l'utilisation de produits manufacturés importés désormais surtaxés. Puis un nouveau tarif douanier (19 mai 1828) encore plus défavorable fut surnommé le "tarif des abominations".

La création des États confédérés qui, contrairement à la version officielle lincolnienne, fut autant économique que politique, fut ainsi une réaction quasi fatale à la volonté de réforme de l'esclavage par le gouvernement fédéral, faisant suite à l'élection d'Abraham Lincoln comme président des États-Unis en 1860 sur la base d'un programme opposé à l'extension de l'esclavage. Le 20 décembre 1860, deux semaines après l’élection d’Abraham Lincoln, les parlementaires de Caroline du Sud votent à l’unanimité la sécession de leur État. Ils rejettent par avance l’abolition de l’esclavage et le programme protectionniste du candidat, favorable aux intérêts du nord.

Le président sortant, le démocrate James Buchanan, encore en fonction à la Maison Blanche jusqu’au début de l’année suivante, se montre décontenancé. Sa faiblesse encourage les sécessionnistes du Sud. Six autres États esclavagistes du Sud choisirent de faire sécession des États-Unis pour former les États confédérés d'Amérique le 4 février 1861 et suivent la Caroline du Sud : le Mississippi (9 janvier 1861), la Floride (10 janvier 1861), l'Alabama (11 janvier 1861), la Géorgie (19 janvier 1861), la Louisiane (26 janvier 1861), le Texas (1er février 1861).

Le 8 février 1861, à Montgomery, en Alabama, ils proclament leur indépendance et s’unissent au sein d’une nouvelle « Confédération des États d’Amérique » (Confederate States of America).

Le jour suivant Jefferson Davis fut désigné pour en être le premier président et Richmond (Virginie) choisie comme capitale. Son drapeau, la « Southern Cross », sera plus tard popularisé au cinéma par le film à grand spectacle Gone with the wind (Autant en emporte le vent). Ces sept États prirent alors le contrôle des installations militaires et navales sur leurs territoires, déclenchant ainsi la guerre de Sécession.

  Le drapeau des Etats confédérés (1861)

Suite à l'appel à la mobilisation du président Lincoln afin que des soldats américains aillent combattre les CSA, quatre autres États firent sécession : la Virginie (17 avril 1861), l'Arkansas (6 mai 1861), le Tennessee (7 mai 1861), la Caroline du Nord (20 mai 1861). Dans deux États, des factions pro-sécessionnistes formèrent des gouvernements confédérés, alors même qu'ils étaient revendiqués par le gouvernement de l'Union : le Missouri (31 octobre 1861), le Kentucky (20 novembre 1861).

La Confédération rassemble au final onze États sur les vingt-six que compte alors l’Union et sa formation a précipité la guerre civile américaine en 1861. La plupart des combats eurent lieu sur son territoire.

 

Carte des Etats Confédérés

La guerre de Sécession (Civil war): 12 avril 1861 / 09 avril 1865

.            La guerre de Sécession ou guerre civile américaine (généralement appelée en Amérique du Nord « the Civil War » et parfois « the War of Northern Aggression » par les partisans du Sud est une guerre civile qui survient entre 1861 et 1865 impliquant les États-Unis (« l'Union »), qui comprend tous les États abolitionnistes et cinq États « frontaliers » esclavagistes, dirigés par Abraham Lincoln avec le soutien de son parti républicain, et les États confédérés d'Amérique (« la Confédération »), dirigés par Jefferson Davis et rassemblant les onze États du Sud qui avaient fait sécession des États-Unis.

Dans ce pays d'alors 31 millions d'habitants, elle a fait 630 000 morts parmi les 3 millions de combattants, soit bien davantage qu'aucune autre des guerres qui ont impliqué le pays, y compris les deux guerres mondiales. Ce fut la seule guerre menée sur le sol américain par des Américains.

Les combats commencent le 12 avril 1861, lorsque les forces confédérées attaquent une installation militaire de l'Union à Fort Sumter, dans la baie de Charleston en Caroline du Sud, parce que les soldats nordistes ont refusé de l'évacuer. Sans attendre l’autorisation du Congrès, Lincoln répond en mobilisant une armée de volontaires dans chaque État, ce qui conduit à la sécession de quatre États esclavagistes sudistes supplémentaires.

Dès le début, les Confédérés bénéficient du ralliement d’excellents officiers, issus de l’aristocratie des planteurs. Parmi eux le généralissime Robert Edward Lee qui est pourtant un abolitionniste convaincu de l’esclavage.

Ces hommes ont le sentiment de défendre leur terre et leur culture et offrent peu de prise aux interférences politiques. Ils méprisent les gens du Nord, surnommés « Yankees ». Comme les opérations se déroulent pour l’essentiel dans le Sud, ils peuvent compter sur le soutien de la population et, malgré le blocus maritime, ils réussissent toujours à s’approvisionner en Europe. Mais leur défaite est inscrite dans les chiffres.

L’Union dispose en effet d’une confortable supériorité : 22 millions d’habitants contre 9 millions au Sud (dont 3,7 millions d’esclaves noirs), un budget militaire et des effectifs deux fois plus élevés, un équipement industriel et un réseau de transports développés, une marine puissante.

Elle est forte par-dessus tout de la foi du président Lincoln en la justesse de sa cause. Le président veut en finir avec l’esclavage mais il tient plus encore à restaurer l’unité du pays.  Toutefois, sa démarche jusqu’auboutiste ne fait pas l’unanimité dans son propre camp. Au sein du parti républicain, certains élus, partisans d’une plus grande autonomie des États en matière civile, seraient disposés à un compromis avec la Confédération.

L’Angleterre de Palmerston se cantonne dans un attentisme prudent. Celui-ci est un moment compromis suite à l’arraisonnement par les fédéraux, le 8 novembre 1861, d’une goélette britannique, le Trent, qui transporte deux émissaires du gouvernement sudiste. Quant à la France de Napoléon III, elle est au même moment empêtrée dans la guerre du Mexique et n’a cure de se mêler des querelles civiles entre Américains.

Offensives sudistes à l’Est, nordistes à l’Ouest

.            Les opérations de guerre débutent avec une attaque du général Mc Dowell, à la tête de l’armée fédérale, contre la capitale sudiste, Richmond. C’est un fiasco. Les troupes fédérales, fortes de 19 000 hommes (les « tuniques bleues »), doivent céder le terrain face à 15 000 confédérés (les « tuniques grises ») dès le premier affrontement, à Bull Run, le 21 juillet 1861.

À la tête des troupes sudistes, le généralissime Robert Edward Lee se révèle dès cette date un stratège remarquable. Après ce premier succès, il se porte au-devant du général Mc Clellan, parti de Washington en direction de Richmond.  À Fair Oaks, une bataille de sept jours, du 26 juin au 2 juillet 1862, met un terme à cette campagne dite de la « péninsule » (car elle se déroule entre les fleuves York et James, en Virginie). Elle vaut à Mc Clellan, défait, de perdre une première fois son commandement.

Mais le général nordiste ne tarde pas à reprendre le commandement de l’armée du Potomac (80 000 hommes). Bien que toujours aussi indécis et lent, il n’a pas trop de mal à repousser l’armée de Lee (40 000 hommes) quand celui-ci tente à son tour une marche sur la capitale fédérale, Washington. Ce premier affrontement majeur a lieu à Antietam, dans le Maryland, le 17 septembre 1862.

Le président Lincoln entre Allan Pinkerson (chef du service de renseignements) et le major général Lew Wallace, après la bataille d’Antietam du 17 sep 1862. Jour le plus meurtrier de l’histoire des Etats-Unis :  23 000 soldats sont morts, blessés ou disparus après 12 heures de combats sauvages. Cette bataille arrête l’invasion du Nord par l’armée confédérée de la Virginie du Nord et conduit Abraham Lincoln à proclamer la première Emancipation des esclaves.

À l’Ouest, les Confédérés subissent leurs plus graves déconvenues. Leur adversaire, le général Ulysses Simpson Grant, un alcoolique non repenti, pénètre dans le Tennessee. Le 6 avril 1862, à Shiloh, celui-ci subit une attaque surprise des armées confédérées des généraux Albert Johnston et Pierre Beauregard. Johnston est tué dans la mêlée et Beauregard reprend l’offensive en soirée. Mais des renforts permettent à Grant de reprendre le lendemain la maîtrise du terrain, en dépit de pertes supérieures (13 000 tués et blessés contre 11 000 chez les Sudistes).

Après cette bataille, la plus violente depuis le début des hostilités, Grant se rend maître des bassins du Missouri et du Mississippi au cours des campagnes de 1862 et 1863, en tirant parti des flottilles de canonnières du Mississippi.

 

Artilleurs de Virginie à la bataille de Fair Oaks.

Au Sud, un corps expéditionnaire de marine dirigé par l’amiral Farragut et bénéficiant de l’appui des nouveaux cuirassés occupe La Nouvelle-Orléans le 28 avril 1862.

La guerre sévit également sur mer. Dans le port de Hampton Roads, le 8 mars 1862, des navires en bois sont pour la première fois attaqués par un cuirassé, le Merrimac. Il s’agit d’une frégate de l’Union dont les confédérés se sont emparés et qu’ils ont revêtue d’une carapace métallique et d’un éperon… Mais le lendemain, le Merrimac est lui-même contraint à la retraite par un petit cuirassé nordiste construit à la hâte, le Monitor.

Guerre de propagande

.            En cette année 1862, l’Union jette toutes ses forces dans la bataille. Pour couvrir les besoins financiers, le Congrès de Washington vote la mise en circulation de billets de banque en remplacement de la monnaie métallique. Les premiers billets apparaissent en février 1862. Ils sont surnommés « greenbacks » en raison de leur couleur verte. Le surnom leur est resté.

Le 22 septembre 1862, le président Lincoln proclame l’émancipation des esclaves du territoire rebelle, avec effet au 1er janvier suivant. Cette déclaration longuement mûrie a une portée plutôt défavorable à l’intérieur où elle contribue à durcir les positions de chaque camp, mais donne à l’Union un atout décisif vis-à-vis de l’opinion européenne en écartant le risque d’une reconnaissance de la Confédération par les grandes puissances. Les Nordistes voient enfin le sort tourner à leur avantage.

Le Sud prend néanmoins une revanche provisoire à Chancellorsville, entre les deux capitales, où s’affrontent pendant quatre jours, du 1er au 4 mai 1863, l’armée confédérée des généraux Lee et Jackson et l’armée du Potomac du général Joe Hoocker, surnommé « Fighting Joe » (Joe le Batailleur).

Les Confédérés remportent là leur plus grande bataille, malgré la mort de Jackson. Dans les rangs nordistes, désertions et vacances se multiplient. Les Noirs, rendus responsables de la guerre, sont même en butte à des accès de haine et victimes de lynchages.

Victimes confédérées à la bataille de Chancellorsville

Profitant de son succès, Lee monte jusqu’en Pennsylvanie, semant les destructions sur son passage. L’armée du Potomac, commandée par le général Meade, est sur ses talons. Rien n’est encore joué même si les rapports de force sont très favorables au Nord.

Gettysburg : le tournant de la guerre.          

.            Le tournant de la guerre se joue sur le champ de bataille de Gettysburg, les 1-2-3 juillet 1863. Après que le commandant sudiste (le général Lee) ait pris la décision, le troisième jour, de canonner les lignes ennemies pour vaincre la résistance, pendant deux heures, les quelque cent cinquante canons Confédérés pilonneront les positions de l’armée de l’Union (le général Meade). On estime aujourd’hui ce bombardement comme le plus important de toute la guerre de Sécession. Mais cette erreur stratégique majeure va signer la défaite des Confédérés. Quoique indécise, la bataille précipite la retraite du général sudiste Robert Edward Lee. Dans la soirée du 4 juillet, il ordonne à son armée de battre en retraite.

Bataille de Gettysburg, tableau de Thure de Thulstrup, 1887 - source : Library of Congress

L’Union perd pendant ces trois jours 23 000 hommes (tués, blessés ou capturés), soit un quart des effectifs engagés dans la bataille. Les pertes de la Confédération sudiste s’élèvent de leur côté à 31 000 hommes, soit un tiers de ses effectifs.

Peu après, les nordistes commandés par le général Grant s’emparent de la ville de Vicksburg, sur les bords du Mississippi, replaçant le fleuve tout entier sous la souveraineté de Washington. Dans un sursaut, les 19 et 20 septembre 1863, le général confédéré Bragg attire l’armée fédérale dans l’anse de Chickamauga. Mais la résistance du général Thomas évite une déroute à l’armée fédérale.

Après plusieurs victoires durant deux ans de guerre civile, le Sud s’effondre devant les troupes yankees. Ce sera le début d’une longue série de défaites. La défaite contraindra le général Lee à se retirer du champ de bataille et à rentrer en Virginie. À la suite de Gettysburg et au cours des deux années jusqu’à l’issue du conflit, l’armée confédérée n’engagera plus jamais d’offensives significatives contre les troupes yankees.

Vers la victoire de l’Union

.            Inexorablement, l’avantage passe au Nord. En mars 1864, le président Lincoln hisse le général Grant au grade de lieutenant général et lui confie le commandement de toutes les armées fédérales. Avec les 120 000 hommes de l’armée du Potomac, Grant marche contre l’armée de Virginie du Nord, qui ne dépasse pas 60 000 combattants, sous le commandement du général Lee.

Une succession d’engagements, en mai et juin 1864, cause des pertes énormes dans les deux camps, sans apporter d’issue décisive. C’est la campagne du désert (« wilderness campaign »).

Le général confédéré Early mène une campagne de diversion mais il est arrêté par le général Philip H. Sheridan à Cedar Creek le 19 octobre 1864. De son côté, le général nordiste William T. Sherman se rend maître de la ville d’Atlanta et la réduit en cendres le 2 septembre 1864.

Pendant ce temps, à Washington, la politique suit son cours. Abraham Lincoln, qui arrive au terme de son premier mandat présidentiel, se représente aux élections. Il affronte des opposants qui jugent sa politique dogmatique et extrémiste. Le camp démocrate prétend lui opposer le général destitué McClellan qui fait figure de colombe… Mais Lincoln force l’adhésion par sa détermination et sa réélection est favorisée par la tournure favorable des opérations militaires.

Le général Sherman poursuit sa « marche à la mer » à travers la Georgie. Il parcourt 500 kilomètres en 24 jours avec 65 000 hommes. Il brûle tout sur son passage et le 10 décembre 1864, livre Savannah aux flammes. Le général Thomas, quant à lui, occupe Nashville les 15 et 16 décembre. De son côté, l’amiral nordiste Farragut se rend maître de la plupart des ports sudistes et occupe Fort Fisher, en Caroline du Nord, en janvier 1865. Dans le même temps, Sherman remonte vers le nord, à travers la Caroline du Sud, dans l’espoir de prendre Lee à revers.

Fin de drame

.            En guise de bouquet final, le général Ulysses Simpson Grant s’empare, le 3 avril 1865, de Richmond, la capitale des Confédérés du Sud. Tandis que le président confédéré Jefferson Davis s’enfuit piteusement, le président Lincoln y fait une entrée triomphale, acclamé par les esclaves noirs … et quelques pauvres blancs.

Le général Lee n’a plus avec lui que 26 000 hommes affamés et dépenaillés. Acculé à proximité de Richmond par les forces des généraux Grant et Sheridan, il tente une ultime sortie près du village d’Appomatox Court House. Ses hommes enfoncent une première ligne de cavaliers mais c’est pour se retrouver encerclés par les régiments d’infanterie qui se cachaient alentour. En grand uniforme, Lee se rend à Grant. Il obtient heureusement de généreuses conditions pour ses hommes, autorisés à démobiliser avec chevaux et mules.

Le général Joseph Johnston se rend à son tour le 26 avril 1865 au général Sherman. L’ultime reddition a lieu le 23 juin 1865. Elle est le fait du général de brigade Stand Watie qui a la particularité d’être un chef cherokee et le seul général indien de la guerre de Sécession.

Le président Abraham Lincoln reçoit la capitulation de l’ennemi quelques jours après avoir été réinstallé à la Maison Blanche pour un deuxième mandat (20 janvier 1865). Il se prépare à réconcilier le Sud et le Nord avec charité et sans esprit de vengeance, mais son assassinat (15 avril 1865) l’en empêchera. …

Un bilan très lourd

Victimes de la guerre de Sécession.

.            Durant les quatre ans de cette guerre dans un pays de 31 millions d’habitants, plus de 3 millions d'hommes avaient été requis et 630 000 hommes ont été tués (soit 2 % de la population de l'époque) et largement autant ont été blessés. Le Nord perdit au total 359 000 hommes (les Yankees, uniformes bleus) - soit presque un soldat sur cinq - et le Sud (les Confédérés, uniformes gris) en perdit 258 000 « seulement, à comparer au Nord » (soit presque un soldat sur quatre). Les généraux nordistes, forts d’une écrasante supériorité numérique, n’ont pas eu de grands scrupules à lancer de sanglantes offensives. À l’opposé, le commandement sudiste, excellemment formé et conscient de son infériorité numérique, a davantage ménagé le sang de ses hommes.

La très grande majorité des soldats étaient natifs des États-Unis. Concernant la participation non américaine, on a avancé le nombre de 600 000 étrangers, principalement européens ; parmi eux on a recensé à peu près 26 000 Français dont environ 40 % combattirent avec le Nord, et 60 % environ avec le Sud. Les données étant très imprécises, on ne sait si ces chiffres comprennent ou non les 3 000 citoyens français de la Légion française (French Brigade) de La Nouvelle-Orléans, sous le commandement d’officiers comme Philippe de Marigny de Mandeville, Albin Rochereau, Félix Ferrier, Brogniet, Charles Janvier.

Plus d'hommes moururent d'épidémies et de maladies que sur le champ de bataille, le rapport étant de un pour quatre. Ce conflit est, avec la Seconde Guerre mondiale, l'un des plus meurtriers qu'aient connu les États-Unis. En 2013 soit près de 150 ans après la Guerre de Sécession, les États-Unis payaient encore deux pensions dues à cette guerre.

Aux pertes militaires s’ajoutent quelques centaines de milliers de victimes civiles. Ainsi, la guerre la plus dure qu’aient jamais livrée les États-Unis aura été une guerre civile. Elle aura fait plus de victimes américaines que toutes les guerres du XXe siècle, y compris les deux guerres mondiales réunies !

La guerre de Sécession fut un épisode traumatisant de l'histoire des États-Unis. Elle régla cependant deux problèmes en suspens depuis 1776 : elle permit l’abolition de l'esclavage et la restauration de l'Union, en consolidant les institutions américaines et en renforçant le rôle du gouvernement fédéral. Le pays désormais ne se compose pas d'États semi-indépendants mais forme une Nation, unie et indivisible. En 1870, le dernier des États confédérés, la Géorgie fut réintégré aux États-Unis.

Les destructions opérées durant la guerre par l'Union victorieuse, suivies par des politiques d'exploitation économique, notamment par les carpetbaggers (immigrants économiques venant du Nord, voyageant avec un sac de voyage en toile à tapis) associés aux scalawags, natifs du Sud collaborant avec le nouveau pouvoir (et perçus comme des brebis galeuses), causèrent une amertume tenace parmi les anciens confédérés et leur descendance envers le gouvernement fédéral.

Cet échec du sud, en apaisant cette partie du pays, fit surgir des difficultés persistantes pendant plusieurs décennies notamment pour faire appliquer les droits civiques des noirs dans le Sud et vit un exode massif vers le Nord face à des organisations secrètes telles que le Ku Klux Klan. Pour autant, dans le nord, les anciens esclaves n'étaient pas si bienvenus que cela et souffraient du chômage ou d'un emploi très mal payé. Les conséquences économiques, politiques et sociales de cette guerre qui a ruiné le sud continuent d'influer sur la pensée américaine contemporaine.

Une Nation est née

.            La guerre de Sécession demeure l’événement majeur de l’Histoire des jeunes États-Unis. De la fédération très lâche d’États jaloux de leur autonomie, elle va extraire un État national respectueux des libertés locales mais solidement tenu en main par le pouvoir central. Significatif est le changement sémantique relevé par l’historien André Kaspi :

– Jusqu’en 1865, il était habituel de dire en anglais : « The US are… », soit : « les États-Unis sont… »

– Après 1865 et la guerre de Sécession, on dit : « The US is… », soit : « les États-Unis est… »

Un conflit qui façonne encore les Etats-Unis

.            Plus de soixante ans après la mort de Walter Washington Williams le dernier vétéran de la guerre de Sécession, Stephanie McCurry, historienne de la guerre de Sécession à l’université de Columbia, à New York, explique au Washington Post qu’à la lumière du meurtre de George Floyd (25 mai 2020) et des manifestations à travers les Etats-Unis, la mort d’Irene Triplett est le symbole d’un passé qui semble révolu, mais qui continue à façonner l’Amérique.

Le débat sur l’héritage du passé esclavagiste du pays, symbolisé par les nombreux monuments à la gloire de l’armée confédérée lors de la guerre de Sécession en est la meilleure illustration. Ainsi, le gouverneur démocrate de Virginie, Ralph Northam, vient d’annoncer son intention de déboulonner « le plus vite possible » la statue du commandant en chef de l’armée sudiste, le général Robert Edward Lee, qui trône encore à Richmond, la capitale de l’Etat (et des confédérés pendant la guerre de Sécession). « En 2020, nous ne pouvons plus honorer un système qui était basé sur l’achat et la vente d’êtres humains », a expliqué le gouverneur sur Twitter, le 04 juin.

La guerre de Sécession avait pour but l’abolition de l’esclavage ?

.            Si le conflit a bien conduit à la promulgation du Treizième Amendement, qui abolit définitivement la traite des humains, la question était peut-être loin d’être au cœur des motivations du président américain. Bien qu’opposé à l’esclavage, celui qui désirait que « la race blanche occupe la place supérieure » a aussi déclaré : « Si je pouvais sauver l’Union sans libérer un seul esclave, je le ferais. » Les États esclavagistes qui n’ont pas fait sécession, comme le Kentucky ou le Delaware, ont d’ailleurs été autorisés à poursuivre cette pratique. Ce sont donc avant tout des raisons politiques – préserver l’Union – qui ont motivé le conflit. L’attitude ambiguë de Lincoln lors de la guerre civile a d’ailleurs été exploitée par le courant wokiste et conduit au retrait, en 2020, de sa statue d’un parc de Boston.

 

Un avant-goût des conflits du XXe siècle

 

Hôpital de campagne dans l’armée de l’Union

.            Considérée par les historiens comme la charnière technique entre les guerres napoléoniennes et les guerres plus modernes qui suivirent, la guerre de Sécession, à bien des égards, conditionne les conflits beaucoup plus destructeurs du XXe siècle. Avec la guerre franco-prussienne de 1870-71, elle marqua un tournant dans l’histoire militaire de l’Occident. Pour la première fois, l’artillerie fut capable de mener la guerre au loin, écrasant un ennemi invisible sous un déluge d’acier. Les progrès dans l’artillerie, la qualité des armes individuelles et l’automatisation du tir consacrent le déclin de la cavalerie.

par les historiens comme la charnière technique entre les guerres napoléoniennes et les guerres plus modernes qui suivirent, la guerre de Sécession, à bien des égards, donne un avant-goût des conflits du XXe siècle.

Les progrès dans l’artillerie, la qualité des armes individuelles et l’automatisation du tir consacrent le déclin de la cavalerie.

Les soldats s’enterrent dans des tranchées, comme plus tard dans la Grande Guerre (1914-1918). La construction des premiers navires cuirassés et la mise en oeuvre de sous-marins d’assaut impressionnent les contemporains. Les chemins de fer sont pour la première fois mis à contribution pour le déplacement des troupes et des armes.

La conscription généralisée et obligatoire procure des fantassins en nombre quasi-illimité de sorte que les états-majors peuvent lancer des offensives sans trop se préoccuper des pertes humaines.

Le blocus économique, la propagande, les exécutions de prisonniers, les exactions à l’encontre de la population civile deviennent monnaie courante dans les deux camps. Ils traduisent l’évolution vers une guerre totale. Celle-ci se signale par le fait qu’elle vise la destruction de l’adversaire et sa reddition sans condition, à la différence des « guerres civilisées » antérieures qui débouchaient sur des négociations de paix dès lors que le vainqueur jugeait ses gains suffisants.

Notons que les services de renseignements empruntent des outils modernes (télégraphe…) de sorte que les officiers d’état-major n’ont plus besoin de s’exposer sur le champ de bataille comme au temps des guerres napoléoniennes.

À l’initiative de Lincoln lui-même, l’Habeas corpus et les garanties juridiques sont suspendues et la censure est introduite. On procède à des centaines d’arrestations préventives de suspects ou de simples opposants.

Par ailleurs, la photographie (avec Matthew B. Brady, photographe officiel de Lincoln et reporter de guerre) et le journalisme de reportage rapprochent chaque citoyen du front.

Signe annonciateur de l’individualisme triomphant du XXe siècle, les soldats fédérés tués au combat ont, pour la première fois, droit à une sépulture individuelle. Les confédérés doivent se résigner à la traditionnelle fosse commune. Les sépultures individuelles vont devenir la norme avec la Grande Guerre. Maigre consolation…

Memorial Day

 .            Initialement appelé Decoration Day, Memorial Day a été célébré par de nombreuses communautés après la guerre civile, après que le pays eut connu plus de 620 000 morts militaires, soit environ 2 % de la population totale à l'époque. John A. Logan, commandant en chef de la Grande Armée de la République, choisit le 30 mai 1868 comme jour pour décorer les tombes des troupes de l'Union à travers le pays. Depuis lors, le jour du Souvenir est désormais le jour de commémoration annuelle en l'honneur de tous ceux et celles qui sont morts au service des États-Unis en temps de paix et en temps de guerre.

 

Irene Triplett était la dernière personne à recevoir une pension liée à la guerre de Sécession

Le Monde - Pierre Bouvier – 08 jun 2020

 .            Elle était le dernier lien entre l’Amérique contemporaine et la guerre de Sécession. Irene Triplett est morte, dimanche 31 mai, dans une maison de retraite de Wilkesboro, en Caroline du Nord. Elle avait 90 ans.

Irene est la dernière personne ayant un lien avec ce conflit que les Etats-Unis ne parviennent toujours pas à digérer, 150 ans après sa fin : tous les mois, elle recevait 73,13 dollars (65 euros) de l’administration des vétérans, soit un total de 877,56 dollars (775 euros) par an. C’était la « récompense » pour la défection de son père, Moses Triplett, du camp des Sudistes confédérés avant la bataille de Gettysburg (1863).

Irene Triplett est née 67 ans après cette bataille, le 9 janvier 1930, dans l’Amérique de la Grande Dépression et de la Prohibition, dans le comté de Wilkes, en Caroline du Nord.

Sudiste puis Nordiste

 .            Son père Moses est né en 1846, dans le comté de Watauga (Caroline du Nord). Il a 16 ans lorsque commence la guerre de Sécession qui fit plus de 600 000 morts dans les deux camps. Aux débuts du conflit, il combat aux côtés de l’armée confédérée : dans le 53e régiment d’infanterie de Caroline du Nord, puis dans le 26e régiment d’infanterie de Caroline du Nord. Souvent malade, il passe l’essentiel de son temps à l’hôpital. Et puis, le 26 juin 1863, le voilà signalé comme déserteur. Il évite ainsi la bataille de Gettysburg (1er au 3 juillet 1863), tournant de la guerre au cours de laquelle 734 des 800 hommes du 26e régiment d’infanterie de Caroline du Nord sont tués (86), blessés (502) ou capturés.

Mais dans la région de Caroline du Nord d’où est originaire Moses Triplett, une partie de la population soutient les abolitionnistes et héberge des déserteurs de l’armée confédérée. Il réapparaît le 1er août 1864, à Knoxville, dans le Tennessee, où il rejoint le 3e régiment d’infanterie à cheval de Caroline du Nord (armée de l’Union). Les « Kirk’s Raiders », du nom du colonel George Washington Kirk qui les menait, s’illustrent dans des actions de guérilla contre les troupes confédérées. Plus tard George Washington Kirk fera la chasse au Ku Klux Klan.

Une pension réclamée vingt ans après la guerre

 .            Revenu chez lui, Moses Triplett fut considéré comme un paria, un traître. Mais, portant toujours un revolver à la ceinture et n’hésitant pas à s’en servir, il inspirait la crainte. En 1885, il demande une pension, au titre de son service dans l’armée de l’Union. Elle lui est accordée l’année suivante. En 1886, Moses Triplett obtient une pension d’invalidité, dont bénéficiera sa fille Irene, jusqu’à la fin de sa vie.

De sa relation avec sa première femme, Mary, on ne sait rien, tout juste qu’ils n’ont aucune descendance et qu’elle meurt en 1920. En 1924, il se marie avec Elida Hall. Elle a 34 ans, souffre de problèmes mentaux, lui en a 83. Ces unions entre un vétéran qui touche une pension et une femme beaucoup plus jeune ne sont pas rares : il lui offre un maigre revenu ; elle prend soin de lui. Ils auront cinq enfants : Phema, Patsy et Billie Coolidge meurent, seules Irene et Everette survivent.

Moses Triplett meurt en 1938 à l’âge de 92 ans, quelques jours après avoir assisté à une réunion d’anciens combattants de la guerre Sécession, à laquelle participait le président Franklin Roosevelt, sur le champ de bataille de Gettysburg.

Comme sa mère, Irène souffre d’un handicap : elle est atteinte de troubles cognitifs. En 2014, elle racontait au Wall Street Journal qu’elle avait eu une enfance difficile, battue par ses enseignants et ses parents à la maison. A l’école, elle est l’objet de moqueries de la part des élèves au sujet de son père, le « traître ». Elle abandonne l’école en sixième année, incapable de lire ou d’écrire correctement. Elle raconte que, « si elle ne sombre pas dans l’alcool, très jeune, elle commence à mâcher du tabac ». Une habitude qui ne la lâchera plus.

La mère et la fille vivent ensemble pendant quelques années dans un foyer pour pauvres du comté de Wilkes. A la mort de sa mère, en 1967, Irene Triplett devient bénéficiaire de la pension de son père, en raison de son handicap. Elle ne s’est jamais mariée et a été placée dans plusieurs maisons de soins, ses frais étant couverts par le Medicaid (l’assurance-maladie aux individus et aux familles à faibles revenus et ressources) et la pension d’invalidité de son père.

Outre les anciens combattants des guerres menées par les Etats-Unis depuis le début du XXe siècle – et leurs ayants droit –, le département des anciens combattants verse des prestations de retraite liées à la guerre hispano-américaine de 1898 à trente-trois conjoints survivants et à dix-huit enfants.